L’étude sur le maïs OGM NK603 menée par Gilles-Éric Séralini a été très contestée par une partie de la communauté scientifique. Lui et ses collaborateurs ont fourni une réponse argumentée à leurs contradicteurs. En voici la seconde partie.

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    Dans un premier article, nous présentions quelques-unes des réponses de l’équipe de Gilles-Éric Séralini, concernant les accusations de conflits d'intérêt ou les doutes sur la souche de rat utilisée.

    Le débat sur l'innocuité des OGMOGM est loin d'être terminé. Après l'étude choc de Gilles-Éric Séralini, démontrant la possible toxicité du maïs NK603 de Monsanto pour des rats, les critiques n'ont cessé de pleuvoir. Face à tous ces contradicteurs, les chercheurs de l'université de Caen ont répliqué dans la revue dans laquelle ils avaient publié leur premier travail : Food & Chemical Toxicology.

    OGM : un problème statistique ?

    Pointés du doigt notamment, les outils mathématiques utilisés par les scientifiques normands. Pour conclure une étude avec précision, il faut un modèle statistique adapté. Or, la technique adoptée (OPLS-DA) n'est pas validée au niveau règlementaire. Cela signifie qu'elle n'entre pas dans les normes établies pour l'analyse de l'innocuité ou de la toxicité d'un produit par les agences sanitaires. Toutefois la méthode est assez nouvelle et, d'un point de vue mathématique, aurait toute sa place pour la recherche fondamentale selon la ligne de défense des auteurs. Gilles-Éric Séralini défendait d'ailleurs la pertinence de ce modèle dans une interview télévisée arguant du fait que le seul statisticien de l'Académie des sciences, non consulté quand cette institution a pris position sur l'article, le trouve adapté.

    Des rats en effectifs insuffisants ?

    Leurs résultats auraient été surinterprétés selon certains scientifiques. En réponse, les auteurs indiquent que leur modèle statistique est très puissant pour les études biochimiques qui révèlent à l'aveugle des marqueurs déréglés. Ils précisent aussi qu'en mettant ces résultats en parallèle avec les données mises en avant par les anatomopathologistes, qui révèlent à l'aveugle quelles sont les causes de mortalité des rats, il y a une correspondance.

    Le problème viendrait-il des effectifs insuffisants ? En tout, 200 rats ont été utilisés, autant de mâles que de femelles, divisés en dix groupes traités de manière différente. Ainsi, un groupe contenait 10 rongeursrongeurs de chaque sexe. Un nombre jugé trop faible par beaucoup de contradicteurs. Gilles-Éric Séralini répond que c'est le nombre minimal nécessaire pour les études biochimiques selon les normes OCDEOCDE (452). 

    La règle veut qu'on ait recours à au moins 50 rats par groupe lorsqu'on réalise une étude de cancérogenèsecancérogenèse. Mais, soulignent-ils, cette étude n'en était pas une. Ils poursuivent : jamais une étude de ce genre n'avait été menée sur l'intégralité de la vie d'un mammifèremammifère. C'est l'argument qui les pousse à juger la comparaison illégitime et remarquent que Monsanto n'avait pas fait mieux pour la validation de ses OGM.

    Robin Mesnage, l'un des coauteurs de cette étude sur les OGM, explique avoir repéré des résultats suspects dans l'étude qui évalue la toxicité du glyphosate. © Robin Mesnage

    Robin Mesnage, l'un des coauteurs de cette étude sur les OGM, explique avoir repéré des résultats suspects dans l'étude qui évalue la toxicité du glyphosate. © Robin Mesnage

    Comme l'a précisé Gilles-Éric Séralini par e-mail à Futura-Sciences, « nous aurions aimé travailler avec 20, voire 100 rats par groupe. Mais dans ce cas, il nous aurait fallu un budget de 6 à 50 millions d'euros. Or, nous n'avons pu récolter que 3,2 millions d'euros et avons fait avec les moyens du bord ».

    Victimes ou coupables ?

    La liste de leurs arguments est encore longue. Globalement, il en ressort que Gilles-Éric Séralini et ses coauteurs se plaignent de ne pas subir le même traitement que les études menées par certaines firmes alimentaires ou pharmaceutiques, avec lesquelles on laisse passer des erreurs de méthodologie, comme le soulignent les pétitions de soutien au chercheur bas-normand.

    Contacté par téléphone, Robin Mesnage nous a d'ailleurs fait part d'une remarque qui va dans ce sens. Il nous explique que régulièrement, l'Efsa (Agence de sécurité alimentaire européenne) demande à vérifier l'innocuité de certains produits déjà validés et désigne une agence sanitaire d'un pays membre pour effectuer de nouveau l'évaluation. Le glyphosateglyphosate est donc passé entre les mains du BFR, l'agence de sécurité sanitaire allemande.

    « En épluchant les données de leur rapport attestant de l'absence de danger de la moléculemolécule, j'ai remarqué qu'un détail avait été négligé, précise-t-il. Des effets sont écartés car ils ne répondent pas à la règle selon laquelle la dose fait le poison. À faible dose, le glyphosate a des effets néfastes sur la santé des rongeurs, alors qu'à haute dose, ils sont bien moins nets. » Pour le doctorant, c'est probablement le signe de perturbations endocriniennes, visibles à des taux faibles mais indétectables sur le court terme dès que les concentrations s'élèvent. Dans le cas de certains poisons, on observe effectivement une relation de proportionnalité entre les effets et la dose. Mais pour les molécules toxiques qui déstabilisent les systèmes hormonaux, cela ne se vérifie pas.

    Cela signifie-t-il que certaines agences sont moins regardantes sur leurs travaux que sur ceux des autres ? Ce n'est pas à nous de répondre. Une chose est sûre, le débat au sein de la communauté scientifique n'est pas terminé. La seule façon de trancher consisterait sûrement en une remise à plat des données brutes des deux parties, pour une analyse contradictoire par des tiers. Maintenant, comment réagira la communauté scientifique aux arguments de l'équipe Séralini ? Feront-ils taire les critiques ou recevront-ils de nouvelles attaques ? Affaire à suivre...