En Espagne, des chercheurs ont développé un modèle statistique qui permet d’évaluer les facultés intrinsèques des joueurs à marquer des buts. Selon leurs calculs, effectués à partir de neuf saisons du championnat espagnol entre 2000 et 2009, Lionel Messi dispose de plus grandes aptitudes pour marquer que son grand rival Cristiano Ronaldo…

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    Depuis quatre ans, c'est devenu un marronnier : l'Argentin Lionel Messi reçoit le Fifa Ballon d'or, récompense remise au meilleur joueur de football de l'année civile écoulée. Depuis 2010, ce trophée est attribué après un vote des 208 sélectionneurs nationaux membres de la Fifa, des capitaines de chacune de ces sélections, ainsi que de 208 journalistes sportifs représentant leur pays.

    À trois reprises sur ces quatre dernières années, « La Pulga » (la puce), comme on le surnomme, a terminé juste devant Cristiano Ronaldo, son grand rival portugais. Les deux joueurs évoluant désormais dans les deux clubs ennemis que sont le FC Barcelone et le Real Madrid, l'inimitié va encore au-delà, les partisans de l'un ou de l'autre se disputent souvent pour avoir le dernier mot.

    Pourtant, une étude menée par des chercheurs espagnols des universités de Grenade et de Jaén pourrait mettre tout le monde d'accord. Le modèle statistique qu'ils ont développé pour définir l'aptitude à marquer des buts à partir des saisonssaisons jouées entre 2000 et 2009 est plutôt favorable à Leo Messi. Mais l'Argentin n'a pas trop à se vanter : sur cette période, le meilleur joueur est brésilien et s'appelle Rivaldo.

    Cristiano Ronaldo (à gauche) et Lionel Messi comptent parmi les plus grands joueurs de football actuels. Les deux hommes sont de farouches rivaux. © Ilya Khokhlov, Wikipédia, cc by sa 3.0, Christopher Johnson, Globalite, Flickr, cc by sa 2.0

    Cristiano Ronaldo (à gauche) et Lionel Messi comptent parmi les plus grands joueurs de football actuels. Les deux hommes sont de farouches rivaux. © Ilya Khokhlov, Wikipédia, cc by sa 3.0, Christopher Johnson, Globalite, Flickr, cc by sa 2.0

    De l’aptitude à marquer des buts

    Ce modèle mathématique se base sur les statistiques bayésiennes, permettant d'évaluer l'avenir à partir des données passées. Dans ce cas, décrit dans l'European Journal of Sport Science, il s'agit de deviner le nombre de buts marqués par un joueur dans les saisons à venir. Mais ce nombre dépend de nombreux paramètres quantifiables : le temps de jeu, la position sur le terrain (défenseur, milieu ou attaquant), mais aussi du niveau de l'équipe, déterminé par la position dans le classement du championnat.

    En revanche, d'autres facteurs plus difficilement évaluables affectent également la performance. Chaque joueur a ses qualités intrinsèques qui le distinguent des autres footballeurs. Les auteurs ont essayé d'intégrer ce paramètre plus subjectif.

    Ainsi, ils ont pu estimer l'aptitude à marquer des professionnels du ballon rond ayant évolué dans la Liga, la première division du championnat espagnol, durant les saisons 2000-2001 à 2008-2009. Comment ? En comparant le nombre de buts marqués avec ce qu'on aurait pu attendre d'un joueur évoluant dans le même club, apparaissant autant de minutes sur un terrain et occupant la même position.

    Rivaldo loin devant Messi, Ronaldo bien plus loin

    Selon les calculs, les cinq défenseurs dotés des meilleures qualités de buteur sont dans l'ordre Ezequiel Garay, devant le latéral droit brésilien Roberto Carlos et Alejandro Campano. Suivent selon leurs dires Cristian Álvarez et Pablo Larrazábal. Pour les milieux de terrain, leur modèle les amène à considérer que le meilleur est Rivaldo, devant Robert, puis Luis Cembranos, Mark González et Aleksandr Mostovoï.


    Le latéral droit brésilien Roberto Carlos, ayant aussi longuement joué pour le Real Madrid, était un défenseur, mais frappait également les coups francs. L'équipe de France de 1997 se souvient encore de cette frappe magique de l'extérieur du pied gauche qui a surpris tout le monde, y compris Fabien Barthez dans les cages des Bleus. © cimigotto, YouTube

    Pour les attaquants, les chiffres aussi ont parlé. En tête, Lionel Messi devance Cristiano Ronaldo. L'ancien du Deportivo La Corogne, Roy Makaay, complète le podium. Derrière suivent David Villa et Samuel Eto'o.

    Mais en mélangeant toutes les données, le top 5 ne fait pas la part belle aux attaquants. Rivaldo trône au sommet des joueurs de football dotés des meilleures aptitudes de buteur, devant Robert, Ezequiel Garay, Luis Cembranos et Roberto Carlos. Leo Messi, lui, arrive seulement en sixième position. Son rival madrilène est quant à lui bien plus bas dans le classement.

    Les défenseurs plus adroits devant le but que les attaquants ?

    Des résultats étonnants, selon José María Pérez Sánchez, l'un des auteurs de ce travail. « Il est frappant de voir que les buteurs ne se classent pas bien en matièrematière de performances générales », précise-t-il. Pour lui, ce modèle fait favorise les défenseurs, dont la fonction première est de préserver leurs cages, et non d'aller faire trembler les filets adverses. Un arrière habitué à marquer parce qu'il dispose d'un très bon jeu de tête, qu'il exploite d'une frappe surpuissante ou sur les coups de pied arrêtés, grimpe alors très vite dans ce classement.

    L'étude souffre également d'autres biais. Le football ne se limite pas à trois postes (faisons exception des gardiens de but). Rivaldo par exemple était certes milieu de terrain, mais occupait une position offensive et était plus souvent amené à frapper au but que d'autres joueurs, considérés comme milieux de terrain, mais ayant davantage un rôle de récupérateur et de relanceur, pour fournir les attaquants en bons ballons.

    Peut-être que tout simplement, les qualités de buteur sont celles dont disposent les attaquants. Car si les entraîneurs leur confient les clés pour faire gagner l'équipe, c'est qu'ils sont jugés comme étant les meilleurs pour cela. Quant au duel qui oppose Cristiano Ronaldo et Leo Messi, l'important à regarder, c'est plutôt le spectacle de haute volée qu'il offre. Et un modèle mathématique n'est probablement pas le plus à même de jauger cet aspect du sport.