Le virus Ebola est considéré comme l’un des plus dangereux, mais son étude – ainsi que la mise au point d’un traitement ou d’un vaccin – est freinée par le très petit nombre de laboratoires hautement sécurisés pouvant l’accueillir. Une souche modifiée, non pathogène, pourrait accélérer la recherche.


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    Le virus Ebola. Crédit : UW-Madison School of Veterinary Medicine

    Le virus Ebola. Crédit : UW-Madison School of Veterinary Medicine

    Le virus d'Ebola a émergé pour la première fois en 1976, provoquant des épidémies au Soudan et au Zaïre. Le caractère brutal de son attaque et sa mortalité très importante ont aussitôt focalisé l'attention du monde scientifique, tandis que son degré de contamination particulièrement élevé imposait de nombreuses mises en quarantaine, parfois d'hôpitaux entiers, accompagnées de précautions rappelant celles entourant les grandes épidémies de peste.

    Aujourd'hui, le virus n'est étudié que dans une poignée de laboratoires hautement sécurisés, qualifiés de niveau BSL 4 (niveau de biosécurité 4). Il s'agit d'unités entièrement autonomes, sans recyclagerecyclage d'airair, équipées de sas d'entrée et de sortie et maintenues en dépression.

    Mais ces laboratoires, à la fois de petites dimensions et très coûteux à réaliser et entretenir, n'existent qu'en tout petit nombre dans le monde entier (moins d'une demi-douzaine), ce qui freine considérablement la recherche. D'où l'idée de Yoshihiro Kawaoka, de l'UW-Madison School of Veterinary Medicine, virologue mondialement connu, qui publie ses travaux dans la livraison du 21 janvier 2008 des Pnas (Proceedings of the National Academy of Sciences).

    Image du site Futura Sciences
    Yoshihiro Kawaoka, virologue de l’UW-Madison School of Veterinary Medicine et virologue. Crédit : Université de Tokyo

    L'idée consistait à désarmer génétiquement le virus, le réduisant à un ensemble de gènes pouvant être expérimenté et étudié dans des conditions de sécurité moins contraignantes, dont plus répandues.

    Un virus amputé d’un gène

    Selon la nouvelle étude, le système de réplicationréplication du virus Ebola dépend d'un gène unique, connu sous l'appellation VP30. Comme la plupart des autres virus, Ebola est un indigent génétiquegénétique. Composé de seulement 8 gènes, il dépend entièrement des cellules hôtes qui lui fournissent le matériel nécessaire à la reproduction. Ainsi, le gène VP30 utilise le milieu cellulaire pour produire une protéineprotéine spécifique qui joue un rôle capital dans le processus de réplication. Sans ce gène, il ne peut se développer.

    Yoshihiro Kawaoka a retiré ce gène du virus, et constaté qu'en effet, Ebola devenait incapable de proliférer. « Le virus modifié ne se développe plus dans des cellules normales, rapporte Kawaoka. Cependant, nous avons aussi expérimenté au moyen de cellules exprimant elles-mêmes la protéine VP30, et là, le virus arrive à s'y développer parce que la protéine manquante est alors fournie par la cellule. »

    Le virologue explique que cette découverte, fruit d'un travail acharné de plusieurs années, permettrait de cultiver le virus modifié en toute sécurité dans des cellules fabriquant la protéine VP30. Dans un tel milieu, le virus conserve son caractère pathogènepathogène mais ne peut pas aller contaminer des cellules saines.

    De nombreuses expérimentations, conduites en laboratoire de niveau BSL 4 et comprenant un grand nombre de cycles de réplication, n'ont produit aucun virus infectieux et ont démontré l'absence de toxicitétoxicité de la protéine VP30. Selon les chercheurs, excepté le fait qu'il ne peut se reproduire que dans des cellules manipulées pour produire la protéine VP30, le virus modifié est parfaitement identique au virus pathogène répandu dans la nature, ce qui le rend idéal pour les études biologiques nécessaires au développement d'un vaccinvaccin ou d'un antiviralantiviral spécifique.

    « Ce système peut être utilisé aussi bien pour l'expérimentation que pour la future production en massemasse d'une substance vaccinatrice, affirme Kawaoka, car il est pratiquement impossible de mener de tels travaux sur une grande échelle dans l'espace exigu d'un laboratoire BSL 4 ».