Mélangez du sang à un liquide rose et vous saurez immédiatement si vous souffrez ou non d’un cancer. C’est la promesse révolutionnaire de chercheurs australiens, qui pensent avoir trouvé une méthode largement accessible et économique pour détecter la maladie.


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    La plupart des tests de dépistage du cancer sont aujourd'hui effectués par une biopsie : un échantillon de tissu ou de tumeur est prélevé afin de déterminer s'il contient ou non des cellules cancéreuses, le plus souvent par analyse ADN ou qPCR (PCRPCR quantitative). Une technique invasive et coûteuse à laquelle des scientifiques de l'université du Queensland, en Australie, pensent avoir trouvé une alternative. Ces derniers ont présenté le 5 décembre dans la revue Nature Communications un moyen rapide et bon marché pour détecter les traces de la maladie.

    Un liquide qui change de couleur en 10 minutes

    Le test se fie à la présence ou à l'absence de groupe méthyle sur l'ADN d'une cellule, un processus appelé méthylationméthylation. Ces séquences viennent se fixer sur certains sites spécifiques appelés îlots CpG et altèrent l'activité de certains gènesgènes. Dans les cellules normales, ces groupes méthyle sont régulièrement répartis à l'intérieur de la cellule. Mais dans une cellule cancéreuse, l'ADN est en grande partie dénudé et les groupes méthyle regroupés en amas sur certains îlots CpG. Les chercheurs ont découvert que ces amas serrés formaient une nanostructure particulière qui adhère à des surfaces solidessolides. L'ADN des cellules cancéreuses vient ainsi se « coller » sur des nanoparticules d’or. Les chercheurs ont donc créé un test à base d'eau et de ces nanoparticulesnanoparticules qui rendent l'eau rose. En présence de groupes méthyle anormaux, le liquideliquide reste rose. S'il vire au bleu, cela signifie que la cellule est saine.

    Dans les cellules cancéreuses, les groupes méthyle sont regroupés en amas sur l’ADN qui adhèrent aux nanoparticules d’or. © <i>Laura G. Carrascosa et al, Nature Communications, 2018</i>
    Dans les cellules cancéreuses, les groupes méthyle sont regroupés en amas sur l’ADN qui adhèrent aux nanoparticules d’or. © Laura G. Carrascosa et al, Nature Communications, 2018

    Cette approche a été testée sur plus de 100 échantillons humains, avec 72 patients atteints de différents cancers et 31 individus en bonne santé. Le test a montré une sensibilité de 90 %, c'est-à-dire qu'il détecte 90 % des cas avec 10 % de faux néggatifs.

    Comme la plupart des tests sanguins, les marqueurs sont ici recherchés dans l'ADN circulant, celui que les cellules cancéreuses relâchent dans le sang lorsqu'elles meurent. Cet ADN circulant est bien plus élevé en phase avancée de cancer qu'au stade préliminaire, ce qui signifie que le test est sans doute moins efficace pour détecter les cancers de manière très précoce. De plus, il n'est pas capable de déterminer de quel type de cancer il s'agit. « Notre test servira à effectuer un premier tri pour conduire ensuite de plus amples examens », insiste Laura Carrascosa, chercheur à l'université du Queensland.

    Le test de dépistage sanguin, le Graal de la recherche oncologique

    Ce n'est pas la première fois qu'un test de dépistage sanguin du cancer est annoncé. En janvier 2018, des chercheurs avaient déjà présenté un test baptisé Cancer SEEK, capable d'identifier huit types de cancer en analysant l'ADN circulant. La startup américaine Grail promet, elle aussi, un test sanguin basé sur le séquençageséquençage ADN automatisé via le machine learningmachine learning. Mais ces approches nécessitent un équipement très coûteux et très spécialisé. Si elle utilise un métalmétal précieux, la méthode par nanoparticules d'or, en quantité infime dans le liquide, s'avèrerait paradoxalement bien plus abordable.

    On sait repérer la présence d'une tumeur par une analyse du sang en détectant des antigènesantigènes caractéristiques. Mais la méthode est longue et délicate. Il faut centrifuger le sang pour séparer les cellules (globules rougesglobules rouges, blancs, etc.) du plasmaplasma, lequel doit ensuite subir une analyse chimique complexe. Le travail prend plusieurs jours et ne peut être réalisé que dans un laboratoire spécialisé. De plus, la précision est moyenne et l'antigène doit être présent en quantité suffisante pour être mis en évidence, faute de quoi il peut subsister une ambiguïté.


    Détecter les cancers en quelques minutes grâce aux nanotechnlogies

    Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet publié le 15/12/2009

    Une équipe de l'Université de Yale a mis au point une technique d'analyse de sang, simple, précise et rapide, capable de repérer les biomarqueurs du cancer du seincancer du sein ou de la prostateprostate. La méthode, qui utilise une puce électronique et des nanofils, pourrait être appliquée à d'autres cancers voire à des maladies cardiovasculairesmaladies cardiovasculaires.

    Depuis plusieurs années, Mark Reed et Tarek Fahmy, de la Yale University, travaillent sur des senseurs électroniques capables de détecter certaines moléculesmolécules dans une solution liquide et appliqués au diagnosticdiagnostic médical. Dans un tel laboratoire sur puce (ou lab-on-a-chip, LOC), la solution s'écoule dans un dispositif miniaturisé, faisant appel à la microfluidiquemicrofluidique, cette science de la circulation d'un fluide dans un volumevolume minuscule.

    Dans les senseurssenseurs les plus classiques, la substance recherchée interagit avec le substratsubstrat et se fixe en certains endroits. Elle peut alors être détectée grâce à un marqueur, par exemple fluorescent, qui se lie spécifiquement à elle. L'équipe de l'Université Yale étudie, elle, des nanosenseurs purement électroniques, permettant une analyse plus rapide. L'idée n'est pas nouvelle. IBMIBM, par exemple, a présenté récemment le prototype d'une « puce à ADN », capable de séquencer une chaîne d'ADN.

    Schéma de principe des premiers prototypes étudiés par l'équipe. Les molécules à isoler sont présentes dans la solution qui circule au-dessus de la puce électronique et s'accrochent spécifiquement sur les nanofils de silicium.<br>© <em>Yale University</em>
    Schéma de principe des premiers prototypes étudiés par l'équipe. Les molécules à isoler sont présentes dans la solution qui circule au-dessus de la puce électronique et s'accrochent spécifiquement sur les nanofils de silicium.
    © Yale University

    Un système portable de diagnostic

    Aujourd'hui, un groupe réuni autour de ces deux chercheurs publie les détails d'une première réalisation concrète dans la revue Nature Nanotechnology. Les performances sont assez spectaculaires. Cette petite puce détecte en moins de vingt minutes la présence des antigènes caractéristiques du cancer du sein et du cancer de la prostatecancer de la prostate dans un échantillon de 10 microlitres de sang obtenu sans aucune préparation.

    Le secret, expliquent les auteurs, réside dans la circulation du liquide. A l'intérieur du senseur, les étapes de purification et d'analyse sont séparées. Le sang, avec tous ses composants, est d'abord filtré dans un premier compartiment. Après une phase de lavage, le liquide restant, purifié, pénètre dans la zone d'analyse. Celle-ci est composé de nanofils de siliciumsilicium sur lesquels se fixe la substance à détecter. « Cette séparationséparation en deux étapes isole le détecteur de l'environnement complexe du sang » précisent les chercheurs.

    Le résultat est une sensibilité très élevée, permettant de repérer des concentrations de marqueurs très faibles. Ce senseur serait capable de détecter un grain de sel dilué dans une piscine, affirment les auteurs. La rapidité de l'analyse et le fait qu'elle puisse être réalisée sur un échantillon de sang frais sans préparation change complètement la manière de conduire ce genre de test. Il pourrait être pratiqué rapidement, à l'hôpital ou même par un médecin. De plus, cette puce pourrait être utilisée sur une large variété de cancers et même pour détecter des maladies cardiovasculaires.