Le corps humain possèderait naturellement la capacité d’empêcher les virus de pénétrer dans les cellules, par l’intermédiaire d’une protéine, nommée IFITM3. Une fois activée, elle augmente le taux de cholestérol dans la membrane plasmique, ce qui entraîne sa rigidification. En activant artificiellement la protéine, les scientifiques espèrent créer un médicament antiviral à large spectre.

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    Le virus Ébola, ici à l'image, est l'un des plus mortels. Lors d'épidémies, certaines souches ont tué 90 % des personnes infectées. Pour l'heure, il n'existe encore aucun traitement. Parvenir à activer la protéine IFITM3 serait une piste... © Frederick Murphy, CDC, DP

    Le virus Ébola, ici à l'image, est l'un des plus mortels. Lors d'épidémies, certaines souches ont tué 90 % des personnes infectées. Pour l'heure, il n'existe encore aucun traitement. Parvenir à activer la protéine IFITM3 serait une piste... © Frederick Murphy, CDC, DP

    Et si le vieil adage selon lequel on n'est jamais mieux servi que par soi-même s'appliquait aussi à la lutte contre les virus ? Des chercheurs de la Keck School of Medicine, affiliée à l'University of SouthernSouthern California, viennent de mettre en évidence que le corps humain dispose lui-même d'un mécanisme capable de bloquer la pénétration virale dans les cellules, par l'intermédiaire d'une protéine : IFITM3. Cela mérite quelques explications.

    Les virus sont incapables de se dupliquer seuls et ont besoin de la machinerie cellulaire pour se multiplier et se répandre. Ainsi, ils doivent pénétrer dans les cellules, et se fixent à la surface des membranes cellulairesmembranes cellulaires. Chez certains d'entre eux, ce contact induit l'endocytose : la membrane vient encercler le virus, formant une vésicule qui se déplace alors à l'intérieur de la cellule. De là, l'agent pathogène finit par se frayer un chemin dans le cytoplasme, avant d'atteindre le cœur de la cellule.

    Si ce mécanisme est connu, les scientifiques tentent de trouver un moyen pour l'empêcher. Ainsi, Jae Jung et ses collègues essaient de comprendre depuis plusieurs années comment le système immunitaire peut s'opposer aux virus. Ils ont déjà pu montrer qu'une protéine spécifique pouvait lancer un signal d'alarme en direction des cellules de l'immunitéimmunité, en cas de tentative d'intrusion d'un agent pathogène. Plus récemment, ils avaient mis en évidence une hausse du taux de cholestérolcholestérol dans les membranes de ces fameux endosomesendosomes, fruits de l'endocytose. Désormais, ils démontrent dans Cell Host & Microbe l'intérêt de ces changements dans la nature de la membrane plasmique, et en expliquent le processus.

    Ce schéma reprend brièvement le processus d'endocytose qui se produit dans le cas d'une infection par le virus de la grippe. Après fixation sur la cellule, la membrane s'invagine et le virus est alors enfermé dans une vésicule : un endosome. Une fois à l'intérieur de la cellule, le virus va fusionner avec la membrane et son génome va être relargué dans le cytoplasme. C'est ce mécanisme qui pourrait être enrayé. © Gfinder, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Ce schéma reprend brièvement le processus d'endocytose qui se produit dans le cas d'une infection par le virus de la grippe. Après fixation sur la cellule, la membrane s'invagine et le virus est alors enfermé dans une vésicule : un endosome. Une fois à l'intérieur de la cellule, le virus va fusionner avec la membrane et son génome va être relargué dans le cytoplasme. C'est ce mécanisme qui pourrait être enrayé. © Gfinder, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Stimuler sa propre immunité antivirale

    Certaines cellules, une fois infectées par un virus, produisent une moléculemolécule appelée interféroninterféron, qui va stimuler la synthèse de nombreuses protéines impliquées dans l'immunité. Parmi elles, IFITM3 (interferon-inducible transmembrane protein 3). Les chercheurs viennent alors de montrer que celle-ci perturbe l'interaction entre deux autres protéines, VAPA et OBSP, impliquées dans la régulation de la concentration en cholestérol intracellulaire. Cela débouche sur la hausse du cholestérol membranaire des endosomes, phénomène qu'ils avaient précédemment constaté.

    Or, ce changement de structure membranaire n'est pas sans conséquence pour le virus. Sous l'effet de la rigidification de la membrane de l'endosome, l'hôte indésirable reste emprisonné dans cette vésicule : il ne représente alors plus aucun danger puisqu'il ne peut plus expédier son génome à l'intérieur de la cellule.

    L'objectif des scientifiques est maintenant de trouver un principe actifprincipe actif capable d'activer l'expression et la fonction de la protéine IFITM3, afin d'utiliser ses propriétés antivirales. Certes, elles ne protègeraient pas de toutes les infections, mais des virus parmi les plus courants ou les plus mortels. Par exemple, ceux à l'origine de la grippe, d'Ébola, de la fièvrefièvre du Nil Occidental ou du Sras pourraient être combattus. D'ordinaire, les thérapiesthérapies antivirales sont bien plus ciblées. Si de telles recherches aboutissent, ce serait incontestablement une grande avancée.