Notre alimentation façonne notre corps, jusque dans ses moindres recoins. Une étude vient de montrer que notre flore intestinale dépend spécifiquement de la composition de nos repas. Une porte entrebâillée sur un monde nouveau dont l’influence sur notre santé reste à découvrir.

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    Prevotella intermedia est une des bactéries intestinales prépondérantes dans un des assemblages identifiés par les chercheurs. © DR

    Prevotella intermedia est une des bactéries intestinales prépondérantes dans un des assemblages identifiés par les chercheurs. © DR

    « Nous sommes ce que nous mangeons ». Pour les chercheurs de l'université de Pennsylvanie, le proverbe prend un nouveau sens. Leur étude montre en effet que le type de communautés bactériennes intestinales est directement lié à nos habitudes alimentaires.

    Des études précédentes, menées entre autres par des chercheurs de l’Inra impliqués dans le projet MetaHIT, avaient mis en évidence que les êtres humains se divisaient en trois grands types, selon les espècesespèces de micro-organismes en symbiose dans leur intestin. Les trois entérotypes (ou signatures bactériennes intestinales) identifiés se composaient soit de Bacteroides, soit de Ruminococcus, soit de Prevotella. Gary Wu et son équipe ont voulu savoir si l'alimentation expliquait cette différence.

    Beaucoup de bactéries fécales, comme la fameuse <em>Escherichia coli</em> vue ici au microscope, sont pathogènes si elles sortent du colon. Mais elles sont bénéfiques si elles restent confinées dans notre intestin où elles participent à la digestion. © DR
     
    Beaucoup de bactéries fécales, comme la fameuse Escherichia coli vue ici au microscope, sont pathogènes si elles sortent du colon. Mais elles sont bénéfiques si elles restent confinées dans notre intestin où elles participent à la digestion. © DR

    Les biologistes ont d'abord demandé à une centaine de personnes de noter la composition de leurs repas. À partir d'un type d'ADN (ADNr 16S) retrouvé dans leurs selles, ils ont pu déterminer quels étaient les hôtes de leurs estomacs respectifs. Deux des entérotypes précédents ont ainsi pu être identifiés et reliés à deux types d'alimentation : Bacteroides se développe chez les sujets dont l'alimentation est riche en viande et en graisse animale et Prevotella, à l'inverse, trouve son bonheur dans les reliefs de repas pleins de sucres. L'assemblage où Ruminococcus est prépondérant, lui, apprécie les gros buveurs d'alcool.

    Mais les chercheurs sont allés plus loin. Ils ont voulu comprendre si l'installation d'un type de flore intestinale plutôt qu'un autre était durable ou au contraire versatile, changeant rapidement avec les aliments consommés.

    Pas de bouleversement rapide des populations bactériennes

    Ils ont pour cela contrôlé l'alimentation d'une dizaine de volontaires durant dix jours. La moitié d'entre eux étaient contraints de suivre un régime riche en graisses et pauvre en fibres quand l'autre moitié consommait l'inverse. Dès les premières 24 heures, des changements ont été détectés, marquant une adaptation. Mais même au bout des dix jours du test, le type global de flore est resté le même. Il n'y a pas eu de basculement vers l'autre écosystèmeécosystème.

    Bacteroides ou Prevotella, nos microassociés intestinaux dépendent donc pour les chercheurs de nos habitudes alimentaires sur le long terme et ne sont affectés que faiblement par des modifications passagères de notre nourriture.

    Si elle apporte quelques réponses, les biologistes sont conscients que l'étude lève à peine le voile sur les mécanismes qui sous-tendent les interactions entre les milliards de bactériesbactéries de notre intestin et notre corps. L'action bénéfique de certaines espèces plutôt que d'autres, leur rôle possible dans le déclenchement ou la protection contre certaines maladies, sont encore totalement inconnus. Mais cela reste un exemple de plus de l'action de l'influence majeure que peut avoir l'alimentation sur notre corps, donc notre santé.