Depuis plusieurs années, les chercheurs se focalisent sur les anticorps neutralisants à large spectre contre le VIH pour développer un vaccin, mais il existe des difficultés techniques. En traquant la coévolution du virus du Sida avec ces anticorps chez un même patient, des scientifiques américains laissent entendre que le problème ne serait peut-être plus aussi complexe que prévu

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    Le rêve d'un vaccin contre le Sida chemine depuis de nombreuses années dans l'esprit des scientifiques. Malheureusement, aucune tentative n'a pleinement réussi, bien que certains essais cliniques montrent un succès relatif. Pourquoi ne réussit-on pas ce qui est possible pour de nombreuses maladies, virales ou bactériennes ? Car le VIH a une particularité : il mute énormément.

    En général, une seule forme du virus du Sida, pionnière, infecte une personne, bien que celle-ci puisse varier d'un individu à l'autre. Les enzymesenzymes virales sont ainsi conçues que lors de la réplication, elles commettent très fréquemment des erreurs, entraînant un taux de mutation très élevé. Peu à peu, le patient séropositif va présenter de multiples formes du VIH, ce qui rend son profil unique.

    Des anticorps neutralisants à large spectre difficiles à synthétiser

    Du fait de cette grande variabilité, il est difficile de trouver un anticorps capable de reconnaître et de prendre le dessus sur toutes ces formes du VIH. Pourtant, les scientifiques ont remarqué que 20 % des séropositifs développent ce qu'on appelle des anticorps neutralisants à large spectre, ayant la possibilité de se lier et d'inactiver de nombreux variants du VIH. L'un d'entre eux, VRC01, pourrait même détruire 90 % des virusvirus du SidaSida. Mais ces protéinesprotéines du système immunitaire n'apparaissent que deux à quatre ans après l'infection et ne suffisent pas à enrayer l'épidémieépidémie.

    Le VIH, ici observé au microscope électronique à transmission, infecte encore 34 millions de personnes dans le monde. Il en a tué 1,7 million en 2011. S'il est si difficile de s'en préserver, c'est parce qu'il mute à un rythme très élevé, rendant difficile la mise au point d'un vaccin. Mais à force de persévérance, les scientifiques pourraient bien trouver la solution. © A. Harrison & P. Feorino, CDC, DP

    Le VIH, ici observé au microscope électronique à transmission, infecte encore 34 millions de personnes dans le monde. Il en a tué 1,7 million en 2011. S'il est si difficile de s'en préserver, c'est parce qu'il mute à un rythme très élevé, rendant difficile la mise au point d'un vaccin. Mais à force de persévérance, les scientifiques pourraient bien trouver la solution. © A. Harrison & P. Feorino, CDC, DP

    Malheureusement, il est très difficile de pousser les lymphocyteslymphocytes B à le produire, notamment parce qu'il est particulièrement complexe et qu'il demande de longs mois avant d'être théoriquement synthétisé. Voilà pourquoi nous nous trouvons encore dans une impasse.

    Mais une nouvelle étude, parue dans la revue Nature, sous-entend que le problème ne serait probablement pas insurmontable. Barton Haynes et son équipe de la faculté de médecine de l'université Duke (Durham, États-Unis) ont découvert, grâce à un protocoleprotocole original, un nouvel anticorps à large spectrespectre plus simple que les autres...

    Recréer l’anticorps CH103 étape par étape

    Ces chercheurs ont suivi pendant plus de deux ans et demi un patient africain peu après avoir été infecté par le VIH. Des examens biologiques réguliers ont permis de déterminer les différents variants au cours du temps, ainsi que les défenses immunitaires qu'il développait. Après 136 mois, une analyse sanguine a révélé la présence de ce qu'ils recherchaient : un anticorps neutralisant, surnommé CH103.

    En remontant et analysant de nouveau les échantillons précédents, les auteurs ont pu retracer l'histoire de la coévolution entre le virus du Sida et les anticorps précurseurs de CH103. Disposant désormais de toutes les étapes nécessaires à la maturation de cette protéine, leur souhait est d'inciter nos lymphocytes B précurseurs à la recréer pièce par pièce par l'intermédiaire d'un vaccin.

    La vaccination contre le Sida dans un futur lointain

    Mais l'enjeu reste colossal. Cela implique de multiples injections, mois après mois, pour aboutir à l'expression d'un anticorps qui ne reconnaît que 55 % des variants du VIH. À lui tout seul, il ne peut être suffisant, et la thérapiethérapie devrait être complétée par d'autres moléculesmolécules antigéniques pour éliminer le virus du Sida sous toutes ses formes. Ce n'est pas encore gagné.

    Dans le New York Times, Louis Picker, chercheur à l'Oregon Health & Science University, fait part d'une belle métaphore pour décrire les progrès de la vaccinationvaccination contre le Sida. Selon lui, les avancées actuelles sont comparables à ce qu'était la cartographie en l'an 1400. Des contours mal dessinés, et surtout un continent encore inconnu...