Pour la première fois, des cellules souches embryonnaires humaines ont été créées par une technique de clonage. L’idée n’est pas de faire naître des individus génétiquement identiques, mais d’utiliser ces cellules dans des thérapies pour soigner diverses pathologies.

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    Les cellules souches embryonnaires humaines créées par clonage pourraient intégrer des protocoles de thérapie cellulaire si elles s'avèrent sans danger. © Annie Cavanagh, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Les cellules souches embryonnaires humaines créées par clonage pourraient intégrer des protocoles de thérapie cellulaire si elles s'avèrent sans danger. © Annie Cavanagh, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    La performance est inédite. Alors qu'elle avait été réalisée en 2007 chez des primates, Shoukhrat Mitalipov et son équipe de l'université de la santé et des sciences de l'Oregon (OHSU, Beaverton, États-Unis), viennent désormais de la reproduire chez l'Homme : des cellules souches embryonnaires ont été créées par clonage, en utilisant la même technique que celle qui avait permis de mettre au monde la célèbre brebis Dolly le 5 juillet 1996.

    Cependant, cette fois, l'ambition est différente. Il ne s'agit pas de clonage reproductif, mais thérapeutique, l'objectif étant d'utiliser ces cellules souches embryonnaires en médecine régénérative. Ces cellules, dotées de la capacité de se différencier en n'importe quelle cellule humaine, pourraient remplacer les tissus défaillants chez des patients atteints de maladies aussi diverses que la cécité, la tétraplégie, ParkinsonParkinson ou la sclérose en plaques.

    Trois ajustements rendent le clonage thérapeutique possible

    Il est important de replacer les choses dans leur contexte. Une première annonce de ce genre avait été lancée en 2005 par des Sud-Coréens dirigés par Hwang Woo-suk. Mais la supercherie a finalement été révélée. Peu de temps après, le chercheur japonais Shinya Yamanaka réussissait à créer des cellules souches à partir de cellules de la peau, ce qui permet de s'affranchir d'embryons humains, dont l'utilisation et la destruction soulèvent des questions éthiques.

    Cet ovocyte a été énucléé et contient une cellule de la peau. © UHSO Photos

    Cet ovocyte a été énucléé et contient une cellule de la peau. © UHSO Photos

    Ces deux paramètres ont détourné bon nombre de scientifiques du clonageclonage thérapeutique. Quelques-uns y travaillent toujours, mais les succès sont très limités du fait de la difficulté de la tâche. Seuls Dieter Egli et son équipe de la New York Stem Cell Foundation avaient réussi à créer des cellules souches embryonnaires humaines par cette technique, mais elles disposaient d'un double jeu de chromosomeschromosomes, pouvant occasionner quelques problèmes.

    Pourtant, Shoukhrat Mitalipov semble avoir enfin trouvé la solution au problème. À l'aide de trois petits ajustements déjà connus, lui et ses collègues ont mis au point un protocoleprotocole efficace, dont voici le principe. On récupère des ovocytesovocytes de donneuses et on les vide de leur noyau. En parallèle, on récolte des cellules de la peau d'un individu. À l'aide du virusvirus Sendai, connu pour favoriser la fusionfusion cellulaire, on unifie le gamètegamète femelle avec la cellule de peau. Une petite décharge électrique va alors déclencher le développement embryonnaire.

    Des cellules souches en bonne santé

    Mais cela ne suffit pas. Les premiers essais des chercheurs se sont révélés infructueux : les embryons se développaient, mais les cellules souches qu'ils contenaient n'étaient pas stables. Il a fallu alors rajouter de la caféinecaféine pour éviter une activation trop précoce.

    Après les premières phases de division jusqu'au stade blastocysteblastocyste, les scientifiques ont récolté une partie de ces cellules et ont poursuivi leur culture dans un autre flacon. Ainsi, ils ont réussi à continuer à les faire croître et à les différencier sans que celles-ci présentent un problème, preuve que leur technique fonctionne. Dans un premier temps, les cellules de la peau ont été récupérées chez un fœtusfœtus. Pour s'assurer que la manipulation pouvait être réalisée avec un être humain plus mature, ils ont récolté des cellules de la peau chez un bébé de huit mois atteint d'une maladie neurologiquemaladie neurologique appelée syndrome de Leighsyndrome de Leigh. Le succès reste le même.

    Ce schéma résume la technique utilisée. Un ovocyte (<em>oocyte</em>) énucléé et une cellule de la peau (<em>fibroblast</em>) ont été fusionnés. Un embryon s'est formé. Mises en culture, les cellules souches embryonnaires (NT-ESC) se sont divisées et se sont différenciées en divers tissus (cellules cardiaques, neurones, cellules hépatiques, etc.). © Mitalipov <em>et al.</em>, <em>Cell</em>

    Ce schéma résume la technique utilisée. Un ovocyte (oocyte) énucléé et une cellule de la peau (fibroblast) ont été fusionnés. Un embryon s'est formé. Mises en culture, les cellules souches embryonnaires (NT-ESC) se sont divisées et se sont différenciées en divers tissus (cellules cardiaques, neurones, cellules hépatiques, etc.). © Mitalipov et al.Cell

    Ce n'est pas la seule force de l'étude publiée dans Cell. Par cette technique, le taux d'échec est souvent important, mais pas cette fois. De l'avis de la communauté scientifique, l'efficacité atteint des niveaux élevés. Intéressant, quand on sait qu'il est difficile de se procurer des ovocytes.

    Va-t-on bientôt cloner des êtres humains ?

    Quel intérêt scientifique ? Les cellules souches embryonnaires humaines intègrent les essais cliniquesessais cliniques, mais suscitent toujours des polémiques éthiques. Cela n'est pas le cas des cellules souches pluripotentes induitescellules souches pluripotentes induites, conçues par Shinya Yamanaka, mais ces dernières pourraient s'avérer plus toxiques du fait des modifications génétiquesgénétiques que la manipulation implique. Les cellules souches embryonnaires créées par clonage pourraient être moins dangereuses pour l'Homme, ce qui les rend intéressantes. De plus, comme elles pourraient être synthétisées à partir des cellules du patient que l'on souhaite traiter, elles ne seraient pas reconnues comme étrangères à l'organisme par le système immunitairesystème immunitaire si on les transplantait à ce malade, évitant ainsi les risques de rejet.

    Cependant, une inquiétude et des interrogations pèsent autour de cette découverte : se dirige-t-on vers le clonage reproductif humain, où l'on pourrait faire naître des bébés génétiquement identiques à un donneur ? La communauté scientifique se veut rassurante. Elle annonce même qu'un article sera prochainement publié et expliquera pourquoi il est impossible de créer des clonesclones humains par cette technique. L'éthique semble sauve.