Comment les cellules cancéreuses circulent-elles pour former des métastases ? Des chercheurs viennent enfin de découvrir un des mécanismes mis en jeu dans ce phénomène. Leurs résultats devraient un jour permettre de mieux contrôler et inhiber la dissémination des tumeurs dans l’organisme.

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    Représentant près de 15 % des cancers du sein, les cancers triples négatifs sont très agressifs. Ils ont notamment un risque de métastases plus élevé et un pronostic plus défavorable que les autres. © Annie Cavanagh, Flickr, Wellcome Images, cc by nc nd 2.0

    Représentant près de 15 % des cancers du sein, les cancers triples négatifs sont très agressifs. Ils ont notamment un risque de métastases plus élevé et un pronostic plus défavorable que les autres. © Annie Cavanagh, Flickr, Wellcome Images, cc by nc nd 2.0

    Comprendre comment les cellules cancéreuses se détachent, s'infiltrent dans les tissus puis migrent à distance pour former des métastases constitue un enjeu majeur de la cancérologiecancérologie. C'est pourquoi l'Institut Curie a lancé en 2011 un programme incitatif et coopératif intitulé « Cancer du sein : invasion et motilité », afin de mettre des moyens importants à la disposition des équipes qui se battent sur ce terrain. Dans une étude publiée dans les Pnas, des chercheurs de l'Inserm et du CNRS ont découvert un des mécanismes qui permet aux cellules cancéreuses de se disséminer.

    C'est sur l'une des formes de cancer du sein les plus agressives à ce jour, les cancers du sein triples négatifs, que porteporte leur découverte. « Ces cancers du sein sont dénués de récepteurs aux œstrogènesœstrogènes et à la progestérone, et ne surexpriment pas HER2, un récepteur pour des facteurs de croissance », explique Anne Vincent-Salomon, médecin à l'institut Curie. « Les femmes porteuses de ce type de cancer ne peuvent donc bénéficier ni d'une hormonothérapie ni d'un traitement ciblé anti-HER2 comme l'Herceptin. »

    Ce zoom de l’intérieur d’une cellule permet de visualiser la suite de réactions entre diverses protéines déclenchées par PKCλ. Cette dernière contrôle le trafic de la protéase MT1-MMP (en rouge) en activant l’association de la cortactine (en vert) avec la dynamine 2 (en bleu). Cette suite de réactions est nécessaire pour permettre à la cellule de se séparer de ses voisines et d’aller envahir d’autres tissus. © Carine Rossé, Philippe Chavrier, institut Curie

    Ce zoom de l’intérieur d’une cellule permet de visualiser la suite de réactions entre diverses protéines déclenchées par PKCλ. Cette dernière contrôle le trafic de la protéase MT1-MMP (en rouge) en activant l’association de la cortactine (en vert) avec la dynamine 2 (en bleu). Cette suite de réactions est nécessaire pour permettre à la cellule de se séparer de ses voisines et d’aller envahir d’autres tissus. © Carine Rossé, Philippe Chavrier, institut Curie

    Deux cibles pour inhiber les métastases

    Au cours de leurs travaux, les chercheurs ont découvert comment les cellules de ces cancers du sein brisent les liens qui les relient à leur tissu d'origine. « Pour s'échapper, les cellules tumorales doivent creuser un tunnel dans la membrane basalemembrane basale qui délimite la glandeglande mammaire », explique Philippe Chavrier, directeur de recherche au CNRS. Son équipe a montré que la protéineprotéine PKCλ et la protéaseprotéase MT1-MMP étaient des moteurs de l'invasion cellulaire. En effet, si on éteint PKCλ dans des lignées de cellules issues de cancers du sein agressifs, l'approvisionnement en MT1-MMP au niveau de la surface des cellules est bloqué et l'invasion cellulaire n'est plus possible.

    Grâce au centre de ressources biologiques de l'institut Curie, où sont conservés près de 60.000 échantillons de tumeurs, les chercheurs ont étudié ces protéines directement dans des prélèvements tumoraux. « Nous montrons, dans les cancers du sein, des corrélations d'expression entre ces deux protéines, associées à un pronosticpronostic défavorable », raconte le chercheur. « Nous avons également identifié un mécanisme dans lequel ces deux protéines fonctionnent de concert pour augmenter le pouvoir invasifinvasif des cellules tumorales mammaires. »

    Ainsi, les chercheurs viennent de franchir une étape essentielle pour identifier précocement les tumeurstumeurs au fort pouvoir invasif, voire pour envisager de bloquer la formation des métastases. « Nous avons identifié des cibles intéressantes pour d'éventuels traitements, mais elles restent à valider », tempère Philippe Chavrier. Viendra donc ensuite le temps de la mise au point de médicaments capables d'enrayer ces mécanismes avec l'aide des chimistes.