Jusqu'à présent, les scientifiques pensaient que la diversification des poissons avait commencé par leur corps, à la suite des extinctions du Dévonien et du Crétacé. Mais selon une nouvelle étude, c'est leur tête qui aurait eu en premier les faveurs de l'évolution, guidée par leur régime alimentaire.

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    Les poissons, groupe représenté par environ 28.000 espèces, n'auraient pas évolué comme on le pensait. © IRD

    Les poissons, groupe représenté par environ 28.000 espèces, n'auraient pas évolué comme on le pensait. © IRD

    Des travaux menés par Lauren Sallan de l'université de Chicago et Matt Friedman de celle d'Oxford ont mis à mal les théories en place sur les changements phénotypiques des espècesespèces après une explosion radiative (forte augmentation de la biodiversitébiodiversité suite à une extinction de masseextinction de masse). Selon ces recherches, publiées dans Proceedings of the Royal Society B, les principales variations anatomiques ont d'abord eu lieu au niveau de la tête, et seulement ensuite, sur le reste du corps.

    Jusqu'à présent, pourtant, les théories étaient tout autres. Deux dominaient :

    • la première concerne tous les animaux et considère que suite aux principales explosions radiativesexplosions radiatives, une forte diversification anatomique s'est d'abord opérée, puis s'est ensuite estompée ;
    • la seconde (en réalité, un ensemble de modèles menant à des conclusions similaires), qui ne concerne que les vertébrésvertébrés, suppose que les variations ont eu lieu dans un premier temps au niveau du corps des animaux, les caractéristiques de la tête ayant changé dans un second temps. Selon cette théorie, ce sont les conditions d'habitat qui ont guidé l'évolution des caractères.

    Le régime alimentaire comme pression de sélection

    À la fin du Dévonien, il y a environ 370 millions d'années, a eu lieu une des plus importantes extinctions de masse, qui a surtout frappé la vie aquatique. Suite à cette extinction, les poissonspoissons actinoptérygiensactinoptérygiens notamment, à partir des survivants, se sont fortement diversifiés afin d'occuper les niches écologiques libérées par les organismes ayant succombé. Il en va de même pour les premiers acanthomorphes (poissons téléostéens) à la suite de l'extinction à la fin du Crétacé (celle qui fit également disparaître les dinosaures il y a 65 millions d'années). 

    Le piranha possède des dents pointues et une mâchoire puissante qui témoignent d'un régime alimentaire carnivore. © Ayahuasca in San Francisco, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Le piranha possède des dents pointues et une mâchoire puissante qui témoignent d'un régime alimentaire carnivore. © Ayahuasca in San Francisco, Flickr, cc by nc sa 2.0

    C'est en étudiant l'évolution des caractères après ces extinctions que la communauté scientifique avait abouti au paradigme « habitat en premier » qui considère que c'est l'adaptation à de nouveaux milieux de vie qui a guidé l'évolution au cours de ces périodes, se traduisant par des variations morphologiques du corps.

    Modifications de l'anatomie de la tête puis du corps

    Mais en analysant les fossilesfossiles des poissons actinoptérygiens à leur disposition, les scientifiques sont parvenus à une conclusion différente, même inverse. Selon eux, c'est la morphologie de la tête qui a été sujette une forte variation : l'évolution de la mâchoire, l'apparition de dents pointues ou encore de dents contondantes qui permettent de mâcher, indiquant un régime alimentaire carnivorecarnivore.

    Puis dans un deuxième temps, le reste du corps a subi des modifications importantes : changement de la taille du corps, de sa morphologie (allongement), etc. Ce n'est donc pas le milieu qui aurait joué le rôle de pressionpression de sélection, mais plus probablement le régime alimentaire.

    Impossible de généraliser, cependant, précise Lauren Sallan. Si le modèle « tête en premier » semble s'appliquer aux poissons après le DévonienDévonien et le CrétacéCrétacé, les événements se sont peut-être déroulés inversement suite aux autres radiations. De plus, le reste des organismes a sans doute suivi un schéma différent. On peut également s'attendre à des disparités en fonction de la zone géographique. Des analyses au cas par cas permettront d'en savoir davantage.