Une équipe internationale dirigée par des géochimistes du laboratoire de géologie de Lyon-Terre, Planète Environnement (CNRS, ENS Lyon, Lyon1) et des oncologues de l'Inserm proposent une nouvelle approche pour suivre l'évolution des cancers. Leur technique est basée sur des outils développés en sciences de la Terre comme les rapports d'isotopes stables du cuivre et du soufre.

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    La mortalité du cancer commence peu à peu à reculer grâce à l'amélioration des chimiothérapies ou les autres traitements, de plus en plus personnalisés et efficaces. © Kendrak, Flickr, cc by nc sa 2.0

    La mortalité du cancer commence peu à peu à reculer grâce à l'amélioration des chimiothérapies ou les autres traitements, de plus en plus personnalisés et efficaces. © Kendrak, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Les scientifiques ont mesuré les rapports d'isotopesisotopes du cuivrecuivre (65Cu/63Cu) et du soufresoufre (34S/32S) dans le sang de patients atteints de cancer du foie (hépatocarcinomehépatocarcinome) et ont comparé les résultats obtenus avec un groupe contrôle. Les résultats montrent que les rapports d'isotopes du soufre et du cuivre sont très différents entre les deux groupes. Le sang des patients est enrichi en isotopes légers du cuivre (cuivre 63) et du soufre (soufre 32) par rapport au groupe de contrôle.

    L'étude, publiée par la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (Pnas), permet une avancée conséquente. Elle montre d'abord que l'excès de cuivre dans le sang des patients cancéreux n'est pas d'origine alimentaire. En effet, le rapport isotopique du cuivre du sang des patients n'est pas caractéristique de celui d'une alimentation humaine qui contient généralement beaucoup plus d'isotopes lourds (cuivre 65). Cette signature isotopique particulière permettra de déterminer l'origine physiologique du cuivre excédentaire. Les médecins pourraient alors bloquer efficacement la fuite de cuivre vers les tumeurs car le cuivre est en quelque sorte le carburant qui permet le développement tumoral.

    L'équipe du LGL qui a participé aux travaux de recherche. De gauche à droite : Philippe Télouk, Vincent Balter, Victor Bondanese, Aline Lamboux, Francis Albarède. © ENS Lyon

    L'équipe du LGL qui a participé aux travaux de recherche. De gauche à droite : Philippe Télouk, Vincent Balter, Victor Bondanese, Aline Lamboux, Francis Albarède. © ENS Lyon

    L'interdisciplinarité contre le cancer

    L'étude ouvre de nouvelles perspectives pour suivre l'évolution des cancers. En étudiant les rapports d'isotopes du cuivre dans les tumeurs du foie, les scientifiques ont découvert que les tumeurs contenaient plus d'isotopes de cuivre 65 que les tissus sains adjacents. Plus la tumeur est importante, plus elle contient de cuivre 65, et moins cet isotope serait présent dans le sang. La mesure de la déperdition de cuivre 65 dans le sang pourrait donc donner des informations sur l'évolution des cancers et donc permettre d'adapter les traitements de façon plus efficace.

    En ce qui concerne les isotopes du soufre, l'origine des différences observées entre le sang des patients et celui du groupe de contrôle est probablement liée à la forte production d'hydrogène sulfuréhydrogène sulfuré par les cellules cancéreuses, mais cette hypothèse reste à confirmer.

    Au-delà des découvertes réalisées au cours de l'étude, cette première mondiale montre tout l'intérêt de l'interdisciplinarité et des collaborations internationales dans la recherche médicale.