Si le coronavirus se propage si facilement, c’est que de nombreuses personnes contaminées restent asymtomatiques. D’après une nouvelle étude, la protéine de pointe du virus aurait la capacité de supprimer le signal de la douleur, rendant la maladie moins sévère lors de l’infection.


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    Combien de personnes sont asymptomatiques au coronavirus ? 17 à 25 %, comme le suggère une récente méta-étude ? 86 %, comme l'affirme une étude britannique portant sur 36.000 personnes ? Toujours est-il que le virus passe sous le radar chez de nombreuses personnes. Et même chez les patients qui développent des symptômes, la période d'incubation peut aller jusqu'à 14 jours. Comment alors s'y prend le virus pour passer incognito dans l'organisme ? D'après des chercheurs de l'université de médecine de l'Arizona, le Sars-Cov-2 aurait la capacité de supprimer la douleur, en se fixant sur un récepteur spécifique.

    « Dans les premiers stades de la Covid-19Covid-19, vous vous promenez comme si de rien n'était parce que votre douleur a été supprimée, atteste Rajesh Khanna, l'un des auteurs de l'étude parue dans le journal Pain. Si nous pouvons prouver que c'est ce soulagement de la douleur qui fait que la Covid-19 se propage davantage, cela a une valeur énorme ».

    La protéine de pointe du Sars-Cov-2 se lie au récepteur de la neuropiline, ce qui inhibe le signal de douleur. © Juan Gärtner, Adobe Stock
    La protéine de pointe du Sars-Cov-2 se lie au récepteur de la neuropiline, ce qui inhibe le signal de douleur. © Juan Gärtner, Adobe Stock

    Un nouveau récepteur pour le Sars-Cov-2

    Le virus infecte les cellules hôtes par l'intermédiaire de récepteurs situés sur la membrane cellulairemembrane cellulaire. Pour le Sars-Cov-2, les chercheurs ont établi depuis le début de la pandémiepandémie que la protéineprotéine de pointe du virus utilise le récepteur de l'enzymeenzyme de conversion de l'angiotensineangiotensine 2 (ACE2) pour pénétrer dans l'organisme.

    Deux articles publiés récemment sur le serveurserveur bioRxiv ont cependant suggéré que la neuropiline 1 était un second récepteur. Or, ce récepteur sert d'habitude à signaler la douleur par l'intermédiaire du VEGF-A (facteur de croissancefacteur de croissance endothélial vasculaire A). Cette protéine joue un rôle essentiel dans la croissance des vaisseaux sanguins mais agit aussi comme une clé en se liantliant au récepteur de la neuropiline, ce qui déclenche l'hyperexitabilité des neuronesneurones et la douleur.

    En prenant la place du VEGF-A, la protéine de pointe du virus annihile son effet et supprime le signal de la douleur. Une étude parue en juin dans Nature confirme d'ailleurs que les patients asymptomatiques à la Covid-19 ont un taux de VEGF-A inférieur à celui des personnes symptomatiques.

    La protéine de pointe du Sars-Cov-2 inverse complètement le signal de douleur

    Afin de tester leur hypothèse, Rajesh Khanna et ses collègues ont réalisé des expériences chez la souris, en déclanchant la douleur avec le VEGF-A, puis ont introduit la protéine de pointe du Sars-Cov-2. « Quelle que soit la qualité de protéine de pointe, celle-ci a complètement inversé le signal de douleur », indique Rajesh Khanna. Cette découverte pourrait non seulement servir à expliquer pourquoi autant de personnes restent asymtomatiques, mais aussi constituer une nouvelle voie de traitement contre la douleur.

    Inattendue, cette piste pour lutter contre la douleur 

    En effet, il existe déjà des médicaments inhibiteurs de la neuropiline, comme le Vesencumab utilisé dans certaines formes de cancercancer. « D'un côté, nous avons une pandémie, et de l'autre, nous avons un vrai problème de surconsommation d'opiacés. Nos découvertes ont des implications massives pour les deux. La Covid-19 nous indique que la neuropiline pourrait être une nouvelle méthode non opiacée pour lutter contre la douleur », explique Rajesh Khanna.

    Reste à expliquer la variabilité des symptômes entre les patients du Sars-Cov-2 : pourquoi certains souffrent de maux de tête intenses, de fatigue perpétuelle et de douleurs musculaires quand d'autres ne ressentent pas le moindre signe ? Toujours est-il que la grande proportion de patients asymptomatiques est un facteur clé de la propagation insidieuse du virus.