Le ministre de la Santé japonais vient de donner son feu vert à l’équipe de Masayo Takahashi pour entamer la première phase d’un essai clinique contre la dégénérescence maculaire liée à l’âge à l’aide de cellules souches pluripotentes induites. Jamais celles-ci n’ont encore été testées chez l’Homme. Il s’agit d’abord de s’assurer de l’innocuité du traitement.

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    Le pays du soleilsoleil levant aurait-il pris une belle avance ? Il semble que ce soit le cas en ce qui concerne la recherche sur les cellules souches pluripotentes induites (CSPiCSPi). Pour rappel, ces cellules sont produites artificiellement, en permettant à des cellules spécialisées (de la peau par exemple) de retrouver un état indifférencié, ce qui donne aux scientifiques la possibilité de leur donner une nouvelle vie.

    Cette prouesse, réalisée pour la première fois en 2006 par Shinya Yamanaka, a valu au chercheur nippon d'obtenir le prix Nobel de médecine en 2012. Depuis, l'État japonais investit énormément d'argentargent dans la recherche sur les cellules souches. Des dépenses qui pourraient bien s'avérer payantes. Après plusieurs mois d'attente, l'équipe de Masayo Takahashi, de la Fondation pour la recherche biomédicale et l'innovation (Ibri), basée à Kobe, vient de recevoir un courrier signé de la main de Norihisa Tamura, ministre de la Santé, du Travail et du Bien-être du pays, dans lequel il donne son accord pour le début des essais cliniques d'un traitement contre une pathologie visuelle à l'aide de ces CSPi.

    Cette décision ouvre donc une nouvelle ère dans la médecine régénérative, car ces cellules suscitent un réel espoir. Elles pourraient éviter le recours aux cellules souches embryonnaires, déjà testées contre diverses maladies, mais qui suscitent des problèmes éthiques. De plus, les CSPi auraient l'avantage de limiter les risques de rejet, car le patient reçoit ses propres cellules, même si celles-ci ont été modifiées. Malgré tout, les risques pour la santé humaine n'ont pas encore été évalués. C'est d'ailleurs l'objet de cette recherche.

    Des cellules souches induites contre la DMLA

    Ainsi, Masayo Takahashi a déclaré au journal japonais The Mainichi qu'il faudra environ une année avant de pouvoir mettre le protocoleprotocole en place. À l'été prochain donc, on pourrait voir six patients atteints de dégénérescence maculairedégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) traités à l'aide des CSPi. Cette pathologie, principale cause de cécité chez les plus de 55 ans dans les pays industrialisés, se caractérise par la perte des cellules de la macula, une région cruciale dans la vision, située dans la rétine. Aujourd'hui, aucun traitement validé ne permet de la soigner, mais seulement de la ralentir.

    Les cellules souches embryonnaires, à l'image, nécessitent la destruction de l'embryon pour être récupérées. Les CSPi, elles, ne demandent qu'un petit morceau de peau... © Annie Cavanagh, Wellcome Images, cc by nc nd 2.0

    Les cellules souches embryonnaires, à l'image, nécessitent la destruction de l'embryon pour être récupérées. Les CSPi, elles, ne demandent qu'un petit morceau de peau... © Annie Cavanagh, Wellcome Images, cc by nc nd 2.0

    Pour procéder, les chercheurs prélèveront des cellules de la peau de chacun de leurs patients, affectés par la forme dite humide de la maladie (ou DMLA exsudative). Après induction d'un changement de l'expression de quatre gènes clés, permettant aux cellules cutanées de retrouver un état indifférencié, celles-ci vont être plongées dans un milieu de culture spécifique pour se transformer en cellules rétiniennes. Huit mois après le prélèvement, ces cellules de rétine induites vont être réimplantées dans l'œilœil du patient pour remplacer toutes celles qui ont été détruites.

    Des CSPi bientôt testées à toutes les sauces ?

    Ce protocole sera testé sur un faible nombre de participants dans un premier temps, car il s'agit d'abord de s'assurer de l'innocuité du traitement. En effet, les manipulations génétiquesgénétiques nécessaires peuvent augmenter les risques que ces cellules greffées ne deviennent tumorales. D'autre part, on ignore encore quelles sont les probabilités de rejet par l'organisme du patient de ces cellules qui, au départ, étaient déjà les siennes. Des résultats chez les animaux ont laissé perplexe avant qu'une autre étude précise que les dangers ne sont pas si élevés. Enfin, certains doutent aussi de la persistance dans le temps de ces cellules. L'efficacité de la thérapiethérapie ne sera évaluée que dans un troisième temps, si les tests se poursuivent jusque-là.

    Le Japon devient donc le premier pays au monde à autoriser un tel protocole. Dans sa lettre, le ministre nippon fait part de l'urgence à déterminer la sûreté de la pratique. Si celle-ci s'avère saine, alors on pourrait voir fleurir des essais concernant d'autres maladies et d'autres tissus dans les années à venir. Et un jour, nous soigner d'une maladie grave ou handicapante à l'aide de nos seules cellules de la peau. Et d'une onceonce de savoir-faire, quand même...