Lorsqu’on se sent malade, le premier réflexe est souvent d’aller se renseigner sur la toile, et souvent sur Wikipédia, très bien positionné dans les moteurs de recherche. Mais c’est une mauvaise idée car des scientifiques ont révélé de nombreuses erreurs dans les entrées, en langue anglaise, de 9 des 10 maladies les plus coûteuses aux États-Unis.

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    Internet a bouleversé notre façon de consommer l'information. Autrefois, il fallait s'installer dans une bibliothèque pour se renseigner sur le monde. Désormais, avec un smartphone ou une tablette tactiletablette tactile, nous disposons de ressources quasi-infinies à notre portée en permanence. Si bien qu'à la moindre interrogation, nous sommes nombreux à solliciter les moteurs de recherche pour assouvir notre soif de réponse, parfois peut-être au détriment de notre réflexion et de notre mémoire.

    Et parmi les sites les mieux référencés, Wikipédia. Cette encyclopédie en ligne participative, lancée en 2001, contenait en mars dernier plus de 31 millions d'articles, dans 285 langues différentes. Son succès repose sur la possibilité de tout-un-chacun (et donc de n'importe qui) d'y collaborer, avec quelques garde-fousgarde-fous pour tenter d'assurer le sérieux du contenu. Mais qu'en est-il réellement du sérieux du contenu ?

    La question se pose et peu de recherches scientifiques se sont intéressées au sujet, pourtant lourd de conséquences. Il y a par exemple plus de 20.000 pages dédiées à des thématiques de santé, scrutées par les malades ou hypocondriaques cherchant à poser un diagnostic. Sont-ils bien informés et bien conseillés ? Robert Hasty, chercheur à l'université Campbell (Caroline du Nord, États-Unis), a voulu éprouver les fiches médicales de la célèbre encyclopédie en ligne. Et avec toutes les erreurs révélées dans le Journal of the American Osteopathic Association (JAOA), son travail conclut qu'il vaut mieux ne pas toujours se ranger à l'avis du docteur Wikipédia.

     Le nez qui coule et un peu de fièvre ? Vite sur Internet pour voir de quel mal je souffre. Mauvais réflexe... © <em>University of the people</em>, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Le nez qui coule et un peu de fièvre ? Vite sur Internet pour voir de quel mal je souffre. Mauvais réflexe... © University of the people, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Wikipédia ne réussit pas son examen de médecine

    L'étude s'est focalisée sur les pages anglophones des 10 maladies les plus coûteuses aux États-Unis, parmi lesquelles le cancer du poumon, le diabète, les maux de dos, les troubles de l'humeur ou les traumatismes crâniens. À chaque maladie étaient attribués aléatoirement deux expérimentateurs, tous deux internes en médecine, invités à vérifier toutes les allégations en recherchant des références solidessolides dans la littérature scientifique.

    Bilan : dans 9 des 10 articles épiés, le jury a relevé de nombreuses discordancesdiscordances entre les affirmations de Wikipédia et les recherches relues par les pairs, à tel point qu'ils ne sont pas jugés fiables. Seul le texte sur les traumatismes crâniens, à priori rédigé par des experts en la matièrematière, sort du lot.

    Parmi les affirmations avancées sur le Web et pourtant erronées, certaines peuvent être lourdes de conséquences. Par exemple, celle qui précise que pour diagnostiquer une hypertension artérielle trois mesures de la pressionpression sanguine en différentes occasions doivent être respectées. Une aberrationaberration pour les cardiologuescardiologues, qui y voient le risque de retarder la prise en charge d'un patient. Autre point incorrect avancé : le fait que les antidépresseurs n'ont aucune efficacité chez les enfants. Les parents lisant cela risquent de refuser la prescription de leur médecin sous prétexte des informations qu'ils ont lues sur InternetInternet.

    Chacun chez soi et les malades seront mal soignés

    Le mieux à faire donc, face à la maladie, est d'aller directement consulter un professionnel de santé, qui a été formé pour soigner. Néanmoins, autre point intéressant révélé par les études précédentes, une partie des médecins, et jusqu'à 70 % des étudiants en médecine, recourent occasionnellement à Wikipédia pour glaner des informations. C'est un peu le serpent qui se mord la queue.

    Parmi les raisons de ces innombrables erreurs, ce qui fait le succès de l'encyclopédie participative : la possibilité pour n'importe qui d'effectuer des modifications (encore une fois, sous un certain contrôle). Si bien que certains acteurs de la santé directement impliqués peuvent parfois réarranger la réalité à leur sauce. Par exemple, des employés d'une compagnie pharmaceutique ont été accusés en 2009 de supprimer une phrase qui expliquait qu'un médicament visant à traiter la dépression pouvait compter parmi ses effets secondaires le fait de pousser les adolescents à réfléchir davantage sur l'automutilation ou le suicide.

    Si Internet contient une base de donnéesbase de données exceptionnelle à la portée de tous, chacun est invité à se limiter à sa spécialité et à ne pas se prendre pour Dr House. Le mieux, en cas de doute, consiste à se rendre directement auprès de son médecin. Car en plus d'un diagnostic plus fiable et la prescription des médicaments adaptés, c'est aussi l'occasion de partager un peu plus de chaleurchaleur humaine que seul derrière un écran.