On sait depuis quelques années les diabétiques de type 2 deux fois plus enclins à développer la maladie d’Alzheimer que le reste de la population. Des travaux viennent d’apporter de nouveaux éléments reliant plus directement les deux pathologies et suggèrent des pistes pour éviter que les patients les plus à risques ne développent la démence.

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    Le diabète est associé à de nombreuses complications. Cardiovasculaires déjà. Mais aussi, et c'est moins connu du grand public, cognitives. Des troubles de la mémoire, des confusions sont plus fréquentes chez les diabétiques de type 2. D'autre part, cette population de malades multiplie par deux ses risques de développer la plus courante des démences : la maladie d'Alzheimer. Comment la résistance à l'insuline du foie, des muscles et du tissu adipeux peut-elle altérer le fonctionnement cérébral ?

    Une étude de 2005 apportait des premiers éléments en montrant que l'hippocampe, principal siège de la mémoire, devenait également insensible à l'insuline. De quoi imaginer que cette région cruciale du cerveaucerveau ne consommait pas autant qu'elle le devrait son carburant (le sucresucre) et finissait par régresser. Restait à comprendre le lien avec les bêta-amyloïdesbêta-amyloïdes, ces protéinesprotéines qui s'agrègent et forment des plaques caractéristiques sur les neuronesneurones.

    Des travaux ultérieurs ont démontré que des animaux nourris avec une alimentation riche en graisse, de manière à déclencher chez eux un diabète de type 2, voyaient également s'accumuler dans leur cerveau ces fameuses plaques séniles. Et si les problèmes cognitifs constatés chez les patients concernés par le trouble métabolique n'étaient que les signaux précurseurs de la maladie d’Alzheimer ?

    Le danger des oligomères de bêta-amyloïdes

    À l'heure actuelle, les scientifiques ignorent encore les mécanismes précis entraînant la démence. Récemment, des recherches ont par exemple déterminé que les bêta-amyloïdes seraient nocifs plus tôt que prévu. Car avant de former les plaques visibles, ces moléculesmolécules se structurent en oligomères, des petits agrégats solubles. Et à ce stade, ils diminueraient la communication entre les cellules nerveuses, détruisant à terme les connexions et aboutissant à la destruction des neurones.

    Ewan McNay, chercheur à l'université d'État de New York (Albany, États-Unis), vient de faire part des avancées de son équipe lors du congrès Neuroscience 2013, qui s'est tenu plus tôt dans le mois à San Diego. Ce travail identifie un autre effet néfaste des oligomèresoligomères de bêta-amyloïdes, pouvant expliquer le diabètediabète du cerveau déduit de l'étude de 2005.

    La résistance à l'insuline entraînerait des complications cérébrales pouvant mener à la maladie d'Alzheimer, principale démence dont l'incidence pourrait tripler dans les décennies à venir. © Heidi Cartwright, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    La résistance à l'insuline entraînerait des complications cérébrales pouvant mener à la maladie d'Alzheimer, principale démence dont l'incidence pourrait tripler dans les décennies à venir. © Heidi Cartwright, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Les rats diabétiques perdent la mémoire

    Cette étude a été menée sur des rats : 20 d'entre eux avaient droit à une alimentation riche afin de déclencher un diabète de type 2, tandis que 20 autres faisaient office de contrôle. Tous les animaux étaient entraînés à associés une cage noire avec des chocs électriques désagréables, si bien que lorsqu'on les plaçait dans l'enclos, ils s'immobilisaient, tétanisés par la peur. La duréedurée de ce réflexe permet aux scientifiques de déterminer la mémoire des rongeursrongeurs : les souvenirs sont plus persistants chez ceux qui manifestent leur crainte le plus longtemps.

    Mais les rats diabétiques sont restés effrayés deux fois moins longtemps que leurs congénères sains. Une nouvelle preuve du lien qui réunit le diabète et les troubles cognitifs. Les chercheurs ont voulu déterminer qui des plaques amyloïdes ou des oligomères étaient derrière tout cela. Alors ils ont conçu des anticorpsanticorps ciblant les unes ou les autres, afin de découvrir le ou les coupables.

    Les anticorps dirigés contre les plaques séniles n'ont en rien changé les performances cognitives des rats. En revanche, en s'attaquant aux bêta-amyloïdes solubles, les rongeurs ont retrouvé toute leur tête, et restaient tétanisés aussi longtemps que les rats témoins.

    Un lien entre Alzheimer et le diabète, une opportunité thérapeutique ?

    Comment expliquer ces résultats ? Les auteurs sont allés trouver des réponses dans des études antérieures. Il a été montré qu'une même enzymeenzyme clive l'insuline et les bêta-amyloïdes, et que l'hormonehormone pancréatique et les oligomères entrent en concurrence pour les mêmes récepteurs hippocampiques. 

    Lors d'un diabète de type 2, l'insuline est produite à haute dose, car l'organisme vise à baisser sa glycémieglycémie alors que les organes se montrent très peu sensibles à l'hormone. À ces fortes concentrations, l'enzyme privilégie l'hormone, et délaisse les bêta-amyloïdes, libres de former des oligomères. Ceux-ci vont progressivement se lier aux récepteurs de l'hippocampehippocampe qui, progressivement privé de carburant, dégénère. C'est un cercle vicieux.

    Cette hypothèse audacieuse demande encore à être validée. Mais si elle est fondée, elle laisse entrevoir la possibilité d'un traitement chez les personnes diabétiques à risque. Des améliorations sont requises car, dans l'expérience, les anticorps ont été administrés directement au niveau du cerveau, ce qui n'est pas envisageable pour une thérapiethérapie régulière chez l'Homme. Finalement, si la maladie d'Alzheimermaladie d'Alzheimer était une conséquence du diabète, cela faciliterait peut-être la préventionprévention et la prise en charge des patients.