Des cellules souches génétiquement modifiées ont protégé trois patients atteints d’une tumeur au cerveau des effets secondaires graves d’une chimiothérapie et ont augmenté leurs chances de survie. L’un d’entre eux est toujours vivant trois ans après. Cette technique, novatrice, promet de belles perspectives si son efficacité se confirme à plus grande échelle.


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    La majorité des chimiothérapies ciblent les cellules qui se divisent rapidement, comme les cellules cancéreuses. Malheureusement, d'autres cellules de l'organisme, saines, sont sans cesse renouvelées. Elles aussi sont détruites par les traitements médicamenteux, ce qui cause des effets secondaires. Des cellules souches génétiquement modifiées pour survivre semblent bien adaptées. © Kendrak, Flickr, cc by nc sa 2.0

    La majorité des chimiothérapies ciblent les cellules qui se divisent rapidement, comme les cellules cancéreuses. Malheureusement, d'autres cellules de l'organisme, saines, sont sans cesse renouvelées. Elles aussi sont détruites par les traitements médicamenteux, ce qui cause des effets secondaires. Des cellules souches génétiquement modifiées pour survivre semblent bien adaptées. © Kendrak, Flickr, cc by nc sa 2.0

    C'est tout le paradoxe. La chimiothérapie sauve des vies en détruisant les cellules cancéreuses, mais entraîne de lourds désagréments. Ces médicaments manquent parfois de spécificité et s'attaquent aussi à des tissus sains de l'organisme. Un dilemme dramatique qui pose problème.

    Prenons le cas du glioblastome, une tumeur au cerveau (la glieglie étant le tissu de soutien de l'encéphale). Ce cancer est très agressif et bien souvent fatal. Les traitements chimiothérapiques qu'on lui oppose ne suffisent pas, car souvent, un gène, appelé Mgmt, est surexprimé par les cellules tumorales et code pour une enzymeenzyme qui va réparer les dégâts causés par le médicament. Pour compenser, les thérapies ajoutent un composé, la benzylguanine, qui inhibe Mgmt.

    Mais cette fois, on crée un autre problème. Les cellules de la moelle osseusemoelle osseuse, celles qui vont se transformer en globules rougesglobules rouges (transport de l'oxygène dans le sang) et en globules blancsglobules blancs (système immunitaire), ne survivent pas au traitement à base de benzylguanine. S'ensuit inéluctablement un affaiblissement général de la santé du patient : plus grande susceptibilité aux infections et fatigue importante. Les médecins doivent alors arrêter la médication, mais la chimiothérapiechimiothérapie n'a pas éliminé la tumeurtumeur. Face à cette impasse, les patients ont peu de chances de s'en sortir.

    Des cellules souches génétiquement modifiées

    Les scientifiques cherchent donc à contourner ce problème. Et des chercheurs du Centre de recherche contre le cancer Fred Hutchinson à Seattle (États-Unis) viennent d'apporter dans Science Translational Medicine une solution convaincante : des cellules souchescellules souches génétiquement modifiées en guise de bouclier.

    Le glioblastome est la tumeur maligne au cerveau la plus fréquente et la plus agressive. Sans traitement, elle est mortelle en trois mois. Sur cette radiographie, on aperçoit le glioblastome, qui correspond à une tâche plus claire. © A. Christaras, Wikipédia, cc by sa 3.0
    Le glioblastome est la tumeur maligne au cerveau la plus fréquente et la plus agressive. Sans traitement, elle est mortelle en trois mois. Sur cette radiographie, on aperçoit le glioblastome, qui correspond à une tâche plus claire. © A. Christaras, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Il existe une version mutée du gène Mgmt, appelée P140K. Ce variant confère aux cellules une protection contre le principe actifprincipe actif de la chimiothérapie et contre la benzylguanine. Les auteurs ont prélevé des cellules souches sanguines dans la moelle osseuse de trois individus diagnostiqués avec un glioblastome. À l'aide d'un virusvirus, le génomegénome de ces cellules a été complété par P140K. Une chimiothérapie plus tard, ces cellules génétiquement modifiées ont été réinjectées dans chacun des patients.

    Une chimiothérapie sans effet secondaire

    Hans-Peter Kiem, qui a supervisé le travail, se réjouit du résultat. « Nous avons découvert que les malades toléraient mieux la chimiothérapie [...] que les patients qui dans des études précédentes n'avaient pas reçu une telle transplantationtransplantation. »

    Au fur et à mesure, les cellules souches se sont transformées en globules rouges ou blancs matures, et entre 40 et 60 % d'entre eux étaient porteurs de P140K. Les cellules sanguines étaient donc protégées de la chimiothérapie, mais pas les cellules tumorales.

    Cela ne les a malheureusement pas sauvés de leur terrible maladie. Les patients ont survécu vingt-deux mois en moyenne après la transplantation, alors que la moitié des victimes ne dépassent pas treize mois. L'un d'eux est cependant toujours vivant et se porteporte même bien, alors que la thérapie a eu lieu trente-quatre mois plus tôt.

    Maintenant que le procédé a été établi pour la première fois, il reste à s'assurer de l'efficacité chez un plus grand nombre de malades, en menant une étude à large échelle. Si l'efficacité est avérée, d'autres cancers impliquant un gène Mgmt trop réactifréactif, comme certaines tumeurs au poumon ou au côlon, pourraient se traiter selon ce principe. Et de faire des survivants du cancer des êtres humains génétiquement modifiés !