Le vieux conseil vient de trouver sa justification scientifique : pour limiter la douleur lors d’une piqûre, il vaut mieux détourner le regard. L’expérience passée et celle que l’on se prépare à affronter influencent la perception du mal enduré !

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    Les piqûres permettent l'injection par voie intraveineuse de substances thérapeutiques directement dans le sang, évitant ainsi les délais et les barrières de la digestion. On les utilise couramment pour la vaccination, le contrôle de la glycémie dans le diabète, ou dans des situations d'urgence, comme l'injection d'antidote contre un venin mortel. © James Gathany, Centers for Disease Control and Prevention, DP

    Les piqûres permettent l'injection par voie intraveineuse de substances thérapeutiques directement dans le sang, évitant ainsi les délais et les barrières de la digestion. On les utilise couramment pour la vaccination, le contrôle de la glycémie dans le diabète, ou dans des situations d'urgence, comme l'injection d'antidote contre un venin mortel. © James Gathany, Centers for Disease Control and Prevention, DP

    « Regarde ailleurs, tu auras moins mal. » Tous ceux qui craignent les piqûres ont déjà entendu ce conseil véhiculé depuis des décennies maintenant. Les médecins avaient pressenti que l'anticipation d'une situation douloureuse suffisait à exagérer la souffrance et préconisaient de détourner l'attention de leur patient pour limiter l'intensité des sensations désagréables. Mais le fondement scientifique de ces pratiques est récent.

    Ce concept avait déjà été établi il y a quelques années, quand des chercheurs affirmaient à leurs cobayes que la décharge électrique qu'ils allaient ressentir allait faire très mal. Ceux-ci se plaignaient alors de douleurs fortes. Lorsqu'on leur promettait au contraire qu'ils ne ressentiraient plus rien, ils réagissaient à peine à la stimulation électrique, pourtant de même intensité.

    Désormais, des scientifiques de l'hôpital universitaire de la Charité de Berlin viennent d'étendre cette idée à la peur des seringues, comme il est expliqué dans les pages de la revue Pain. Ils prouvent ainsi l'importance de l'attitude du médecin à propos du ressenti de la douleur lors des injections.

    Les piqûres font plus mal quand on les voit

    L'expérience proposait à des volontaires de regarder une vidéo parmi trois, dans lesquelles on voyait soit une main recevoir une piqûre, soit caressée par un coton-tige ou à qui il n'arrive aucune mésaventure. Les films étaient visionnés sur un écran, placé juste au-dessus de la main des sujets, de manière à leur donner l'illusion que cela aurait pu être leur propre membre. En parallèle, ils recevaient une décharge électrique, douloureuse ou non, et l'activité du système nerveux autonomesystème nerveux autonome était mesurée à travers la dilatationdilatation de leur pupille.

    La simple vision d'une aiguille suscite chez certains une réaction de peur et d'anxiété. En modifiant la perception qu'on peut en avoir, on pourrait limiter le ressenti de la douleur. © Zaldylmg, Flickr, cc by 2.0

    La simple vision d'une aiguille suscite chez certains une réaction de peur et d'anxiété. En modifiant la perception qu'on peut en avoir, on pourrait limiter le ressenti de la douleur. © Zaldylmg, Flickr, cc by 2.0

    Les volontaires se sont plaint d'avoir ressenti des douleurs plus fortes et plus déplaisantes lorsqu'on leur diffusait la vidéo de la main piquée par rapport à celle de la main seule. Il en va de même vis-à-vis de la caresse par un coton tige, à quelques exceptions près, comme nous l'expliquerons dans le paragraphe suivant. L'activité du système nerveux autonome était également plus intense dans l'extrait où la seringue pénétrait la chair. L'expérience traumatisante des piqûres est moins bien vécue lorsqu'on est confronté visuellement à l'injection.

    L’anticipation de la douleur augmente la perception de la douleur

    Dans un second test, les chercheurs ont démontré que l'anticipation d'une situation douloureuse contribuait à augmenter la souffrance ressentie. Les volontaires étaient avertis qu'ils risquaient d'avoir plus mal en visionnant les vidéos avec la piqûre et le coton-tige. Leur réaction a été fidèle à cet avertissement, appuyant l'idée que le contexte dans lequel le patient est plongé influence sa perception des événements.

    Marion Höfle, coauteur de l'étude, donne ses instructions. « Il faut conseiller au médecin de délivrer des informations qui diminuent les attentes d'un patient à propos de l'intensité de la douleur à venir avant une piqûre. » Et d'ajouter : « Puisque voir une seringue augmente la perception douloureuse aussi bien qu'elle accroît l'activité du système nerveux autonome, nous venons d'apporter des preuves empiriques qui confirment l'intérêt du conseil courant de ne pas regarder l'aiguille lorsqu'on reçoit une injection ». CQFD.