L'idée d'Aristote selon laquelle « il n'y pas de génie sans un brin de folie » est aujourd'hui confortée par une étude scientifique affirmant que la créativité et des psychoses comme la schizophrénie et les troubles bipolaires auraient au moins partiellement des racines génétiques communes.

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    Une créativité accrue pourrait être liée au risque de développement de troubles bipolaires ou d'une schizophrénie. © Riccardo Cuppini, Flickr, CC by-nc-nd 3.0

    Une créativité accrue pourrait être liée au risque de développement de troubles bipolaires ou d'une schizophrénie. © Riccardo Cuppini, Flickr, CC by-nc-nd 3.0

    Des études épidémiologiques avaient déjà montré une surreprésentation des personnes atteintes de certains troubles mentaux et de leurs familles dans les professions créatives, mais sans pouvoir dire si cette association reposait sur des facteurs génétiques ou environnementaux au sens large. Dans une étude publiée lundi par la revue britannique Nature Neuroscience, une équipe de chercheurs islandais a montré que les mutations génétiques associées à un risque accru de développer une schizophrénie ou un trouble bipolaire pouvaient également être liées à une créativité accrue, au sein d'un échantillon de plus de 86.000 Islandais. Cette association a également été retrouvée dans des études portant sur près de 9.000 Suédois et 18.500 Néerlandais.

    Par souci de commodité, ils n'ont retenu dans leur étude que les membres des sociétés nationales artistiques de danseurs, d'acteurs, de musiciens ou d'écrivains. Ils ont également tenu compte des différences de quotient intellectuel et de niveau éducatif des personnes étudiées ainsi que de l'existence de proches atteints de schizophrénieschizophrénie et de troubles bipolairestroubles bipolaires, pour éviter d'éventuels biais dans leurs travaux. Les chercheurs ont défini les personnes créatives comme des personnes capables d'avoir une approche novatrice utilisant des processus mentaux différents des modes de pensée ou d'expression dominants.

    La génétique est un des outils utilisés pour tenter de comprendre l'origine de certaines maladies mentales. Il semble bel et bien que les gènes soient impliqués dans la schizophrénie.
    La génétique est un des outils utilisés pour tenter de comprendre l'origine de certaines maladies mentales. Il semble bien que des gènes soient impliqués dans la schizophrénie. © Sofia/shutterstock.com

    Une connexion génétique à prendre avec du recul

    « Notre étude accrédite l'idée d'un rôle direct joué par les facteurs génétiques sur la créativité », concluent-ils. Ils ont également étudié cinq professions non artistiques (agriculteurs, pêcheurs, employés, travailleurs manuels et vendeurs) pour lesquelles ils n'ont trouvé aucune association avec la créativité. Interrogés sur l'étude, plusieurs experts cités par le Genetic Expert News Service sont toutefois restés très prudents.

    « Le cœur du problème est de savoir si le fait d'être membre d'une société artistique signifie qu'on est créatif », relève le docteur Vishwajit L. Nimagonkar, professeur de psychiatrie et de génétique humaine à l'université de Pittsburgh, qui souligne que la créativité est un terme extrêmement difficile à définir.

    Les travaux de John Nash ont marqué le XX<sup style="line-height: 1.5em;">e</sup>siècle car ils concernent aussi bien les mathématiques pures que l’économie et la politique internationale. Il a été lauréat du prix Nobel d’économie mais aussi du prix Abel, considéré comme un Nobel de mathématiques. Sa créativité était peut-être liée à sa schizophrénie. © Wikipédia, Peter Badge, CC by-sa 3.0

    Les travaux de John Nash ont marqué le XXe siècle car ils concernent aussi bien les mathématiques pures que l’économie et la politique internationale. Il a été lauréat du prix Nobel d’économie mais aussi du prix Abel, considéré comme un Nobel de mathématiques. Sa créativité était peut-être liée à sa schizophrénie. © Wikipédia, Peter Badge, CC by-sa 3.0

    David Cultler, professeur assistant au département de génétique humaine de l'université Emory à Atlanta, note pour sa part que « les résultats sont robustes mais très limités ». Il ajoute que les gènesgènes impliqués dans la schizophrénie et les troubles bipolaires sont « probablement impliqués dans toutes sortes de fonctions neurologiques et cognitives, et pas uniquement dans celles liées aux capacités artistiques ».