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C’est la curiosité qui est un des principaux moteurs des chercheurs. Mais ils n’en ont pas l’exclusivité, et satisfaire la curiosité des autres est un de leurs devoirs. N’est-ce pas passionnant d’apprendre qu’il y a encore tant de bêtes étranges à découvrir dans les abysses ? Un grand merci à Futura-Sciences pour son action dans le partage du savoir.

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Biographie

Jean Vacelet est un très mauvais exemple de la « mobilité géographique et thématique » prônée par les administrateurs de la recherche. Né à Marseille, il y a fait toutes ses études, et aussi toute sa carrière dans le même laboratoire, la Station Marine d'Endoume - Centre d'Océanologie de Marseille, sur le même sujet.

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Après une licence de sciences naturelles à la Faculté des Sciences de Marseille, il a suivi une spécialisation en Océanographie Biologique à la Station Marine d'Endoume, avec le Professeur Jean-Marie Pérès, en 1955, abandonnant les insectesinsectes pour lesquels il avait une grande passion dès son enfance. Dès son doctorat de 3e cycle d'océanographie biologique passé en 1958, il s'est spécialisé dans l'étude des éponges, dont il a également fait son sujet de thèse de doctorat ès-sciences, sous la direction du Professeur Claude Lévi. Ses premiers contacts avec ces animaux à première vue peu attirants se sont faits au cours de stages de plongée sous-marine organisés pour des étudiants, qui faisaient alors allure de précurseurs.

Sa carrière s'est faite au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) comme chercheur de 1958 à 2001, toujours à la Station Marine d'Endoume. Il est maintenant à la retraite, mais bénéficie de l'Éméritat qui lui permet de poursuivre ses travaux dans ce laboratoire.

Ses domaines d'activité ont été essentiellement l'étude des éponges (ou Spongiaires), envisagées sous des aspects très divers : classification, description d'espècesespèces nouvelles, étude des tissus, de la reproduction, des symbioses avec des micro-organismesmicro-organismes, relations avec des formes fossilesfossiles. Une attention spéciale a été portée aux grottes sous-marines, qui présentent de passionnants points communs avec les milieux bathyaux et abyssaux, et qui ont aussi servi de refuge pour des éponges calcifiées, reliques de groupes fossiles constructeurs de récifs au PaléozoïquePaléozoïque et au MésozoïqueMésozoïque. La zone principale de recherche a été la Méditerranée, mais de nombreuses missions, campagnes océanographiques, séjours en habitat sous-marinssous-marins, l'ont conduit dans bien d'autres océans.

Prix :

· Médaille Prince Albert 1er de Monaco( Prix Mansley-Bendall), 1991.

· Prix Savigny (Académie des Sciences de Paris), 1994.

· Prix des Sciences de la Mer, Académie des Sciences. 2001

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métier

Tout au long de ma carrière, j’ai eu l’occasion de participer à de nombreuses missions plus ou moins éloignées de mon port d’attache à la Station Marine d’Endoume.  Ce sont des sorties de la journée ou de la demi-journée pour des plongées en scaphandre autonome près de Marseille, en, particulier sur la côte des Calanques, si riche en grottes aux superbes peuplements, ou de quelques jours dans le Parc National de Port-Cros. Ce sont aussi des expéditions plus lointaines et de plus longue durée, sur les côtes du Liban, en Croatie, en Tunisie, etc. pour la Méditerranée. Ce sont encore des missions dans des laboratoires étrangers, parfois sommairement équipés, ou « dans la nature », à Madagascar, en Nouvelle Calédonie, Antilles, mer Rouge, Hawaii, Australie, etc. J’ai aussi participé à des missions sur des navires océanographiques, parfois équipés de sous-marins comme un précurseur, la « soucoupe plongeante » du Cdt Cousteau, mais aussi « Cyana » de l’Ifremer, ou d’engins téléguidés comme le ROV « Victor ». Ces missions sont évidemment des périodes très excitantes et très denses. Mais ce n’est qu’une toute petite partie de l’activité d’un chercheur zoologiste marin. Déjà, une journée de récolte peut fournir du travail en laboratoire pour plusieurs semaines. Si l’on veut garder le contact avec le terrain – et participer à d’autres campagnes –, il faut faire un choix et se résoudre à n’exploiter qu’une partie du matériel. Un exemple : la mission « Benthedi » sur le navire Suroît dans le canal de Mozambique en 1978, consacrée à des dragages profonds et à des plongées sur les récifs coralliens, a fourni en trois semaines des centaines d’échantillons de Spongiaires d’une zone peu connue, qu’il m’aurait fallu plusieurs années pour exploiter. Parmi toutes ces éponges, j’en ai repéré une tout à fait extraordinaire, un « fossile vivant » survivant d’un groupe, les Sphinctozoaires, que l’on croyait disparu depuis 65 millions d’années et dont la nature était le sujet de nombreuses controverses chez les paléontologistes. Passionnant, mais le reste du matériel est toujours en attente dans un placard… Actuellement, à la retraite, j’essaie de ne plus accumuler de nouveaux échantillons, mais d’exploiter ceux qui sont à première vue les plus intéressants, surtout en décrivant et inventoriant des nouvelles espèces. En particulier, je m’attache à décrire les éponges carnivores, d’une surprenant diversité, récoltées dans les abysses.
 
Une partie du travail se fait avec l’aide de stagiaires, étudiants ou doctorants, dont un chercheur doit assurer la formation. Cette activité de formation est un peu frustrante, car on espère toujours garder les meilleurs étudiants pour assurer la relève dans sa discipline, et les postes sont rarissimes. J’ai eu la chance exceptionnelle de voir cette relève assurée par le recrutement de quelques jeunes collègues, qui vont poursuivre l’étude des éponges dans mon laboratoire. Ils sont évidemment plus tournés vers les nouvelles techniques et les nouveaux concepts de la biologie moléculaire et de la génétique, qui amènent des développements fascinants dans notre vision de la place des Spongiaires dans l’évolution animale. Mais ils savent que les aspects classiques ne doivent pas être négligés.
 
Il ne faut pas s’imaginer que cette activité de recherche, sur le terrain ou derrière un microscope au laboratoire, occupe tout le temps d’un chercheur, même dans le cas des chercheurs CNRS dont la participation à l’enseignement est facultative. Il faut aussi transcrire ses travaux dans des publications, suivre la bibliographie, communiquer avec ses collègues étrangers. Mais il y a malheureusement des tâches moins passionnantes : rédiger des projets et ensuite des rapports pour obtenir des financements, participer aux conseils de laboratoire ou de faculté et à toutes sortes de tâches administratives. Par exemple, au fil des années, j’ai vu se mettre en place, avec les règles des « marchés publics », des démarches incroyablement dévoreuses de temps et souvent coûteuses en argent pour acheter quelques produits chimiques ou un peu de papeterie. Je me réjouis beaucoup d’être maintenant, en tant que chercheur émérite, libéré d’une grande partie de ces contraintes.