Le « virus du Sida des singes », à l’origine du virus du Sida humain, serait apparu il y a beaucoup plus longtemps que ce que l’on pensait. Cette découverte remet en question l’évolution probable du VIH, qui risque fort de rester virulent encore longtemps.

au sommaire


    La transmission inter-espèce se serait produite très tardivement dans l'histoire du VIS. Crédits DR

    La transmission inter-espèce se serait produite très tardivement dans l'histoire du VIS. Crédits DR

    Le virus de l'immunodéficience simienne (VIS) ressemble comme deux gouttes d'eau au virus de l’immunodéficience humaine (VIH), de qui il serait d'ailleurs l'ancêtre. Comme leurs noms l'indiquent, ces rétrovirus provoquent des symptômes d'immunodéficience, mais l'originalité du VIS est qu'il ne provoque pas (ou peu) ces symptômes chez l'hôte naturel. Seul un franchissement de la barrière inter-espèceespèce entraîne une forme sévère de la maladie.

    C'est justement par le franchissement de cette barrière (par côtoiement des singes ou par consommation de la viande de brousse) que le VIH a fait l'apparition chez l'espèce humaine, une transmission qui s'est produite probablement au début du 20e siècle et qui a entraîné les conséquences désastreuses que l'on connaît aujourd'hui dans le monde entier. Mais que sait-on sur l'origine du VIS lui-même ?

    Pour remonter le temps et comprendre l'évolution du virus, des chercheurs des universités d’Arizona et de Tulane ont étudié les virus des singes de l'île de Bioko. Cette île, située au large du Cameroun dans le golfe de Guinée et appartenant à la Guinée Equatoriale, a été séparée il y a plus de 10.000 ans des côtes africaines. Elle constitue donc un point de repère temporel sur la séparationséparation géographique entre les singes qu'elle abrite et ceux restés sur le continent.

    Le majestueux drill (<em>Mandrillus leucophaeus</em>) vit uniquement au Cameroun, au Niger et sur l'île de Bioko. Il est un des primates africains les plus menacés. © Wikimedia <em>Commons</em>

    Le majestueux drill (Mandrillus leucophaeus) vit uniquement au Cameroun, au Niger et sur l'île de Bioko. Il est un des primates africains les plus menacés. © Wikimedia Commons

    Au moins vieux de 32.000 ans

    Une des particularités des rétrovirus et que le génomegénome viral, d'abord rétro-transcrit d'ARNARN en ADNADN par une enzymeenzyme virale, s'insère dans le génome des cellules infectées et y reste. Les chercheurs ont alors récolté des échantillons de viande de brousse de drill (Mandrillus leucophaeus), un singe proche du babouin et du mandrillmandrill, pour effectuer des analyses génétiquesgénétiques. L'ADN de ces singes a révélé la présence de quatre souches virales de VIS endémiquesendémiques.

    Ces quatre souches ressemblent aux différentes variétés de VIS qui se trouvent sur le continent, mais les divergences n'en sont pas moins grandes. En supposant que le virus insulaire a bien évolué de manière isolée pendant 10.000 ans, la comparaison précise des séquences d'ADN a permis de calculer un taux d'apparition des mutations, qui s'est avéré plus lent que ce que l'on pensait jusqu'ici. Cela indique que la divergence génétique du virus a commencé bien avant le détachement de l'île Bioko du continent africain. Selon ces mêmes estimations, le plus vieil ancêtre communancêtre commun de ces souches virales aurait donc un âge compris entre 32.000 ans et 74.000 ans, voire beaucoup plus, et non pas quelques centaines d'années.

    Cette découverte, parue dans le journal Science, a des implications directes sur notre connaissance du VIH. Si le VIS a mis plusieurs milliers d'années à évoluer vers un stade inoffensif pour l'hôte comme il l'est actuellement pour les singes, il se peut que le VIH suive le même chemin pour l'homme. Il n'est donc pas question de compter sur l'évolution naturelle pour voir disparaître la forme virulente du virus du SidaSida, du moins pas rapidement.

    On peut également s'interroger sur la transmission du virus à l'homme, qui serait survenue très tardivement dans l'histoire du VIS, alors que l'homme a pu être exposé à la maladie pendant des milliers d'années auparavant. Selon les chercheurs, un événement particulier et mystérieux a dû se produire au 20e siècle, favorisant la transmission inter-espèce.