Une partie de la population du Bangladesh porterait des mutations génétiques conférant une résistance contre la bactérie responsable du choléra. Un bel exemple de sélection naturelle, qui aurait pu prendre son origine voilà 30.000 ans…

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    D'habitude, on s'inquiète des problématiques liées à la résistance bactérienne aux antibiotiques. Mais les processus naturels fonctionnent dans les deux sens. Ainsi, l'être humain évolue et développe ses propres mécanismes pour devenir insensible aux infections qui l'affectent depuis des millénaires. C'est le cas par exemple des porteurs sains du gène de la drépanocytose, qui deviennent beaucoup moins susceptibles d'être infectés par le vecteur du paludisme. Dernièrement, des scientifiques ont même envisagé que le recul de la lèpre en Europe durant la Renaissance était dû à des processus de sélection naturelle.

    Désormais, c'est au Bangladesh que des chercheurs de l'université Harvard sont partis la traquer dans le génome humain. En effet, ce pays est situé dans le deltadelta du Gange, épicentreépicentre historique de la bactérie Vibrio choleraeVibrio cholerae, qui provoque des diarrhéesdiarrhées potentiellement mortelles en quelques heures seulement. Même des textes en sanskrit l'évoquent, et certains pensent que les Hommes y sont confrontés depuis 5.000 à 30.000 ans dans cette région.

    Mais quiconque croise la route de la bactérie n'en meurt pas systématiquement. Et heureusement, car les estimations considèrent qu'à 15 ans, un enfant sur deux vivant au Bangladesh a été infecté par Vibrio cholerae. La plupart du temps, les symptômessymptômes sont bénins, voire inexistants. Certains semblent même très bien résister à la maladie.

    Mutations génétiques qui protègent du choléra

    Des études précédentes avaient par exemple révélé que les personnes de groupe sanguin O étaient plus susceptibles de souffrir de cette maladie. Ce n'est probablement pas le fruit du hasard si l'on retrouve au Bangladesh la plus faible concentration au monde de personnes présentant ce groupe sanguingroupe sanguin particulier.

    Le Bangladesh est un pays pauvre. Les conditions de vie sont parfois insalubres, et le choléra en profite pour se répandre. Il se transmet par voie fécale ou orale, en amenant les mains sales à la bouche, et surtout en buvant de l'eau contaminée. © Waterdotorg, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Le Bangladesh est un pays pauvre. Les conditions de vie sont parfois insalubres, et le choléra en profite pour se répandre. Il se transmet par voie fécale ou orale, en amenant les mains sales à la bouche, et surtout en buvant de l'eau contaminée. © Waterdotorg, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Mais tout ne doit pas résider à ce niveau-là, selon les intuitions de Regina LaRocque, scientifique de l'université américaine. C'est pourquoi elle a soumis avec ses collègues les échantillons d'ADNADN d'une quarantaine de familles de Dacca (la capitale) à une méthode statistique nouvelle permettant de déterminer les régions du génome sélectionnées par l'évolution, en les comparant avec le génome de familles d'Extrême-Orient, d'Afrique de l'Ouest ou d'Europe.

    Selon leur étude publiée dans Science Translational Medicine, la sélection naturelle aurait laissé 305 marques dans l'ADN des Bangladais. Pour vérifier le rôle de Vibrio cholerae dans ce processus de tri, les scientifiques ont regardé plus près le patrimoine génétiquegénétique d'habitants de Dacca malades, et comparé avec celui de personnes vivant sous le même toittoit, mais n'ayant pas les symptômes causés par l'infection. En effet, les personnes sensibles à la bactérie ne présentent pas les mutations protectrices.

    L’inflammation, un processus clé ?

    Parmi elles, un premier groupe de gènes est impliqué dans des canaux potassiques qui permettent aux cellules de se purger d'ionsions chlorure dans les intestins. Cela est tout à fait logique, puisque la toxinetoxine responsable de la maladie pousse ces mêmes cellules à se vider en chlorechlore et en eau (jusqu'à deux litres par heure), ce qui cause les fortes diarrhées, permettant au germegerme de se répandre davantage et de contaminer d'autres victimes par l'ingestioningestion d'eau insalubreeau insalubre.

    Une deuxième famille de gènes sélectionnés contrôle la synthèse d'une bactérie nommée NF-κB, qui joue un rôle important dans les processus inflammatoires. Cette voie est activée naturellement par le corps en cas d'infection.

    Enfin, un troisième groupe a été identifié. Là encore, il est lié à l'inflammation, et concerne un agrégat protéique extracellulaire, l'inflammasome, qui détecte les pathogènespathogènes et déclenche une réaction. Les scientifiques n'ont pas encore bien saisi le rapport avec le choléracholéra.

    Du Bangladesh à Haïti

    Alors que les techniques de soin sont efficaces une fois la maladie déclarée, les chercheurs souhaitent désormais axer leurs efforts sur la préventionprévention. Le vaccinvaccin existant ne protège pas sur le long terme, c'est pourquoi ils tentent de percer à jour les façons de bloquer la maladie dans l'œuf.

    Depuis 2010, c'est Haïti qui est frappé par le choléra. Après le terrible tremblement de terretremblement de terre, des soldats de l'Onu venus prêter main-forte ont apporté avec eux le terrible germe, qui semble se complaire sous le climat tropicalclimat tropical. Là-bas, les gènes de la résistancerésistance n'ont pas encore dû beaucoup circuler.