Les effets du changement climatique sont désormais partout visibles, à commencer par ses conséquences sur l’agriculture. Face au manque d’eau, aux pressions sur la biodiversité, à l’appauvrissement des sols, aux événements extrêmes, le secteur évolue par le recours à de nouvelles techniques et pratiques agroécologiques, adaptées localement. De quoi s’agit-il ? Quels en sont les bienfaits, les effets ? Tour d’horizon d’un mouvement qui s’étend et poursuit sa construction partout dans le monde, avec l’avenir de l’alimentation en toile de fond.  


au sommaire


    Un chapeau de paille vissé sur le tête, l'agriculteur vérifie la croissance de ses semences anciennes au milieu de son champ en semis direct sous couvert. On est bien loin des habitudes et circuits traditionnels de l'agriculture conventionnelle. Le cliché n'est jamais loin : pourtant l'agroécologie est en passe de rebattre les modèles agricoles actuels, non soutenables.

    Qu’est-ce que l’agroécologie ?

    À la fois domaine scientifique, corpus de pratiques agricoles et mouvementmouvement social, l'agroécologie et sa définition ont évolué au cours des 10 dernières années, en s'inscrivant dans la logique du développement durable. La nécessité d'agir face aux effets du changement climatiquechangement climatique (baisse de la biodiversité, événements extrêmes, etc.) lui donne désormais une portée nouvelle. On parle souvent d'agriculture raisonnée ou agriculture durable lorsque l'on évoque l'agroécologie. À juste titre, même si la notion apparaît plus large.

    L'agroécologie serait-elle un simple mix entre écologie et agronomie ? Pas si simple non plus, car les finalités sont à prendre en compte. Sous le vocable de « smart agriculture », ou agriculture soutenable, les attendus posés aux chercheurs et acteurs des filières agricoles se font plus clairs. Si l'on veut résumer, l'ambition de l'agroécologie réside dans la volonté, à l'échelle d'agrosystèmes donnés, de valoriser les processus biologiques pour couvrir  :

    • les attentes de production ; 
    • l'ensemble des services écosystémiques fournis ;
    • la pérennité des fonctionnalités écologiques en long terme.

    Pris dans des acceptions plus ou moins fortes, l'agroécologie induit des actions d'optimisations (précision des pratiques, usage des ressources, rapports aux intrantsintrants, etc.) mais peut aller beaucoup plus loin. L'approche peut en effet conduire à une nouvelle conception de système agricole, par de nouvelles articulationsarticulations entre types de pratiques, organisation de filières et approche territoriale, etc.    

    Preuve de l'importance stratégique prise par l'agroécologie, de plus en plus de plans d'actions territoriaux de collectivités en font mention. L'INRA, devenu INRAE, a classé la thématique parmi les domaines prospectifs à explorer, inscrit à son plan d'action #INRA2025. Un rapport intitulé « Réflexion prospective interdisciplinaire pour l’agroécologie » en dresse un bilan exhaustif.

    L'agroécologie incite à l'invention de nouveaux systèmes agricoles, par de nouvelles articulations entre types de pratiques, organisation de filières et approche territoriale. © Jürgen Fälchle, Adobe Stock
    L'agroécologie incite à l'invention de nouveaux systèmes agricoles, par de nouvelles articulations entre types de pratiques, organisation de filières et approche territoriale. © Jürgen Fälchle, Adobe Stock

    En quoi l’agroécologie est-elle un phénomène social de niveau mondial ?

    L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAOFAO), propose une plateforme de connaissance sur l’agroécologie très fournie. Dans celle-ci, 10 valeurs cardinales fondant ce que l'on nomme agroécologie sont rappelées : efficience, équilibre, diversité, production conjointe de connaissances, recyclagerecyclage, synergiessynergies, valeurs humaines et sociales, économies circulaireséconomies circulaires, traditions culturelles et alimentaires, gouvernance des terresterres et des ressources naturelles.

    L’agroécologie aide à résoudre les problèmes locaux grâce à des solutions adaptées au contexte

    L'agroécologie peut être considérée comme un phénomène social, d'autant que tous les continents voit le mouvement s'amplifier. Par la diversité des métiers concernés et la réunion d'une multiplicité d'approches, d'un mix de savoirs hérités du terrain ou de la science, l'agroécologie forme un mouvement social et sociétal à part entière. Les témoignages de la vidéo (ci-dessous), tournée par la FAO en rendent compte.

    L'agroécologie forme un mouvement social et sociétal. © FAO

    Pourquoi s'adapter aux ressources naturelles, aux sols et aux paysages en agroécologie ?

    S'il est une dimension partagée par tous, c'est la notion d'adaptation des cultures au local. Pour chaque projet, l'étude de la typologie/conservation des sols, la tradition agraire et la volonté de s'appuyer sur des sols vivants, où la nature tient toute sa place, sont intégrées à l'approche agroécologique. La faune et la flore participent activement à l'agrosystème déployé, et en sont même une composante stratégique.

    La présence et la capacité des ressources naturelles mobilisables durablement sont également une donnée majeure de la logique agroécologique. Mais ce n'est pas suffisant : la notion d'agroécologie est plus large et intègre notamment le rapport aux paysages et la place laissée à ceux-ci (taillistaillis, haieshaies, bosquets, bandes herbées, prairies, etc.) dans un agrosystème donné.

    Les résultats du projet Farmland, mené par des chercheurs et agriculteurs à travers toute l'Europe, depuis 2013, donne une juste idée de l'impact de l'agroécologie sur l'écosystèmeécosystème. Il en ressort que l'importance de cultiver de petites parcelles amène une diversité biologique supérieure, mais aussi que les bords de champs (haies, taillis, fossé, etc.) jouent un rôle important dans le service écosystémique visé et le maintien d'une riche biodiversité.

    De quelles techniques agricoles de pointe parle-t-on et comment sont-elles diffusées ?

    Souvent, l'agroécologie est réduite à certaines pratiques. Mais elle consiste aussi et surtout en l'expérimentation puis la diffusiondiffusion de techniques de précision, pour améliorer la pratique quotidienne des agriculteurs vers plus de durabilitédurabilité, sans impacter leur revenu. En somme, préserver leur équilibre économique en exploitant autrement.

    Dans ce cadre, certaines structures sont de véritables vecteurs pour diffuser les principes et former à l'agroécologie : le centre de développement de l’agroécologie de Bourg-en-Bresse, mais aussi la plateforme d’agroécologie d’Auzeville près de Toulouse, sont par exemple très actifs sur les problématiques terrain relevant de l'agroécologie.

    La plateforme d’agroécologie teste actuellement une centaine de démonstrateursdémonstrateurs chez 40 exploitants agricoles partenaires. L'objectif est de tester, mais aussi former et transférer les savoir-faire relatifs à la :

    • gestion durable des sols ;
    • santé et nutrition des plantes ;
    • gestion des adventicesadventices ;
    • gestion de l'eau ;
    • diversification des cultures et structuration de filières locales.

    De très nombreuses journées « bout de champ » de sensibilisation sont proposées, avec des partenariats nombreux, avec les chambres d'agriculture, les associations d'agroforesterieagroforesterie, les agences de l'eau, etc. 

    L’agroécologie peut-elle créer de nouvelles filières et transformer les exploitants agricoles ?

    Au-delà des simples pratiques et de l'adaptation au local, l'agroécologie rebat les cartes de l'équilibre économique des exploitations, et plus largement des filières. L'ouvrage « Agroécologie : des recherches pour la transition des filières et des territoires », publié aux éditions QUAE, en envisage les problématiques et les potentialités, afin de contribuer à une agriculture durable et viable.

    De nombreuses initiatives de territoire incitent également à la mutation, à différentes échelles d'intervention. Plusieurs dispositifs, nationaux et régionaux, incitent à cette transition à l'échelle des filières mais aussi des exploitations. C'est le cas des plans Ambition Bio, des plans de soutien aux filières à bas niveaux d'intrants, ou encore du financement des Mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC).

    À l'heure du changement climatique et de la prise de conscience autour d'un nouveau modèle agricole à bâtir, la web-série Pourquoi/comment produire économe donne la parole aux exploitants agricoles, et montre que l'agroécologie est diverse.

    Pourquoi et comment produire autonome ? © Réseau Civam

    Dernier avataravatar de ce soutien protéiforme, les paiements pour services environnementaux (PSE) issus du Plan national Biodiversité. Le dispositif s'adresse aux agriculteurs, dans les différents bassins hydrologiques. Les PSEPSE reconnaissent le « service rendu » par les exploitations agricoles identifiées pour leurs efforts en matièrematière de préservation de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques, de la protection des sols ou encore de la protection de la biodiversité.