Une enzyme de la famille des sirtuines, nommée SIRT6, allongerait l’espérance de vie de 16 % des souris mâles lorsqu'elle est surexprimée, tandis qu’elle n’a pas d’effet chez les femelles. Toutes les questions n'ont pas encore trouvé leurs réponses, et on ignore encore si des résultats équivalents pourraient être retrouvés chez l'Homme.

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    Les souris ont une espérance de vie d'environ deux ans. Mais la présence importante de SIRT6 pourrait rallonger la durée de vie des mâles. De nombreuses questions doivent trouver leurs réponses avant qu'on ne s'imagine appliquer ce procédé à l'Homme. © Jepoirrier, Flickr, cc by sa 20

    Les souris ont une espérance de vie d'environ deux ans. Mais la présence importante de SIRT6 pourrait rallonger la durée de vie des mâles. De nombreuses questions doivent trouver leurs réponses avant qu'on ne s'imagine appliquer ce procédé à l'Homme. © Jepoirrier, Flickr, cc by sa 20

    Les sirtuines, des enzymesenzymes encore bien mal comprises, sont devenues célèbres en 1999 lorsque des chercheurs ont remarqué que l'une d'entre elles, Sir2, prolongeait la durée de vie des levureslevures de 30 %. On a donc voulu savoir si l'on observait le même résultat chez des animaux. Le ver Caenorhabditis elegansCaenorhabditis elegans et la mouche drosophiledrosophile ont figuré parmi les cobayes, et ont montré des résultats qui allaient dans le même sens, même si pour le nématode au moins, un biais expérimental révélé en 2010 a remis en cause les données. Mais ces modèles vivants restent encore bien éloignés phylogénétiquement de nous, et une extrapolation à l'Homme en devient bien trop hasardeuse.

    Les mammifèresmammifères possèdent quant à eux sept sirtuines différentes, de SIRT1 à SIRT7. Quelques études se sont déjà focalisées sur la SIRT6 chez des rongeursrongeurs. Ainsi, des souris avec des taux élevés pouvaient être nourries par un régime riche en graisse sans présenter les pathologies liées à l'obésité (maladies cardiovasculaires, atteintes hépatiques, diabète...). D'autres souris avec un taux bas de cette enzyme vivaient moins longtemps. Pour les rats dont on restreignait l'apport calorique, leur duréedurée de vie a été augmentée, ainsi que leur taux de SIRT6.

    Cette fois, des chercheurs de l'université Bar-Ilan (Israël) ont décidé de laisser vivre leurs souris normalement, tout en observant l'effet de SIRT6 sur la longévité. Ils ont modifié génétiquement une lignée de rongeurs de manière à ce qu'ils surexpriment le gène à l'origine de la protéineprotéine. Des souris sauvages ont été utilisées pour établir la comparaison. Et les résultats, publiés dans Nature, ont de quoi surprendre : les mâles avec un taux élevé de SIRT6 ont vécu 16 % plus longtemps que leurs congénères, y compris les femelles génétiquement modifiées.

     <br />Les sirtuines sont des enzymes que l'on retrouve aussi bien chez les organismes procaryotes que chez les eucaryotes. Elles agissent au niveau épigénétique, en régulant les histones, ces protéines qui permettent de compacter l'ADN. Ici, il s'agit de la représentation 3D de Sir2, une sirtuine extraite de la levure. © Boghog2, Wikipédia, DP
     
    Les sirtuines sont des enzymes que l'on retrouve aussi bien chez les organismes procaryotes que chez les eucaryotes. Elles agissent au niveau épigénétique, en régulant les histones, ces protéines qui permettent de compacter l'ADN. Ici, il s'agit de la représentation 3D de Sir2, une sirtuine extraite de la levure. © Boghog2, Wikipédia, DP

    SIRT6 et son lot de mystères

    La situation n'est pas vraiment claire, y compris pour les auteurs de l'étude. Ils tentent d'expliquer les divergences de résultats entre les genres par le fait que les mâles ont un taux de tumeurtumeur plus élevé que les femelles, et donc que l'enzyme pourrait avoir un rôle de suppresseur de tumeurs qui rééquilibrerait la balance. Ainsi, ils expliquent partiellement quel pourrait être le mode d'action cellulaire de SIRT6. Mais seules des investigations ultérieures pourront apporter des réponses précises.

    La communauté scientifique accueille avec prudence ces résultats. Des chercheurs rappellent qu'on a déjà remarqué des différences de longévité entre souris génétiquement identiques et élevées dans les mêmes conditions. Ils jugent aussi que les 245 animaux utilisés représentent un panel un peu mince et qu'il faudrait réitérer l'expérience avec des milliers d'individus pour des statistiques plus fortes.

    Si l'effet vient à être confirmé chez les rongeurs, on pourrait être tenté de faire le parallèle avec l'espèce humaine, elle aussi dotée de l'enzyme SIRT6. Cependant, il reste de nombreuses questions sans réponses et il faudra de longues années de recherches pour obtenir des pistes satisfaisantes.