Une équipe de l'Institut de la vision (Inserm-CNRS-Sorbonne université) a montré qu'un dispositif fabriqué par la société Pixium Vision permettrait d'induire une perception visuelle de haute résolution chez des primates non-humains. Ce nouveau dispositif a été implanté chez cinq patients français atteints de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) et les premiers résultats indiquent une acuité visuelle améliorée. L'objectif à présent est de faire un essai de phase 3 chez un groupe plus conséquent.


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    Depuis plusieurs années, la perspective de restaurer la vision des patients souffrant de dégénérescence maculairedégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) ou de rétinopathies pigmentairepigmentaire devient de plus en plus tangible. De nombreux chercheurs ont ainsi tenté de développer une rétine artificielle permettant de lutter contre la cécité. Dans une nouvelle étude, une équipe de l'Institut de la vision (Inserm-CNRS-Sorbonne Université) menée par le chercheur Inserm Serge Picaud a montré, dans des modèles animaux, qu'un dispositif fabriqué par la société Pixium Vision permettrait d'induire une perception visuelle de haute résolutionrésolution. Leurs résultats, publiés dans Nature Biomedical Engineering, ont ouvert la voie à des essais cliniques chez l'Homme.

    DMLA, jusqu’à 30 % des personnes âgées de plus de 75 ans seraient concernées

    Maladie du vieillissement particulièrement invalidante, la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) se caractérise par une dégradation de la rétine pouvant mener à une perte de la vision centrale. Jusqu'à 30 % des personnes âgées de plus de 75 ans seraient concernées. Depuis des années, plusieurs groupes de chercheurs œuvrent pour développer une rétine artificielle qui pourrait redonner la vue à ces patients, ainsi qu'aux individus atteints de rétinopathie pigmentaire. La rétine est composée de cellules sensibles à la lumièrelumière appelées photorécepteurs, dont le but est de transformer les signaux lumineux reçus par l'œil en signaux électriques acheminés vers le cerveau. Ce sont ces cellules qui sont détruites au cours de ces pathologies, ce qui peut mener à la cécité. Le principe d'une rétine artificielle est simple : elle est développée pour se substituer à ces photorécepteurs. Le dispositif est en fait constitué d'implants fixés sous la rétine et composés d'électrodesélectrodes qui viennent stimuler les neurones rétiniens pour porter les messages au cerveau

    Depuis des années des chercheurs œuvrent pour développer une rétine artificielle et redonner la vue à des patients atteints de DMLA. © Serg Zastavkin, Adobe Stock
    Depuis des années des chercheurs œuvrent pour développer une rétine artificielle et redonner la vue à des patients atteints de DMLA. © Serg Zastavkin, Adobe Stock

    Réinventer le dispositif

    Deux dispositifs de ce type, l'Argus II (Second sight, États-Unis) et le Retina Implant (AGAG, Allemagne), ont déjà largement été implantés. « Néanmoins, ces deux entreprises se désengagent petit à petit du marché, notamment parce que le rendu pour les patients n'était pas suffisant pour cibler les patients atteints de DMLA. Les patients parvenaient à voir des signaux lumineux, mais ceux qui arrivaient à distinguer des lettres étaient très minoritaires », souligne Serge Picaud.

    Réinventer le dispositif pour le rendre plus performant, telle a été l'ambition de ce chercheur Inserm et de ses collègues. Portée par l'entreprise Pixium Vision, leur rétine artificielle, inventée par le Pr Palanker à l'université de Stanford (États-Unis), est un dispositif sans fil, moins complexe, contrairement aux dispositifs précédents. De plus, cet implant introduit un retour local du courant induisant ainsi une meilleure résolution des images perçues par l'œilœil. Enfin, l'image est projetée sur l'implant par une stimulationstimulation infrarouge qui active des photodiodes reliées aux électrodes, permettant une stimulation plus directe des neurones rétiniens.

    La rétine artificielle développée par Pixium Vision. © Serge Picaud, Inserm
    La rétine artificielle développée par Pixium Vision. © Serge Picaud, Inserm

    Vers une implantation du dispositif chez des patients

    Dans leur étude publiée le 2 décembre, Serge Picaud et ses collègues ont testé ce dispositif chez des primatesprimates non-humains, montrant qu'il permet de restaurer une acuité visuelleacuité visuelle significative. Des tests in vitroin vitro ont d'abord montré que chaque pixelpixel active des cellules différentes dans la rétine. Cette sélectivité se traduit par une très haute résolution, de sorte que des animaux implantés peuvent percevoir l'activation d'un seul pixel de l'implant dans un test de comportement.

    Les premiers résultats indiquent que les patients retrouvent peu à peu une vision centrale

    La haute résolution de ces implants a permis d'ouvrir la voie à l'implantation du dispositif chez cinq patients français atteints de DMLA dans le service de José-Alain Sahel à la Fondation ophtalmologique A. de Rothschild. Les premiers résultats indiquent que ceux-ci retrouvent peu à peu une vision centrale. Ils sont en mesure de percevoir des signaux lumineux, et certains peuvent même identifier des séquences de lettres, de plus en plus rapidement au cours du temps.

    « L'objectif est maintenant de faire un essai de phase 3 chez un groupe plus conséquent de patients atteints de DMLA. Si la rétine artificielle fonctionne chez eux, nous pensons qu'il n'y a pas de raison pour qu'elle ne fonctionne pas chez des patients souffrant de rétinopathie pigmentaire, maladie également liée à la dégénérescence des photorécepteurs », conclut Serge Picaud.

     


    Rétine artificielle : des essais prometteurs

    Encore un nouvel espoir pour les personnes atteintes de cécité : une puce implantée sous la rétine et dotée de photorécepteurs synthétiques permet à des patients greffés de repérer des objets, et même, pour l'un d'entre eux, de lire !

    Article de Claire Peltier, publié le 8 novembre 2010

    La rétinite pigmentairerétinite pigmentaire et la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) affectent les photorécepteurs et mènent à une cécité progressive. Malgré les améliorations dans le domaine de la thérapie génique qui permettent de ralentir la destruction des photorécepteurs, elles sont pour le moment incurables. Les neurones intermédiaires de la rétine assurant le lien entre les photorécepteurs et le nerfnerf optique sont pourtant toujours fonctionnels et le remplacement des photorécepteurs par un système de détection de la lumière pourrait alors redonner la vue à des patients.

    C'est ce qui a été fait par les chercheurs de l'université de Tübingen en Allemagne. Dans le cadre d'une étude cliniqueétude clinique pilote, une puce sensible à la lumière a été implantée sous la rétine de trois patients d'une quarantaine d'années, atteints de dégénération rétinienne héréditaire (rétinite pigmentaire ou choroïdérémie) depuis leur enfance et ayant perdu la capacité de lire depuis au moins 5 ans.

    Cet implant possède 1.500 pixels (38 x 40), chacun composé d'une microphotodiode. Ces photorécepteurs synthétiques détectent la lumière et la transforment en un signal électrique proportionnel à l'intensité lumineuse. Chaque pixel possède son propre amplificateur et sa propre électrode, de sorte que les neurones bipolairesneurones bipolaires sous-jacents correspondants sont activés indépendamment et transmettent l’information au cerveau.

    La puce est reliée à une batterie externe via un câble en silicone qui transperce l'œil. © <em>Tübingen University</em>
    La puce est reliée à une batterie externe via un câble en silicone qui transperce l'œil. © Tübingen University

    Implanté, le capteur devient physiologiquement fonctionnel

    Suite à de précédentes expérimentations in vitro et sur des animaux, l'équipe de recherche a pu mettre au point cet implant biocompatible, stable et dont la pose est réalisable chirurgicalement. Les microphotodiodes sont placées sur une puce de 3 millimètres de côté, dont l'épaisseur atteint à peine 20 micromètresmicromètres. Un long câble en siliconesilicone, qui s'externalise derrière l'oreille, relie la puce à une batterie externe nécessaire à son alimentation.

    Les patients greffés ont répondu positivement au premier test consistant en l'émissionémission de flashsflashs de lumière par un écran : l'implant les rend donc sensibles à la lumière. De plus, leur réflexe pupillaire, qui permet d'ajuster l'intensité lumineuse sur la rétine, est amélioré lorsque la puce est en position « on ». Les trois patients ont également réussi à localiser des objets clairs posés sur une table foncée, mais deux d'entre eux ont échoué à des tests plus poussés.

     

    Chez un des patients, l'implant lui permet de reconnaître des objets clairs placés sur une table foncée. © Tübingen UniversityYouTubeYouTube

     

    Une chance de revoir

    Le troisième patient, le seul à posséder l'implant placé sous la maculamacula (zone de la rétine riche en photorécepteurs) a pu décrire correctement une cuiller, un couteau ou une tasse, de même qu'une bananebanane et une pomme. Il est également capable de reconnaître des formes simples projetées sur un écran (carrés, triangles, lettres...) et de lire son nom écrit avec des lettres découpées dans une feuille blanche et posées sur un fond noir.

    D'après les auteurs de l'article publié dans Proceedings of the Royal society B, des développements supplémentaires sont nécessaires pour améliorer le contrastecontraste, la résolution spatiale. Cependant, leurs travaux offrent la preuve qu'une puce peut permettre de restituer des fonctions visuelles, permettant aux patients de localiser, de reconnaître des objets, voire de lire.