Les structures des molécules odorantes permettent à notre système olfactif de les différencier, mais elles ne seraient pas les seules caractéristiques prises en compte. La vieille théorie des vibrations fait son grand retour à dos de drosophile, laquelle parvient à distinguer des molécules qui ne diffèrent... que par des isotopes.

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    Les odeurs seraient médiées par la forme des molécules odorantes, et peut-être aussi par leurs fréquences vibratoires. © elfique41, Flickr

    Les odeurs seraient médiées par la forme des molécules odorantes, et peut-être aussi par leurs fréquences vibratoires. © elfique41, Flickr

    L'odorat est un système sensitif qui repose sur l'interprétation par le cerveau de moléculesmolécules volatiles présentes dans l'airair. Ces composés volatils sont perçus par les neurones présents dans la muqueuse olfactive nasale, ce qui provoque leur activation et la transmission du signal nerveux au bulbe olfactif. L'information est alors décryptée par le cerveau, qui détermine s'il s'agit d'une odeur agréable ou putride, connue ou non.

    Selon la théorie qui compte le plus grand nombre d'adeptes, c'est la forme même des molécules qui permet à notre cerveau de distinguer deux odeurs différentes. Il est alors difficile de comprendre comment se fait la distinction de dizaines de milliers de composants odorants différents, alors que nos neurones olfactifs ne sont qu'en nombre limité. De plus, des molécules dont les formes paraissent très similaires provoquent parfois des sensations olfactives très différentes.

    Pour couper court à ces questions, certains imaginent qu'une même molécule active plusieurs neurones différents, comme une clé particulière peut s'adapter à plusieurs serrures. En fonction de la combinaison de neurones activés, une odeur particulière est perçue. Une molécule légèrement différente activera une combinaison de neurones différente, provoquant une autre sensation.

    Les drosophiles savent distinguer des molécules odorantes qui sont pourtant structurellement identiques. © André Karwath, Wikimedia, CC by-sa 2.5

    Les drosophiles savent distinguer des molécules odorantes qui sont pourtant structurellement identiques. © André Karwath, Wikimedia, CC by-sa 2.5

    La théorie des vibrations

    Mais les chercheurs du Biomedical Sciences Research Centre en Grèce et du Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis ont une autre idée : en plus de la forme de la molécule, les fréquences des vibrationsvibrations moléculaires pourraient aussi être ressenties différemment. Une vraie révolution dans le monde des odeurs !

    Pour le montrer, des drosophilesdrosophiles (Drosophila melanogaster) ont été soumises à l'exposition de deux molécules odorantes identiques, mais possédant des fréquences vibratoires distinctes. Si leur odorat est tel que les scientifiques le supposent, les mouches pourraient alors faire la différence entre les deux odeurs, et apprendre à préférer l'une à l'autre.

    L'astuce a été de diffuser quasiment les mêmes molécules de chaque côté d'un labyrinthe : de l'acétophénone (une cétonecétone aromatiquearomatique) classique d'un côté, et de l'acétophénone lourd de l'autre, où les atomesatomes d'hydrogènehydrogène de l'acétophénone sont remplacés par son isotopeisotope naturel, le deutérium ou 2H. La structure même de la molécule reste donc identique, mais la présence d'un neutronneutron dans le noyau du deutérium, en plus du protonproton déjà présent, augmente sa massemasse moléculaire et par conséquent ralentit les vibrations moléculaires.

    Les mouches font la différence... et l'Homme ?

    La préférence des mouches pour une odeur, caractérisée par leur déplacement en direction du bras du labyrinthe d'où provient la molécule, a ensuite été observée. Non seulement les insectesinsectes se dirigent préférentiellement vers l'acétophénone classique, mais ils sont d'autant plus repoussés par l'acétophénone lourd que le nombre d'atomes d'hydrogène remplacés par du deutérium est grand. Des mouches dressées à reconnaître et à éviter une molécule lourde (grâce à des impulsions électriques), ont également montré une aversion face à une molécule possédant les mêmes caractéristiques vibratoires que l'acétophénone lourd.

    Les auteurs de l'article paru dans Proceedings of the National Academy of Sciences concluent donc que « ces résultats sont inconsistants avec le modèle de l'odorat basé uniquement sur la forme, et sont plutôt en faveur de l'existence d'un élément capable de sentir les vibrations moléculaires dans la réceptionréception des odeurs ». Mais rappelons que de précédents travaux avaient montré que l'Homme n'était pas capable de discriminer les deux molécules, indiquant que l'odorat des insectes est probablement plus sensible... ou fonctionne différemment !