Si les acides gras oméga-3 sont bénéfiques pour notre santé, les mécanismes expliquant leurs effets sont mal connus. Dans une étude publiée dans Science, des chercheurs français montrent que la présence de ces lipides dans les membranes cellulaires rend celles-ci plus malléables et plus sensibles à l’action de protéines qui les déforment et les découpent.

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    Membranes contenant des lipides monoinsaturés (à gauche) et polyinsaturés (à droite) après addition de dynamine, d'endophiline. En quelques secondes les membranes riches en lipides polyinsaturés subissent de multiples fissions. © Mathieu Pinot

    Membranes contenant des lipides monoinsaturés (à gauche) et polyinsaturés (à droite) après addition de dynamine, d'endophiline. En quelques secondes les membranes riches en lipides polyinsaturés subissent de multiples fissions. © Mathieu Pinot

    La consommation d'acides gras polyinsaturés (comme les acides gras oméga-3) est bénéfique pour la santé. Ces effets vont de la différenciation neuronale à la protection contre l'ischémie cérébrale. Les mécanismes moléculaires responsables de ces effets sont cependant assez mal compris. Des chercheurs se sont donc penchés sur le rôle de ces acides gras dans le fonctionnement de la membrane des cellules.

    Pour assurer son bon fonctionnement, sa membrane doit pouvoir se déformer et se découper pour former des petites vésicules. Ce phénomène est appelé endocytose. De manière générale elles permettent aux cellules d'encapsuler des moléculesmolécules et de les transporter. Au niveau des neurones, ces vésicules dites synaptiques vont jouer le rôle de courroie de transmission à la synapse pour le message nerveux. Elles sont formées à l'intérieur de la cellule, puis se déplacent vers son extrémité et fusionnent avec sa membrane, afin d'acheminer les neurotransmetteurs qu'elles contiennent. Elles sont ensuite reformées en moins d'un dixième de seconde : c'est le recyclagerecyclage synaptique.

    Les lipides polyinsaturés rendent les membranes cellulaires plus malléables

    Des chercheurs de l'Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (CNRS, Université Nice Sophia Antipolis), de l'unité Compartimentation et dynamique cellulaires (CNRS, Institut Curie, UPMC), de l'Inserm et de l'université de Poitiers se sont intéressés à l'effet de lipideslipides portant des chaînes polyinsaturées lorsqu'ils sont intégrés dans les membranes de cellules.

    Endocytose de transferrine (transport du fer) dans des cellules contenant des lipides polyinsaturés dans leurs membranes (à droite) par rapport à celle dans des cellules qui en sont dépourvues (à gauche). En 5 minutes, le nombre de vésicules d'endocytose formées (transferrine internalisée en rouge) est augmenté près de 10 fois, reflétant une endocytose facilitée. © Hélène Barelli

    Endocytose de transferrine (transport du fer) dans des cellules contenant des lipides polyinsaturés dans leurs membranes (à droite) par rapport à celle dans des cellules qui en sont dépourvues (à gauche). En 5 minutes, le nombre de vésicules d'endocytose formées (transferrine internalisée en rouge) est augmenté près de 10 fois, reflétant une endocytose facilitée. © Hélène Barelli

    Dans ces travaux parus dans la revue Science, les chercheurs montrent que des membranes cellulairesmembranes cellulaires ou artificielles riches en lipides polyinsaturés sont beaucoup plus sensibles à l'action de deux protéinesprotéines, la dynamine et l'endophiline qui déforment et découpent les membranes. D'autres mesures de l'étude et des simulations suggèrent que ces lipides rendent aussi les membranes plus malléables. En facilitant les étapes de déformation et de scission nécessaires à l'endocytose, la présence des lipides polyinsaturés pourrait expliquer la rapidité du recyclage des vésicules synaptiques. L'abondance de ces lipides dans le cerveaucerveau pourrait ainsi représenter un avantage majeur pour les fonctions cognitives.

    Ces travaux lèvent partiellement le voile sur le mode d'action des oméga-3. Quand on sait que notre organisme ne sait pas les synthétiser et que seule une nourriture adaptée (riche en poissonpoisson gras etc.) nous en fournit, il semble important de poursuivre ces travaux pour comprendre le lien entre les fonctions que ces lipides assurent au niveau de la membrane neuronale et leurs effets bénéfiques pour la santé.