Les parasites qui deviennent résistants à l’artémisinine, le remède le plus courant, le sont aussi pour d’autres traitements grâce à une sorte d'endormissement, qui les protège. Des chercheurs français viennent de démontrer cette multirésistance, qui pose un réel problème de santé publique en Asie du Sud-Est.

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    De nombreuses résistances contre les traitements antipaludéens sont observées dans le monde. Une situation qui devient préoccupante. © Global Panorama, PublicDomainPictures, Pixabay, Flickr, CC by-sa 2.0

    De nombreuses résistances contre les traitements antipaludéens sont observées dans le monde. Une situation qui devient préoccupante. © Global Panorama, PublicDomainPictures, Pixabay, Flickr, CC by-sa 2.0

    Le paludisme est dû à un parasiteparasite véhiculé par les piqûres de moustiques infectés du genre Anopheles. Cette maladie sévit majoritairement en zone tropicale et, si elle est encore responsable de plus de 600.000 morts chaque année, les politiques de lutte contre cette pathologie ont permis une diminution de 60 % de la mortalité en 15 ans. Or, le composé pharmaceutique de base des thérapies antipaludiques, l'artémisinine, rencontre de plus en plus d'échecs cliniques en raison de l'émergenceémergence de résistancesrésistances dans toute l'Asie du Sud-Est - pour le moment, celles-ci n'ont pas été observées sur le continent africain.

    L'artémisinine est la substance activesubstance active d'une plante chinoise dont les vertus sont connues depuis plus de 2.000 ans. Elle est utilisée en association avec d'autres antipaludiques. L'intérêt de ces associations thérapeutiques réside dans l'assurance que le parasite, même s'il développe une résistance à l'une des deux moléculesmolécules, a moins de chance de développer une résistance simultanée aux deux molécules.

    Néanmoins, face au développement récent et rapide des résistances à l'artémisinine, les scientifiques se doivent de conserver une longueur d'avance sur le parasite. C'est dans ce contexte que l'équipe de Françoise Benoit-Vical, directrice de recherche Inserm au sein du laboratoire de ChimieChimie de coordination du CNRS à Toulouse, en collaboration avec l'Inserm à Toulouse et l'Institut Pasteur à Paris, étudie les mécanismes de résistance développés par Plasmodium falciparum, le parasite responsable du paludisme, et cherche de nouveaux médicaments à visée antipaludique.

    L’agent du paludisme peut être transmis par le moustique <em>Anopheles gambiae</em>. © CDC/James Gathany, Wikimedia Commons, DP

    L’agent du paludisme peut être transmis par le moustique Anopheles gambiae. © CDC/James Gathany, Wikimedia Commons, DP

    Le parasite échappe au traitement en restant quiescent

    Les chercheurs viennent de montrer que les parasites qui subissent in vitroin vitro cinq années de pressionpression médicamenteuse à la seule artémisinine développent une résistance généralisée à la plupart des autres antipaludiques dérivés ou non de l'artémisinine, y compris aux molécules partenaires présentes dans les combinaisons thérapeutiques utilisées en zone d'endémie.

    Les scientifiques ont démontré que ces parasites ne présentent pas de mutation dans un des gènesgènes de résistance connus mais qu'ils échappent à l'effet toxique des médicaments par un phénomène d'endormissement (quiescencequiescence). En effet, les parasites sont capables de suspendre leur développement durant toute la duréedurée de l'exposition aux antipaludiques. Dès qu'ils ne sont plus soumis au traitement antipaludique, ils se « réveillent » et prolifèrent à nouveau.

    Cette nouvelle multirésistance basée sur ce phénomène de quiescence n'est pas détectable par les tests actuellement réalisés pour analyser les résistances parasitaires. « Les tests in vitro effectués à partir du sang du patient prédisent une bonne sensibilité et donc l'efficacité du traitement, alors que les parasites sont résistants parce qu'ils sont quiescents. Il est donc indispensable de rechercher sur le terrain avec des tests pertinents et adaptés si le phénomène de multirésistance que nous avons identifié in vitro est également présent afin de pouvoir concevoir les politiques thérapeutiques en conséquence », explique Françoise Benoit-Vical. La capacité qu'ont les parasites déjà résistants aux artémisinines de développer une tolérance aux médicaments partenaires est une menace dramatique pour les combinaisons thérapeutiques.

    Ces travaux sont publiés dans la revue Emerging Infectious Diseases.