Une étude menée sur des rats révèle qu’une femelle ayant connu un stress dans sa vie, avant même la conception de ses petits, altère chez elle et ses descendants l’expression d’un des principaux gènes impliqués dans la réponse à une situation anxiogène. Mais l’histoire de vie peut annihiler ces effets.

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    Après la découverte de l'ADN et de son implication dans l'hérédité, on a longtemps pensé que la transmission des caractères passait uniquement par cette voie-là. Une façon de voir qui colle parfaitement avec la théorie de l’évolution telle qu'explicitée par Charles DarwinCharles Darwin, et qui donne tort à l'hypothèse transformiste de Jean-Baptiste de Lamarck, plus ancienne.

    Mais depuis, les connaissances ont évolué et, bien que l'on accorde toujours un rôle fondamental au code génétique dans l'hérédité, on s'est peu à peu rendu compte que certains caractères, a priori non transmissibles, pouvaient pourtant se retrouver dans la génération suivante. C'est le cas du stress par exemple. De nombreuses études, menées aussi bien chez l'Homme que l'animal, ont montré qu'une mère ayant vécu une expérience traumatisante donnait naissance à des enfants plus facilement stressés. Est-ce une histoire d'éducation ou y a-t-il quelque chose de plus profond ?

    Des chercheurs israéliens de l'université d’Haïfa viennent d'apporter des éléments de réponse à cette question dans la revue Biological Psychiatry. Car au-delà de la génétique, le stress altère l'épigénétique, ou la façon dont s'expriment les gènes, au moins chez les rats. Une nouvelle preuve pour ne pas enterrer l'idée de Lamarck trop tôt.

    Une rate stressée peut donner naissance à des petits potentiellement stressés. Heureusement, si la vie de cette seconde génération est calme et paisible, alors les effets disparaissent. © Pemelet, Wikipédia, DP

    Une rate stressée peut donner naissance à des petits potentiellement stressés. Heureusement, si la vie de cette seconde génération est calme et paisible, alors les effets disparaissent. © Pemelet, Wikipédia, DP

    La surexpression de Crf1, une histoire de famille

    Si les rongeursrongeurs ont fait office de cobayes, cette recherche s'est principalement focalisée sur les niveaux d'expression d’un gène, nommé Crf1. Son implication dans l'anxiété a longuement été étudiée, et l'on sait qu'il induit la sécrétion d'une hormone du stress, la corticotropine, lorsqu'il est stimulé.

    Des ratesrates ont été placées dans une situation de stress chronique au cours de leur adolescenceadolescence et avant l'accouplementaccouplement. Les résultats révèlent que ces femelles anxieuses expriment davantage Crf1 dans le cortexcortex frontalfrontal (cerveaucerveau) et les ovulesovules, par rapport à leurs congénères ayant connu une jeunesse tranquille.

    Cela n'est pas sans conséquence. Car à la naissance, les ratons nés d'une femelle stressée présentent également une surexpression de Crf1 au niveau du cortex frontal. Une propension plus grande à l'anxiété ? Les tests comportementaux et émotionnels révèlent effectivement des différences en défaveur des rongeurs femelles dont la mère était stressée. Cependant, à l'âge adulte, si l'existence n'a pas été particulièrement anxiogène, les niveaux d'expression de Crf1 se normalisent. Les auteurs suggèrent donc que le stress peut effectivement être transmis selon un mode épigénétique à la génération suivante. Mais l'environnement personnel semble malgré tout en mesure d'annihiler ce désavantage constaté à la naissance.