Les femmes bénéficieront peut-être d’un traitement vaginal permettant de les protéger contre le virus du Sida. Cet ARN chimérique, agissant à la fois comme un extincteur de gène et comme une clé moléculaire, et dont l’efficacité a été prouvée chez la souris, pourrait aussi être modifié pour s’adapter à d’autres maladies.

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    Alors que l'Assemblée mondiale de la santé se réunit cette semaine pour examiner le projet de Stratégie mondiale de lutte contre le VIH/Sida 2011-2015 de l'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé, de nouvelles solutions préventives ou thérapeutiques sont proposées presque quotidiennement par les scientifiques. Entre autres, une stratégie qui a déjà fait ses preuves dans la préventionprévention contre le virus de l'herpès semble être tout aussi efficace dans la lutte contre le rétrovirus le plus meurtrier au monde.

    Il s'agit d'un microbicide. Présenté dans un article paru dans la revue Journal of Clinical Investigation, il est en effet, littéralement, un tueur de microbesmicrobes, qui pourrait être utilisé de façon intravaginale. Son action de longue duréedurée pourrait même protéger les femmes, pendant les semaines qui suivent l'applicationapplication, contre une éventuelle infection par voie sexuelle.

    Des ARNsi pour éteindre le récepteur du virus

    Ce traitement préventif est basé sur l'utilisation du mécanisme désormais célèbre d'ARN interférenceinterférence (ou ARN silencing). D'abord découvert chez les végétaux, mais aussi retrouvé plus tardivement chez les animaux, ce processus faisant intervenir de petites moléculesmolécules d'ARN d'une vingtaine de nucléotides (des ARNsi) permet de réguler finement l'expression des gènesgènes. Les quelques ARN messagersARN messagers possédant une séquence homologue (ou quasiment homologue) aux ARNsi sont alors dégradés ou ne peuvent plus être traduits en protéinesprotéines. Les gènes ciblés sont donc éteints ou du moins fortement diminués.

    La molécule d'ARN chimérique est constituée d'un ARNsi qui cible l'extinction du gène du récepteur cellulaire CCR5, et d'un aptamère qui lui permet de se fixer spécifiquement au récepteur CD4. © <em>Journal of Clinical Investigation</em>

    La molécule d'ARN chimérique est constituée d'un ARNsi qui cible l'extinction du gène du récepteur cellulaire CCR5, et d'un aptamère qui lui permet de se fixer spécifiquement au récepteur CD4. © Journal of Clinical Investigation

    Dans les laboratoires de recherche, ce mécanisme naturel est très souvent détourné et utilisé de façon artificielle pour tenter de comprendre le rôle de certains gènes (on éteint un gène et on observe les conséquences), ou pour inhiber certains processus moléculaires considérés comme gênants. Dans ce cas précis, les chercheurs du Children's Hospital à Boston ont fabriqué des ARNsi afin d'inhiber l'action de deux gènes du virus du SidaSida (gag et vif), et de l'un de ses récepteurs cellulaires, CCR5.

    L’ARNsi est doté d’une clé moléculaire

    Situés en surface des lymphocyteslymphocytes T ou des macrophagesmacrophages, CCR5 et CD4 (le récepteur principal) permettent l'accrochage du VIHVIH puis son internalisation dans la cellule. CCR5 étant absolument nécessaire à l'entrée du virus dans les cellules cibles, l'extinction de son expression devait alors éviter toute infection. Seul problème, cette extinction peut nuire à l'organisme, puisque la protéine CCR5 a des fonctions immunitaires importantes autres que celles liées au virus du Sida.

    Pour empêcher l'extinction de CCR5 dans toutes les cellules, les chercheurs ont eu l'idée de créer un ARNsi chimériquechimérique, dont la séquence homologue au gène CCR5 est liée à une sorte de clé moléculaire ne permettant l'entrée de l'ARNsi que dans les cellules susceptibles d'être infectées. Cette clé moléculaire est un aptamèreaptamère, un morceau d'ARN dont la structure peut se fixer avec une grande affinité sur le récepteur CD4.

    Les lymphocytes T (cellules aux noyaux colorés en bleu au DAPI) contiennent le VIH (dont l'ARN est visualisé en vert), sauf si elles n'ont pas subi d'infection (à gauche) ou si elles ont reçu l'ARN chimérique (deuxième image en partant de la droite). © <em>Journal of Clinical Investigation</em>

    Les lymphocytes T (cellules aux noyaux colorés en bleu au DAPI) contiennent le VIH (dont l'ARN est visualisé en vert), sauf si elles n'ont pas subi d'infection (à gauche) ou si elles ont reçu l'ARN chimérique (deuxième image en partant de la droite). © Journal of Clinical Investigation

    Vers une application à d’autres virus ?

    Des tests encourageants effectués in vitroin vitro (démontrant la spécificité cellulaire, l'inhibitioninhibition de l'expression de CCR5 et une limitation de l'infection) ont conduit les chercheurs à tester leur constructionconstruction sur des souris dotées d'un système immunitairesystème immunitaire « humanisé », sensible au VIH. Injecté dans le canal vaginal, l'ARN chimérique a pu traverser la muqueusemuqueuse pour atteindre et pénétrer les cellules immunitaires, mais aussi et surtout réduire l'expression des gènes ciblés.

    Douze semaines après avoir été exposées au virus, les souris traitées ne montrent aucun signe biologique d'infection par le virus du Sida et semblent donc avoir été protégées efficacement. Cette méthode devra encore être testée sur l'Homme, mais elle semble déjà avoir un réel intérêt préventif, et pas que dans la lutte contre le virus du Sida. Il suffit théoriquement de modifier la partie ARNsi et la partie aptamère pour cibler d'autres virus et d'autres cellules.

    Toutes ces constructions pourront être administrées simultanément, et ainsi protéger contre plusieurs maladies sexuellement transmissiblesmaladies sexuellement transmissibles dont le papillomavirus, principal responsable des cancers du col de l’utérus