Loin d’être une drogue douce, le cannabis peut entraîner une dépendance. Or, en faisant varier le niveau d’une substance naturelle du cerveau, des chercheurs ont pu réduire fortement la consommation de rats et de singes accros.

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    Le cannabis procure en général une sensation de bien-être et est souvent considéré comme une drogue douce et peu nocive, en particulier par les adolescents qui sont de plus en plus nombreux à en consommer. Mais les apparences sont parfois trompeuses. Les recherches s'accumulent et montrent qu'une consommation régulière de cannabis altère les facultés cérébrales, augmente les risques d'apparition de troubles psychotiques et d'accoutumance à des drogues dures, et peut même conduire à la dépendance. Selon une étude de 2004, 10 % des consommateurs réguliers seraient accros. Cependant, il n'existe pas encore de médicament pour lutter contre cette addiction.

    Des chercheurs du National Institute on Drug Abuse à Baltimore (États-Unis) sont sur la voie du remède miracle. Leur découverte, publiée dans la revue Nature Neuroscience, révèle le rôle d'une moléculemolécule naturelle du cerveau dans le contrôle de la dépendance chez le rat et le singe. Ces résultats pourraient conduire à la mise en place d'un traitement.

    Le cannabis, issu du chanvre, a des propriétés psychotropes que recherchent ceux qui le consomment de manière récréative. Ces propriétés peuvent également servir à un usage thérapeutique. © Drome, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Le cannabis, issu du chanvre, a des propriétés psychotropes que recherchent ceux qui le consomment de manière récréative. Ces propriétés peuvent également servir à un usage thérapeutique. © Drome, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Le principe actif du cannabis, le THC (deltadelta-9-tétrahydrocannabinoltétrahydrocannabinol), se fixe et agit sur les récepteurs cannabinoïdes situés dans les zones cérébrales associées à l'apprentissage, la recherche de récompenses, la motivation, la prise de décision, l'acquisition d'habitudes et les fonctions motrices. Cela entraîne la libération de dopaminedopamine, un neuromédiateurneuromédiateur du plaisir et de la récompense, et peut induire le phénomène de dépendance. Pour trouver une parade, les scientifiques ont recherché un moyen de limiter la production de dopamine dans le cerveau.

    Bloquer la dopamine pour limiter la dépendance

    Des études précédentes avaient montré que l'acideacide kynurétique (KYNA) contrôlait le niveau de dopamine dans le cerveau. Les auteurs ont donc eu l'idée ingénieuse d'augmenter les taux de KYNA chez des rats et des singes rendus dépendants au cannabis. Pour cela, ils leur ont injecté un médicament (Ro 61-8048), capable d'améliorer la production de KYNA dans le cerveau, et les ont placés dans une cage dans laquelle ils pouvaient appuyer sur une pédale pour se fournir en cannabis. Les résultats ont été à la hauteur de leurs espérances : les animaux présentant un niveau élevé de KYNA ont rapidement diminué leur consommation de drogue. « Leur comportement a changé du tout au tout », raconte Robert Schwarcz, le directeur de l'équipe.

    Selon les auteurs, le KYNA fonctionnerait en bloquant les récepteurs du cerveau qui répondent à la dopamine et induisent une sensation de bien-être. En d'autres termes, les animaux ne ressentiraient plus de plaisir avec le cannabis et arrêteraient donc tout naturellement d'en consommer. De nombreuses études sont cependant nécessaires pour confirmer cette hypothèse et pour tester l'effet du Ro 61-8048 chez l'Homme. Les auteurs précisent qu'il est fort possible qu'une augmentation de KYNA affecte d'autres régions du cerveau et présente des effets secondaires. Le traitement contre l'addiction au cannabis n'est donc pas pour demain, mais ces travaux ouvrent la voie vers sa mise en place.