On pensait les pertes de mémoire liées à la maladie d’Alzheimer irréversibles. Mais des chercheurs américains, à la recherche de facteurs épigénétiques qui pourraient être impliqués dans l’apparition de tels déficits cognitifs, proposent aujourd’hui de s’intéresser à une nouvelle stratégie qui leur a permis de restaurer la mémoire de leurs souris.


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    Troubles du comportement, troubles de la pensée et troubles de la mémoire. Ce sont les symptômes de la maladie d'Alzheimer. Une maladie qui pourrait bientôt toucher un Français de plus de 65 ans sur quatre. Mais des travaux menés par une équipe de l'université de Buffalo (États-Unis) laissent penser qu'il pourrait être possible de restaurer la mémoire perdue des malades ayant atteint un stade avancé de la maladie. Les chercheurs comptent pour cela sur l'épigénétique.

    Rappelons que chacun de nos gènes porteporte l'information nécessaire à la synthèse d'une ou plusieurs moléculesmolécules. L'épigénétique est la science qui s'intéresse à des informations complémentaires qui vont définir comment ces gènes seront utilisés - ou non - par une cellule. Elle ne s'interroge pas relativement aux modifications de séquences d'ADN, seulement les modifications induites par notre environnement, au sens large du terme.

    « Nous avons identifié les facteurs épigénétiques qui contribuent à la perte de mémoire. Nous avons également trouvé des moyens de les inverser temporairement dans un modèle animal », déclare Zhen Yan, professeur en physiologie et biophysique à l'université de Buffalo.

    Les chercheurs appellent histones, des protéines que l’on trouve dans le noyau des cellules et autour desquelles l’ADN est enroulé. Modifier ces histones modifie l’accès du matériel génétique au mécanisme de transcription d’une cellule. © lisichik, Pixabay, CC0 Creative Commons
    Les chercheurs appellent histones, des protéines que l’on trouve dans le noyau des cellules et autour desquelles l’ADN est enroulé. Modifier ces histones modifie l’accès du matériel génétique au mécanisme de transcription d’une cellule. © lisichik, Pixabay, CC0 Creative Commons

    Une nouvelle approche de la maladie

    Il était déjà connu que le déclin cognitif le plus spectaculaire - celui qui survient aux derniers stades de la maladie d'Alzheimer - est provoqué par une perte de récepteurs du glutamateglutamate. Ces récepteurs apparaissent essentiels à l'apprentissage et à la mémoire à court terme. Et les chercheurs de l'université de Buffalo ont découvert, sur un modèle animal et dans des tissus cérébraux relevés post-mortem sur des patients, que cette perte de récepteurs résulte d'un processus épigénétique appelé modification répressive de l'histone.

    Une amélioration cognitive spectaculaire

    Or il se trouve que ce processus est contrôlé par des enzymesenzymes. Des enzymes qui ont été inhibées dans les souris de laboratoiresouris de laboratoire. Résultat, celles-ci ont retrouvé leur mémoire de reconnaissance, leur mémoire spatiale et leur mémoire de travailmémoire de travail. « Une amélioration cognitive aussi spectaculaire nous a surpris. L'expression et la fonction des récepteurs du glutamate dans le cortexcortex frontalfrontal ont été récupérées », raconte Zhen Yan. Pendant une semaine seulement.

    Reste donc maintenant à développer des composés qui pénètrent plus efficacement dans le cerveaucerveau et dont l'action se révèlerait surtout plus durable. « Si de nombreux gènes dysrégulés par la maladie d'Alzheimer sont normalisés en ciblant des enzymes épigénétiques spécifiques, il sera possible de restaurer la fonction cognitive et le comportement des malades », conclut Zhen Yan.


    La perte de mémoire est réversible… chez la souris

    Selon des chercheurs états-uniens, le déclin de la mémoire serait dû à la carencecarence d'une protéineprotéine clé appelée RbAp48. Ce phénomène serait distinct de ce qui se passe lors de la maladie d'Alzheimer et, chez la souris, il a pu être inversé !

    Article de Agnès Roux paru le 03/09/2013

    Avec l'âge, la peau perd de son élasticitéélasticité, les muscles s'atrophient et les os se fragilisent. Le cerveau, lui aussi, subit les outrages du temps, perdant peu à peu son dynamisme. Les personnes âgées ont souvent une mémoire paresseuse ;et enregistrent moins bien les informations.

    La mémoire est une fonction cérébrale complexe et encore mal comprise par la communauté scientifique. Il en existe d'ailleurs plusieurs types : mémoire à long terme, mémoire de travail, mémoire sensoriellemémoire sensorielle... De même, le cerveau ne possède pas un centre général de la mémoire. En fait, ce sont les renforcements de certaines connexions entre les neuronesneurones qui conduisent à la formation et à la consolidation des souvenirs. Certaines régions cérébrales, comme le cortex préfrontalcortex préfrontal, le cortex promoteur et le cortex occipital, jouent cependant un rôle important. L'hippocampe est également un carrefour indispensable à la formation des souvenirs.

    Ce schéma du cerveau permet de localiser l'hippocampe (<em>Hippocampus</em>), profondément ancré dans l'encéphale. Cette zone du cerveau joue un rôle central dans la mémoire. © Looie496, Wikipédia, DP
    Ce schéma du cerveau permet de localiser l'hippocampe (Hippocampus), profondément ancré dans l'encéphale. Cette zone du cerveau joue un rôle central dans la mémoire. © Looie496, Wikipédia, DP

    La maladie d’Alzheimer est une pathologiepathologie neurologique qui conduit à la démencedémence. Les troubles de la mémoire sont généralement les premiers signes de la maladie. Aux États-Unis, des chercheurs de l'université de ColumbiaColumbia viennent de montrer que l'usure des souvenirs est une fatalité naturelle liée à l'insuffisanse d'une protéine dans le cerveau. Avoir des trous de mémoire ne serait donc pas toujours le signe de la maladie d'Alzheimer. Leurs travaux sont publiés dans la revue Science Translational Medicine.

    Une carence en RbAp48 lors du vieillissement

    Pour cette étude, les chercheurs ont débuté leur analyse chez l'Homme. Les huit participants à cette expérience avaient entre 33 et 38 ans, un âge qui, selon les auteurs, permet déjà d'observer les effets du temps au niveau cellulaire. Ils ont comparé l'expression des gènes de cellules du gyrus denté, une zone du cortex cérébral proche de l'hippocampehippocampe, à celle de cellules du cortex entorhinal, une structure du cerveau qui ne serait pas affecté par le vieillissement. Cette expérience avait pour but de mettre en évidence les gènes dont l'expression change avec les années.

    La pêchepêche a été bonne puisqu'ils ont identifié 17 candidats répondant à leurs exigences. Pour l'un d'entre eux, RbAp48, l'expression était très faible dans le gyrus dentégyrus denté par rapport au cortex entorhinal. Ce gène code pour une protéine impliquée dans l'acétylationacétylation des histones, des protéines essentielles à la structure et à la compaction de l'ADN. Les auteurs en ont conclu que le vieillissement des cellules du gyrus denté s'accompagnait d'une diminution de la synthèse de la protéine RbAp48.

    Ce qui est vrai chez l'Homme est-il vrai chez la souris ? C'est en général la question inverse que les scientifiques se posent mais dans cette étude il a fallu faire le chemin inverse. Les chercheurs ont tout d'abord montré que chez les souris aussi, le vieillissement conduisait à une diminution de l'accumulation de RbAp48 dans le gyrus denté. Ils ont alors inhibé cette protéine dans le cerveau de jeunes souris et ont montré que cela induisait une baisse de la mémoire : les rongeursrongeurs avaient de moins bons scores au test du labyrinthe.

    Des souris OGM qui retrouvent la mémoire

    Dans un second temps, les scientifiques ont voulu voir ce qui se passerait dans le cas inverse, c'est-à-dire en augmentant la quantité de RbAp48 dans le gyrus denté de vieilles souris. Pour réaliser cette prouesse, ils ont transformé génétiquement les cellules nerveuses en utilisant un virusvirus recombiné. Leurs résultats ont été à la hauteur de leurs espérances. « Les vieilles souris génétiquement modifiées sont devenues aussi fortes que les jeunes au test de mémoire ! » s'est enthousiasmé Elias Pavlopoulos, le principal auteur de l'étude. « Nous avons réussi à inverser les effets du temps chez la souris, rajoute Eric Kandel, le directeur de l'équipe et lauréat du prix Nobel de médecine en 2000, ce résultat montre que RbAp48 est une protéine essentielle au vieillissement. »

    Contrairement à ce qui se produit au cours de la maladie d'Alzheimer, les scientifiques ont montré qu'il n'y avait pas de perte de neurones lors du vieillissement normal. « Cette étude est la première à montrer que la détérioration de la mémoire avec l'âge et la maladie d'Alzheimer sont des phénomènes distincts, expliquent les auteurs. La première est réversibleréversible et pourrait se traiter en augmentant la quantité de RbAp48, alors que la seconde est pour le moment incurable. »