La nicotine, substance présente dans le tabac, protégerait des formes sévères du SARS-CoV-2. C'est l'hypothèse, émise par plusieurs chercheurs d'institutions françaises, basée sur des chiffres déroutants : il y a environ 5 % de fumeurs parmi les patients Covid-19 contre 25 % dans toute la population française.


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    Un communiqué de presse, publié conjointement par l'Académie des Sciences, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris et Sorbonne Université, propose un candidat étonnant pour prévenir et guérir le Covid-19 : la nicotine.

    Si associer une maladie qui provoque des détresses respiratoires à la nicotine, et donc au tabac, semble curieux, cette hypothèse s'appuie sur des observations faites dans des études chinoises, dont une parue dans NEJM, depuis les premières heures de l'épidémie. Les fumeurs sont bien moins représentés parmi les malades du Covid-19 que dans la population générale.

    Comme beaucoup de travaux scientifiques sur le Covid-19, celui-ci est prépublié, sur le site Qeios, et nécessite une relecture par ses pairs. Ces résultats sont donc à prendre avec précaution.

    Ils ne signifient pas non plus qu'il faut augmenter ou commencer une consommation tabagique, ni se procurer des patchs à la nicotine pour espérer guérir ou prévenir le Covid-19. Le tabagisme est mortel et tue environ 73.000 personnes en France chaque année, soit trois fois plus que l'épidémie de coronavirus dans son état actuel.

    Moins de fumeurs parmi les patients atteints du Covid-19

    Les scientifiques ont étudié le profil de 349 patients testés positifs au SARS-CoV-2 et dont l'état nécessite une hospitalisation et 139 patients, également positifs au coronavirus, mais dont l'état ne nécessite qu'une prise en charge ambulatoireambulatoire. Les patients ont été suivis à la Pitié-Salpêtrière.

    Au sein de cette cohortecohorte, 5,3 % des patients hospitalisés, hommes et femmes confondus, sont des fumeurs réguliers. Ils sont 4,4 % parmi ceux dont l'état était moins sévère. Contre 25,4 % de la population française globale.

    Selon l'hypothèse des chercheurs, qui doit être encore rigoureusement éprouvée, c'est la nicotine qui protégerait les fumeurs du Covid-19. 

    Le profil des patients étudiés à la Pitié-Salpêtrière et leur habitude tabagique. © Miyara et al.
    Le profil des patients étudiés à la Pitié-Salpêtrière et leur habitude tabagique. © Miyara et al.

    Coronavirus et récepteur nicotinique

    La nicotine est un alcaloïdealcaloïde extrait du tabac qui se fixe sur les récepteurs nicotiniques (α-1) présents au niveau des synapsessynapses neuromusculaires. C'est un agonisteagoniste de l'acétylcholineacétylcholine, qui se fixe sur les mêmes récepteurs nicotiniques. L'acétylcholine se fixe aussi sur d'autres récepteurs cholinergiquescholinergiques appelés les récepteurs muscariniques.

    Or, plusieurs indices suggèrent que le SARS-CoV-2 est capable d'infecter le système nerveux centralsystème nerveux central. « Le SARS-CoV-2 pourrait se propager à partir de la muqueusemuqueuse olfactive, puis des neuronesneurones du tronc cérébraltronc cérébral, allant dans certains cas jusqu'aux centres respiratoires », indique le communiqué de presse.

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    Le SARS-CoV-2 affecterait aussi le cerveau

    De plus, selon les chercheurs, des protéinesprotéines présentes à la surface du virusvirus auraient des motifs similaires à ceux retrouvés sur la glycoprotéineglycoprotéine du virus de la ragerage, un virus neurotropeneurotrope qui se fixe sur les récepteurs nicotiniques de la jonction neuromusculaire.

    La nicotine empêcherait donc la fixation du coronavirus SARS-CoV-2 et limiterait sa progression dans l'organisme et l'aggravation des symptômessymptômes. Elle aurait également un effet sur la réponse inflammatoire et la tempêtetempête de cytokinecytokine si délétère dans les formes sévères. Les macrophagesmacrophages, cellules de l'immunité innée sécrétrices de cytokines pro-inflammatoires, possèdent également des récepteurs nicotiniques (α-7) mais différents de ceux de la jonction neuromusculaire.

    Évidemment, cette histoire doit être étayée par des recherches scientifiques plus poussées. Si ce ne sont que des hypothèses préliminaires et les premières recherches sur le sujet, les chercheurs indiquent que des études cliniquesétudes cliniques sont en cours pour évaluer l'impact de la nicotine, ou d'autres substances agissant sur les mêmes récepteurs, sur l'infection par SARS-CoV-2.

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