C’est un pavé dans la mare. Une étude montre que les médicaments développés dans les années 1970 étaient bien plus efficaces que les traitements les plus récents, pourtant bien plus chers. Faut-il pour autant privilégier les valeurs sûres d’antan ?

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    C'est dans les vieux médicaments que l'on fait les meilleurs traitements ? Oui et non. S'ils semblent plus efficaces comparés aux placébos, ils ont en général une action moins spécifique que les molécules les plus récentes, qui permettent parfois de soigner des patients qui jusque-là ne bénéficiaient d'aucune thérapie efficace. © Gimbat, StockFreeImages.com

    C'est dans les vieux médicaments que l'on fait les meilleurs traitements ? Oui et non. S'ils semblent plus efficaces comparés aux placébos, ils ont en général une action moins spécifique que les molécules les plus récentes, qui permettent parfois de soigner des patients qui jusque-là ne bénéficiaient d'aucune thérapie efficace. © Gimbat, StockFreeImages.com

    « C'était mieux avant. » Ce refrain passéiste pourrait prendre toute sa valeur, à en croire une étude parue dans la revue Health Affairs, qui fait la part belle aux médicaments d'autrefois. Ce travail amène des données chiffrées à un débat qui fait rage chez les spécialistes depuis plusieurs années. 

    De nombreux médecins avouent prescrire plus fréquemment les vieux traitements que les molécules nouvelles, parce qu'ils leur paraissent plus efficaces, mais aussi moins chers. En effet, ces premiers existent sous des formes génériques, alors que les médicaments récents sont vendus plein tarif par les laboratoires pharmaceutiques, qui veulent récupérer les investissements injectés pour le développement du produit.

    La revue Prescrire suivait la tendance en 2011, en publiant un palmarès des traitements les plus intéressants des dix dernières années. Selon les auteurs, seules 17 des 984 moléculesmolécules validées entre 2001 et 2011 constituent une réelle avancée pour les patients. Des chiffres qui ne tendent pas à rassurer.

    Deux scientifiques ont voulu comparer l'efficacité des médicaments par rapport aux placébos en fonction de la décennie durant laquelle ils ont été développés. Les années 1970 sont, de ce point de vue, meilleures que les années 2000. Mais cela ne veut pas dire pour autant que les traitements modernes perdent en efficacité... © Ragesoss, Flickr, cc by sa 2.0

    Deux scientifiques ont voulu comparer l'efficacité des médicaments par rapport aux placébos en fonction de la décennie durant laquelle ils ont été développés. Les années 1970 sont, de ce point de vue, meilleures que les années 2000. Mais cela ne veut pas dire pour autant que les traitements modernes perdent en efficacité... © Ragesoss, Flickr, cc by sa 2.0

    Des médicaments dont l’efficacité baisse avec le temps

    L'étude de Mark Olfson (New York State Psychiatric Institute) et Steven Marcus (CHERP) pourrait, à priori, contribuer à faire monter l'inquiétude. Ces auteurs ont récolté les données de 315 essais cliniques menés entre 1966 et 2010, et publiés dans quatre journaux de référence : BMJJAMAThe Lancet et le New England Journal of Medicine. Toutes ces recherches comparaient l'efficacité d'un traitement par rapport à un placébo. Les patients étaient atteints d'une grande variété de maladies, des troubles mentaux ou respiratoires en passant par le cancer ou des infections.

    Les travaux menés dans les années 1960 et 1970 montrent que les médicaments sont en moyenne 4,5 fois plus efficaces que les traitements factices pour atténuer les symptômes étudiés, à savoir la capacité à faire baisser la pression artérielle, à faire reculer les tumeurs ou à atténuer l'état dépressif. Dans les années 1980, les thérapies sont environ 4 fois plus efficaces que le placéboplacébo. Dans les années 1990, on divise ce chiffre par 2. Enfin, la différence n'est plus que de 36 % dans les années 2000. Une chute drastique de l'impact des traitements au cours du temps.

    Une comparaison biaisée ?

    Faut-il s'en inquiéter ? Pas forcément, d'après les auteurs, qui semblent tenir un discours paradoxal. Cette baisse du potentiel thérapeutique des molécules pourrait s'expliquer par des paramètres rationnels et être le fruit des progrès de la médecine des dernières décennies.

    Premier point : les patients recrutés. D'abord, les essais cliniques des années 1960 ne concernaient souvent que quelques dizaines de volontaires, contre des milliers dans les études des années 2000. Une différence qui a de quoi biaiser les données. D'autre part, les participants aux essais récents sont ceux qui n'ont pu être traités avec les médicaments existants, donc atteints d'une forme de la maladie plus coriace et plus difficile à soigner.

    Ensuite, les principes actifsprincipes actifs tendraient à avoir une action de plus en plus spécifique avec le temps. Ceux apparus dans les années 1960 pourraient d'un point de vue global focaliser leur action sur des mécanismes plus généraux, alors que les nouveaux seraient bien plus ciblés. Ainsi, on ne compare pas les mêmes paramètres.

    Des avancées médicales en passe de se poursuivre

    Le débat a le mérite d'être de nouveau posé. Mais sa résolutionrésolution semble bien plus complexe qu'il n'y paraît de prime abord. De nombreux traitements modernes constituent également des avancées médicales, comme le Gleevec qui allonge la duréedurée de vie des patients leucémiques, ou l'Incivek, un antiviralantiviral qui soigne deux fois mieux l'hépatite C que ses concurrents plus anciens.

    Deux exemples parmi d'autres qui laissent envisager de nouveaux progrès dans les années à venir contre des maladies toujours mortelles ou handicapantes. Les scientifiques osent de plus en plus parler de guérison prochaine de l’infection par le VIH, la mortalité des cancerscancers recule année après année et la médecine régénérative pourrait bien révolutionner la médecine. De bonnes raisons de rester confiant.