Une lésion de la moelle épinière, provoquant chez des souris une paralysie des membres inférieurs, a pu être réduite, immédiatement après l'intervention, grâce à l'injection d'une substance liquide – là est la nouveauté -, formant ensuite un réseau de nanofibres organiques facilitant la repousse des cellules nerveuses.

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    Une image au microscope électronique du réseau de nanofibres formées de peptides. © Journal of Neuroscience

    Une image au microscope électronique du réseau de nanofibres formées de peptides. © Journal of Neuroscience

    Des souris paralysées des deux pattes arrière ont recouvré - très partiellement - l'usage de leurs membres six semaines après une simple injection... Ce n'est pas une découverte fortuite ni une révolution. L'équipe de Samuel Stupp (Northwestern University, Illinois) y travaille depuis des années. L'an dernier, ces travaux sur la réparation de lésions de la moelle épinière avaient été présentés  lors d'une conférence sur les nanotechnologiesnanotechnologies. Mais leurs derniers résultats, qui viennent d'être publiés dans le Journal of Neuroscience, constituent une réelle avancée.

    L'idée est de générer au niveau de la lésion, dans la moelle épinière, un réseau de nanofibres porteuses de certaines moléculesmolécules actives, favorisant la pousse des cellules nerveuses. Pour les fibres, les chercheurs utilisent des peptides (petites protéines) dites amphiphilesamphiphiles, c'est-à-dire possédant un pôle hydrophobehydrophobe et un pôle hydrophilehydrophile. Spontanément, ces molécules s'assemblent en longues fibres cylindriques de très faible diamètre, finissant par former un réseau à trois dimensions.

    Les peptides utilisés portent une certaine séquence de cinq acides aminés (isoleucine-lysinelysine-|b60fb2d2b1f8081ad702cb8a1d73312c|-alaninealanine-valine), baptisée IKVAV. Cette série est devenue célèbre depuis que l'on a découvert son rôle dans l'adhésion entre cellules et, justement, la croissance des cellules nerveuses. C'est ce motif de cinq acides aminés qui semble expliquer les propriétés de la lamininelaminine, une protéine impliquée dans de nombreux processus où les cellules migrent, poussent ou s'accolent. Il a été démontré que la séquence IKVAV favorise la croissance des neuronesneurones et plus précisément de leurs longues excroissances, les neuritesneurites (axones et dendritesdendrites), formant les fibres nerveusesfibres nerveuses.

    Des effets démontrés

    Cette séquence a une autre propriété, découverte in vitroin vitro : en présence de cellules souchescellules souches neurales (capables de se différencier en neurones ou en cellules glialescellules gliales), elle inhibe leur différenciation en cellules gliales. Protectrices des fibres nerveuses, ces cellules, qui les entourent, leur jouent un mauvais tour après une lésion. Formant un bourgeonbourgeon, sorte de cicatricecicatrice, au niveau d'une fibre coupée, elle en empêche toute repousse.

    Or, on sait, depuis peu de temps, que des cellules souches neurales existent dans le système nerveux d'un mammifère adulte, y compris dans sa moelle épinière. La laminine et la séquence IKVAV se retrouvent logiquement sous les projecteursprojecteurs dans les laboratoires qui s'intéressent à la régénération des neurones. L'équipe de Samuel Stupp était déjà parvenue, chez la souris, à des résultats similaires en provoquant la croissance d'un réseau de fibres en peptides amphiphiles à motif IKVAV. La repousse des axones des neurones est bel et bien observée, tandis que les cicatrices à cellules gliales se réduisent et une partie des fonctions motrices est rétablie.

    C'est cette même technique qui vient d'être améliorée. Alors qu'il fallait une intervention chirurgicale dans les précédentes expériences, l'équipe a pu mettre au point une solution de peptides qui prend la forme d'un gelgel. Il suffit donc désormais d'une injection au niveau de la lésion. Dans la moelle épinière des souris, l'équipe a observé la croissance des fibres nerveuses motrices (celles qui descendent vers les muscles) et des fibres sensitives (celles qui envoient les informations sensorielles). Quant aux nanofibres, elles se décomposent en trois à huit semaines, retournant à l'état d'acides aminés.

    Une étape importante vient donc d'être franchie. Cependant, la guérisonguérison de la paralysie chez l'homme est encore loin. Les expériences de ce genre menées sur les souris existent depuis des lustres. Faire pousser des fibres nerveuses au niveau d'une lésion est une chose, rétablir toutes les liaisons motrices et sensitives d'un membre en est une autre, et particulièrement quand la lésion est ancienne.

    La principale conclusion est qu'une voie prometteuse est tracée, à l'aide des cellules souches, qui ne cessent d'alimenter des espoirs nouveaux, et de techniques parfois proches des nanotechnologies.