Des chercheurs de l’université de Californie à San Diego ont réussi à effacer et réactiver de manière sélective une mémoire chez le rat. Cette prouesse a été possible en stimulant des circuits neuronaux à des fréquences qui renforcent ou affaiblissent les synapses.

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    La mémoire est la capacité à réactiver rapidement des circuits neuronaux, grâce au renforcement de certaines synapses. © PYP, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

    La mémoire est la capacité à réactiver rapidement des circuits neuronaux, grâce au renforcement de certaines synapses. © PYP, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

    Dans le cerveau, la mémoire serait codée par des modifications de la force des synapses, les connexions entre les neurones : les circuits où les synapses sont renforcées grâce à la potentialisation à long terme (PLT) participeraient à la mémoire. La dépression à long terme (DLT) aurait l'effet inverse. Mais les liens entre ces processus synaptiques et la mémoire sont parfois difficiles à démontrer expérimentalement.

    Une étape vient d'être franchie grâce à ces travaux présentés en ligne dans la revue Nature : pour la première fois, des scientifiques ont utilisé la DLT et la PLT pour effacer et réactiver un souvenir chez le rat. Pour Robert Malinow, professeur de neuroscience et auteur de l'article, « nous pouvons former une mémoire, l'effacer et la réactiver à volonté, en appliquant un stimulus qui renforce ou affaiblit de manière sélective des connexions synaptiques ».

    Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont utilisé l'optogénétique, une méthode consistant à stimuler des neurones qui ont été modifiés génétiquement pour être sensibles à la lumièrelumière. Tout d'abord, les scientifiques ont délivré un choc électrique au pied de l'animal et en même temps un stimulus optique au cerveau, plus précisément dans l'amygdale. En effet, l'amygdale est une région importante dans le conditionnement de la peur. Les rats ont ainsi appris à associer la stimulation optique des neurones avec une douleurdouleur, par un mécanisme de mémoire associative. Résultat : la stimulation optique de ces neurones conduisait à des comportements exprimant la peur, même si le rat ne recevait pas de choc au pied.

    Cerveau d’un patient souffrant d’Alzheimer : pourra-t-on un jour réactiver les souvenirs de ces malades ? © <em>US National Institute on Aging, Alzheimer's Disease Education and Referral Center</em>, administration américaine, DP

    Cerveau d’un patient souffrant d’Alzheimer : pourra-t-on un jour réactiver les souvenirs de ces malades ? © US National Institute on Aging, Alzheimer's Disease Education and Referral Center, administration américaine, DP

    Des impulsions renforcent ou affaiblissent les synapses

    Ensuite, les chercheurs ont stimulé les neurones avec des impulsions à faible fréquence pour effacer cette mémoire. Les rats ne montraient alors plus de comportement craintif lorsque les neurones étaient stimulés par optogénétique : la mémoire associée à la douleur avait été effacée. Avec un conditionnement de DLT, les chercheurs ont inactivé la mémoire. Encore plus étonnant : les scientifiques ont réactivé la mémoire perdue en stimulant à nouveau les mêmes nerfsnerfs avec un train d'impulsions à haute fréquence. La mémoire se reformait ! Les rats reconditionnés ont à nouveau répondu à la stimulation optique en montrant de la crainte.

    Les chercheurs ont donc pu provoquer la peur chez l'animal, l'arrêter puis la provoquer à nouveau en stimulant les neurones à des fréquences qui renforcent ou affaiblissent les synapses. Ces expériences montrent que la mémoire associative peut être inactivée et réactivée par la DLT et la PLT respectivement.

    Pour les applicationsapplications, on peut imaginer réactiver des souvenirs chez des patients souffrant d'Alzheimer. En effet, le peptide bêta-amyloïdebêta-amyloïde qui s'accumule dans le cerveau des malades affaiblit les connexions synaptiques d'une manière similaire à la stimulation basse fréquence qui a effacé la mémoire des rats. « Puisque notre travail montre que nous pouvons inverser le processus qui affaiblit les synapses, nous pourrions potentiellement neutraliser certains effets du peptide bêta-amyloïde chez les patients AlzheimerAlzheimer. »