Pour lutter contre la dengue, les chercheurs ne manquent pas d’imagination. En implantant une bactérie pathogène dans les moustiques, ils ont pu bloquer le développement du virus. Reste à savoir si ces insectes modifiés pourront s’installer durablement dans l’environnement et limiter la progression de la maladie.

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    Le moustique-tigre, originaire d'Asie, prend progressivement la place de ses congénères européens. Ce moustique est responsable de la transmission de nombreux virus, dont celui de la dengue. © James Gathany, Centers for Disease Control and Prevention, DP

    Le moustique-tigre, originaire d'Asie, prend progressivement la place de ses congénères européens. Ce moustique est responsable de la transmission de nombreux virus, dont celui de la dengue. © James Gathany, Centers for Disease Control and Prevention, DP

    La dengue est une infection virale transmise par les moustiquesmoustiques de type Aedes. Elle menace trois milliards de personnes, soit près de la moitié de la population mondiale, en particulier celles habitant dans les régions tropicales et subtropicales. Selon l'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé (OMS), 390 millions d'individus seraient touchés par la dengue chaque année dans le monde. Récemment, la maladie s'est étendue à de nombreux pays et a même atteint l'Europe.

    Les symptômes de la dengue sont de type grippal et incluent de la fièvre, des douleurs musculaires, de la fatigue et des nausées. La guérison survient en général en une semaine, mais certaines formes peuvent évoluer vers des complications plus sérieuses, parfois mortelles. Malheureusement, il n'existe pas encore de traitement spécifique. Un vaccin est en cours de développement, mais ses performances sont limitées.

    Répartition mondiale des zones infestées par le moustique-tigre <em>Aedes aegypti </em>(jaune) et des épidémies de dengue (rouge) en 2000. © Wikimedia Commons, Sanao, DP

    Répartition mondiale des zones infestées par le moustique-tigre Aedes aegypti (jaune) et des épidémies de dengue (rouge) en 2000. © Wikimedia Commons, Sanao, DP

    Afin de combattre cette maladie infectieuse et freiner sa propagation, les scientifiques sont à la recherche de solutions alternatives. Une équipe internationale de chercheurs appartenant au programme Eliminate Dengue est sur une piste intéressante. En modifiant la flore bactérienne du moustique, ils ont réussi à empêcher la multiplication du virus de la dengue. Les scientifiques ont relâché ces moustiques dans plusieurs régions du monde, notamment au Vietnam, un pays particulièrement touché. Reste à voir si cette stratégie permet de limiter la propagation de la maladie.

    Wolbachia, une bactérie qui empêche la dengue de s’implanter

    La solution pour bloquer la multiplication du virus de la dengue chez les moustiques est arrivée par hasard. Des chercheurs de l'université Monash en Australie s'intéressaient à une bactériebactérie pathogènepathogène d'insecteinsecte appelée Wolbachia. Ils voulaient implanterimplanter ce germegerme dans les moustiques afin de diminuer leur duréedurée de vie. En 2008, après de multiples tentatives, leurs efforts ont enfin porté leurs fruits et ils ont réussi à introduire la bactérie de façon stable dans la flore bactérienneflore bactérienne du moustique, de sorte qu'elle soit transmise aux générations futures de l'insecte. Comme ils s'y attendaient, le moustique modifié avait une durée de vie plus courte que ses congénères.

    Mais les chercheurs n'étaient pas au bout de leurs surprises. En plus de vivre moins longtemps, le moustique était devenu résistant au virus de la dengue. En d'autres termes, il n'était plus capable d'accueillir et de permettre à l'agent infectieux de se développer. « Le virus de la dengue ne peut pas se multiplier dans le moustique si Wolbachia est déjà présente, la maladie ne peut donc plus être transmise à l'Homme à partir de ces insectes », s'enthousiasme Scott O'Neill, le directeur de l'équipe.

    Les <em>Wolbachia</em> constituent un genre bactérien qui infecte essentiellement des arthropodes, ainsi que certaines espèces de nématodes. Une fois dans le moustique, elles empêchent le développement du virus de la dengue. © AJ Cann, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Les Wolbachia constituent un genre bactérien qui infecte essentiellement des arthropodes, ainsi que certaines espèces de nématodes. Une fois dans le moustique, elles empêchent le développement du virus de la dengue. © AJ Cann, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Des essais en pleine nature plutôt prometteurs

    Or, prouver une chose en laboratoire n'est qu'une première étape. Les chercheurs veulent introduire ces moustiques dans la nature pour que les Wolbachia se développent et qu'elles empêchent la transmission de la dengue. Dans un premier temps, ils ont libéré les moustiques modifiés dans plusieurs régions d'Australie. Les résultats sont très prometteurs, car après deux ans et demi, 95 % des moustiques de ces zones contenaient la bactérie bienfaitrice.

    Cette stratégie fonctionnera-t-elle dans une région infestée par le virus de la dengue ? Pour le savoir, les scientifiques australiens ont collaboré avec l'équipe de Nguyen Thi Yen, une entomologisteentomologiste au Vietnam's National Institute of Hygiene and Epidemiology. Les moustiques infectés par Wolbachia ont été libérés dans l'île de Tri Nguyen au Vietnam, qui abrite 3.500 personnes. Les scientifiques n'ont maintenant plus qu'à croiser les doigts et à espérer que les moustiques modifiés prennent le dessus et limitent les épidémies de dengue. Pour le moment, les résultats sont assez bons, même si le taux de ces moustiques tend à diminuer. Les chercheurs testent différentes espècesespèces de Wolbachia afin de trouver la plus adaptée.

    « Wolbachia bloque également d'autres maladies transmises par les moustiques, comme la fièvre jaunefièvre jaune, le paludisme ou le chikungunya », explique Nguyen Thi Yen. Si la méthode fonctionne, elle pourrait donc être utilisée pour lutter contre d'autres pathologiespathologies portées par ces insectes. Cependant, de nombreuses recherches sont encore nécessaires pour évaluer l'efficacité de cette stratégie et pour estimer l'impact de l'introduction des moustiques infectés sur l'écosystèmeécosystème.