Le grand biologiste François Jacob vient de s’éteindre à 92 ans. Avec Jacques Monod et André Lwoff, il avait obtenu le prix Nobel de médecine en 1965 pour ses travaux sur le code génétique, que l’on était en train de décrypter. Académicien, résistant et amoureux des arts, il a occupé une grande place dans l'histoire de la science.

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    Dans la cellule, les innombrables réactions chimiquesréactions chimiques sont régulées par une information codée dans l'ADN, bien protégé dans le noyau, et transmise par l'intermédiaire de l'ARN. Les collégiens savent cela, aujourd'hui, mais dans les années 1950, on le découvre. Trois chercheurs français de l'institut Pasteur, François JacobFrançois Jacob, André Lwoff et Jacques MonodJacques Monod, seront récompensés par le prix Nobel de médecine de 1965 pour cette découverte. François Jacob était le plus jeune des trois et s'est fait connaître, et apprécier, de multiples manières.

    Quand en 1950 il entre à l'institut Pasteur pour travailler au laboratoire de physiologie microbienne, James Watson et Francis CrickFrancis Crick n'ont pas encore décrit la structure en double hélice de l’ADN, mais la génétique à l'échelle moléculaire commence à devenir un sujet de choix pour des biologistes aventureux.

    François Jacob, trente ans, est diplômé de médecine depuis 1947, après avoir repris ses études interrompues par la guerre, et ne peut plus devenir chirurgien comme il l'avait souhaité. Engagé dans les Forces françaises libres, il a servi notamment dans les équipes médicales en Afrique. En Normandie, après le débarquement, il reçoit une volée d'éclats d'obus qui le laisseront handicapé d'un bras. Ces blessures le forceront à renoncer à la chirurgie, pour se consacrer à la biologie, dans le laboratoire dirigé par André Lwoff. Au même étage travaille Jacques Monod, du genre bouillonnant, catégorie génie.


    Le 9 janvier 1972, pour l'émission Un certain regard, François Jacob et l'ethnologue Claude Lévi-Strauss se prêtent au jeu : discuter librement comme s'ils déjeunaient ensemble. Au début, les deux grands savants, un peu gênés, cherchent un sujet, se disent intimidés par les spécialistes des autres disciplines et finissent par confronter leurs deux points de vue différents : celui du biologiste qui veut expliquer l'organisme par ses composants moléculaires et celui qui s'intéresse à l'organisme. Et l'on en vient à la distinction entre l'inné et l'acquis. Un procédé factice qui trouve une utilité sur le plan opérationnel... © Ina

    La naissance du génie génétique

    Les trois feront des étincelles en décryptant des mécanismes de l'action des gènes chez les bactéries, et la manière dont pourrait être contrôlée la fabrication d'ARN à partir de séquences d'ADNADN, ce que l'on appelle depuis la transcription. Ensemble, ils découvrent « l'opéron lactose », aujourd'hui encore une célébrité du génie génétiquegénie génétique. À l'époque, le terme n'existe pas et leur découverte est considérée comme un des actes fondateurs de cette discipline. Un gène, expliquent-ils, peut être contrôlé, c'est-à-dire activé ou inactivé. Sur Escherichia coliEscherichia coli, ils mettent en évidence des échanges de gènes, ce qui leur permet de décrire la sexualité des bactéries.

    Fin lettré, François Jacob écrira de magnifiques ouvrages, qu'il est bon de lire ou de relire. On peut citer La logique du vivant, fresque historique et joyau d'intelligenceintelligence sur nos connaissances de ce qu'est la vie, Le jeu des possibles, un essai vivifiant qui se démarque de l'austère Le hasard et la nécessité de Jacques Monod, et un récit autobiographique, La statue intérieure, aux éditions Odile Jacob (laquelle est sa fille, née de Lise Bloch, sa première femme).

    Fait assez rare, François Jacob le scientifique a été admis à l'Académie française en 1996. Ses distinctions sont nombreuses et il a entre autres reçu le prix Charles-Léopold Mayer, avec Jacques Monod, en 1962, succédant ainsi à Francis Crick.