Première partie d'une édition spéciale grippe aviaire. Quel est le risque de généralisation d'une contamination des animaux domestiques, suite à la découverte ces dernières semaines de cas sur le chat ? Le virus H5N1 peut-il toucher d'autres animaux d'élevage ? Entretien avec le professeur Jean-Luc Guérin, de l'Ecole Vétérinaire de Toulouse, propos recueillis par Tech & Co.

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    H5N1 et le chien

    Futura Sciences : Après les cas de chats infectés découverts en Allemagne et en Autriche, y a-t-il un danger pour d'autres animaux domestiques, comme le chienchien ?

    Jean-Luc Guérin : Aucun cas spontané de grippe à virus H5N1virus H5N1 n'a été à ce jour rapporté chez le chien, et ce pas seulement depuis la médiatisation récente de l'épizootieépizootie de grippe aviaire, mais bien de façon globale. Il n'existe aucun essai documenté de reproduction expérimentale non plus ! D'une manière générale, le chien est réfractaire aux virus grippaux, à l'exception d'un foyer décrit aux USA de grippe à virus H3N8 qui est de souche équine et n'a donc rien à voir avec le H5N1.

    H5N1 et le chat

    Futura Sciences : Que se passe-t-il exactement dans le cas du chat ?

    Jean-Luc Guérin : C'est plus compliqué ! Les félinsfélins, tout comme l'homme, sont sensibles au H5N1. Mais cette contamination de quelques chats n'est une surprise pour aucun scientifique ou vétérinairevétérinaire... Des cas spontanés ont déjà été décrits chez des grands félins de zoo. Il s'agissait d'un très petit nombre de cas de tigrestigres et de léopardsléopards en Asie, nourris avec des poulets morts de grippe, en 2004. On note également un cas spontané relié sur un chat. Mais ce sont des cas parfaitement accidentels.

    Un essai de reproduction expérimentale chez le chat a également été réalisé en 2004, par une équipe de scientifiques Hollandais. Dans ces conditions expérimetnales, le virus H5N1 infecte le chat par voie intratrachéale, mais aussi suite à l'ingestion d'un poussin infecté. L'infection peut être mortelle, et entraîne également la présence de virus dans les excrétions urinaires et dans les matièresmatières fécales. Des chats en contact dans la même cage ont à leur tour été infectés. Notons toutefois que la maladie a été reproduite dans des conditions exceptionnelles de par les fortes doses de virus et la grande promiscuité imposée aux animaux.

    Une analyse pathologiquepathologique a tout récemment été faite par le même groupe hollandais et confirme la diffusiondiffusion du virus dans l'organisme du chat infecté. En conclusion, on peut dire que la barrière d'espèceespèce n'est donc pas stricte avec les félins. Ceci dit, comme pour l'homme, toute infection à H5N1 n'est pas mortelle et là encore, la guérison de certains chats n'est pas un phénomène extraordinaire !

    H5N1 et autres animaux d'élevage

    Futura Sciences : A-t-on des informations concernant les ruminants et le porc ?

    Jean-Luc Guérin : Voici ce qu'on peut affirmer : les ruminants ne sont pas sensibles aux virus de la grippevirus de la grippe. Quant au porc, il y est sensible puisque quelques cas isolés d'infection au H5N1 ont été constatés. Mais il n'y a pas de diffusion de porc à porc. Dans le cas particulier du H5N1, le porc ne jouerait donc pas un rôle épidémiologique d'interface entre l'homme et l'oiseauoiseau, qui faciliterait les « mélanges de gènesgènes » de virus d'origine humaine et aviaire.

    Futura Sciences : Sur la base de ces données, que peut-on conclure à l'heure actuelle ?

    Jean-Luc Guérin : Dans les régions du monde où il y a effectivement eu une exposition massive depuis deux ans, c'est-à-dire en Asie, il n'y a eu finalement qu'un ou deux cas rapportés, et peut-être quelques-uns qui n'ont pas été publiés. On ne peut donc pas parler d'une « épizootie féline ». Le rôle épidémiologique du chat semble donc insignifiant : les scientifiques parlent de « cul-de-sac épidémiologique ».

    Par ailleurs, insistons sur le fait qu'il n'y a pas d'exposition significative en France, sauf peut-être dans certains secteurs très restreints de l'Ain. Donc, si la reproduction expérimentale de la maladie est théoriquement efficace, en pratique le risque épidémiologique est vraiment très faible.