Même à Manáus, au Brésil, où les trois quarts de la population avaient déjà été infectés, une deuxième vague fait rage. Comment expliquer que l’épidémie continue malgré tout à se propager ? Et si l’immunité collective est une illusion, va-t-on vers des reconfinements interminables ?


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    Le 25 janvier, Joe Biden a annoncé que les États-Unis se rapprocheraient de l'immunité collective « d'ici l'été », affichant sa confiance dans le déploiement de la campagne vaccinale. Début janvier, le ministre de la santé, OlivierOlivier Véran, se déclarait « convaincu qu'on atteindra [en France] un bon taux d'immunité collective ». « Le virus arrêtera de circuler de façon épidémique quand au moins la moitié des personnes auront été immunisées », renchérissait le 4 janvier dernier sur France Info le professeur Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique.

    Le saviez-vous ?

    L’immunité collective, ou immunité de groupe, correspond au moment où lorsqu’un nouvel individu est infecté par un pathogène au sein d’une population, le pathogène ne se transmet plus en raison d’un trop grand nombre de personnes déjà immunisées, par infection naturelle ou par un vaccin. Ce niveau dépend du taux de reproduction de la maladie (R0), mais l'on estime qu’il est d’environ 60 à 70 % pour la Covid.

    Tous ces experts feraient bien de se méfier. Car d'autres avant eux ont cru à cette fameuse immunité collective qui n'est jamais venue. Le 26 avril 2020, l'ambassadeur de Suède aux États-Unis, Karin Ulrika Olofsdotter, déclarait que Stockholm serait en mesure d’atteindre l’immunité collective « d'ici le mois prochain ». Résultat : le pays connait une explosion du nombre de cas depuis octobre, et particulièrement dans la capitale.

    En août dernier, l’épidémiologiste Trevor Bedford avait spéculé sur un effet de l'immunité collective pour expliquer la chute des nouveaux cas en Floride, au Texas et en Arizona. Trois États qui ont connu un fort rebond de l'épidémie en novembre. Encore plus intéressant, le cas de Manáus au Brésil où 76 % de la population aurait été infectée entre mars et novembre selon une étude de l'université de São Paulo. Une proportion en théorie largement suffisante pour bloquer la propagation du virus. Pourtant, les hôpitaux de la ville voient affluer les malades depuis début janvier.

    Quatre raisons pour lesquelles l’immunité collective ne marche pas

    Mais alors, comment expliquer l’échec du concept d’immunité collective ? Est-il définitivement illusoire ? Une étude publiée le 27 janvier dans The Lancet se penche sur le mystère brésilien et avance quatre explications possibles. La première est que le taux de 76 %, extrapolé sur la base des cas de sujets infectés, aurait été surestimé. Cependant, même en prenant les vrais chiffres des tests sérologiquestests sérologiques positifs (52,5 % en juin), on aurait dû arriver à un taux d'infections suffisamment protecteur.

    Malgré 76 % de la population immunisée, Manáus au Brésil fait face à une deuxième vague inquiétante. © Andrea, Adobe Stock
    Malgré 76 % de la population immunisée, Manáus au Brésil fait face à une deuxième vague inquiétante. © Andrea, Adobe Stock

    Deuxième hypothèse : l'immunité collective a déjà largement décliné du fait d'une baisse du taux d'anticorps après la première infection. Là encore, c'est peu probable car plusieurs études ont montré que le niveau d'anticorps restait suffisant pendant des mois. Une étude publiée dans Science estime ainsi que la mémoire immunitaire perdure au moins 8 mois et certains pensent qu’elle pourrait durer « des années ».

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    La troisième hypothèse est celle des nouveaux variants qui pourraient échapper au système immunitaire. Deux variants (B.1.1.7, dit variant britannique et P.1) ont ainsi été identifiés à Manáus, et l'on a déjà observé un cas de réinfection d'une personne déjà immunisée par ce nouveau variant P.1.  De plus, un autre variant, porteur de la mutation E484K, circule au Brésil. Or, cette mutation semble associée à une moindre capacité de neutralisation par les anticorps. Enfin, la quatrième hypothèse est celle d'une plus forte contagiosité des lignées circulant aujourd'hui. Le variant P.1 était ainsi absent des échantillons collectés à Manáus entre mars et novembre, et représentait 42 % des échantillons collectés en décembre.

    L’épidémie de Covid est-elle interminable ?

    Cela signifie-t-il que l'immunité collective ne pourra jamais être atteinte et que l'épidémie continuera à progresser et à se répéter inexorablement ? Quelques espoirs subsistent quand même pour éviter ce sombre scénario. D'abord, l'immunité vaccinale semble être supérieure à celle conférée par l'immunité naturelle, selon une étude menée par le CHU de Toulouse (95 % pour le vaccinvaccin PfizerPfizer-BioNTech contre 85 % pour l'immunité naturelle). Une autre étude israélienne montre que les patients vaccinés développent jusqu'à 20 fois plus d'anticorps que ceux qui se sont rétablis du coronaviruscoronavirus.

    Et quand bien même l'efficacité du vaccin s'amoindrirait à cause des variants, elle devrait être suffisante pour enrayer la propagation. De plus, on peut espérer que, même en étant réinfecté une deuxième fois par le virus ou un variant, on développe une forme moins grave de la maladie, ce qui suffirait à éviter l'engorgement des hôpitaux et donc un reconfinement.