au sommaire


    OlivierOlivier Behra est un self-made man de la recherche en environnement. Sans avoir fait d'étude dans le domaine, il est devenu, très vite, très jeune, l'un des spécialistes mondiaux des crocodilescrocodiles. Retour sur un parcours hors norme.

    Le crocodile dans son milieu naturel. © PublicDomainPictures, Domaine public
    Le crocodile dans son milieu naturel. © PublicDomainPictures, Domaine public

    « À l'heure actuelle, il n'y a pas de discussion technique sur la préservation de la biodiversitébiodiversité qui ne considère ses liens possibles avec le secteur privé, avec le renforcement des capacités, la création d'activités économiques durables pour les communautés de base et de nouveaux systèmes de financement de la conservation. »

    Olivier Behra (à droite sur la photo), à Madagascar. © Olivier Behra, ONG «  L'Homme et l'Environnement »
    Olivier Behra (à droite sur la photo), à Madagascar. © Olivier Behra, ONG «  L'Homme et l'Environnement »

    Olivier Behra est le fondateur de l'ONG « L’Homme et l’Environnement » à Madagascar. Nostalgique de son Afrique natale, mais sans aucune formation de base en gestion de l'environnement, il commence sa carrière comme soigneur animalier au zoo de Vincennes. Il ne s'agit guère que de nourrir et nettoyer les loges des animaux, mais cela lui permet d'approcher les crocodiles et d'avoir accès à la bibliothèque du Muséum d'histoire naturelle. Il sympathise avec les naturalistes et remarque que l'on ne connaît pas la distribution du reptilereptile en Afrique.

    Le Muséum, qui supervise une étude financée par les Nations unies, décide d'envoyer Olivier Behra réaliser son rêve. Il s'engage alors dans une mission de comptage des crocodiles dans des conditions d'une rare pénibilité (humidité, moustiquesmoustiques, maladies...) pendant trois ans. Il devient rapidement l'un des spécialistes mondiaux de ce groupe, notamment grâce à une méthodologie d'approche particulière. Au cours d'un des recensements, il découvre Madagascar, subjugué par la beauté de l'île. 

    Alors qu'il a à peine 25 ans, sa spécialité lui permet de devenir chef de projet pour les Nations unies, qui veulent soutenir Madagascar pour développer un programme d'élevage de crocodiles. Il développera le premier programme au monde, qui sera fondé sur l'implication des communautés locales dans la collecte des œufs afin de les motiver pour la préservation des reproducteurs dans la nature.

    L'association L'Homme et l'Environnement a été lancée en 1993. © L'Homme et l'Environnement
    L'association L'Homme et l'Environnement a été lancée en 1993. © L'Homme et l'Environnement

    Madagascar, une forêt et des espèces en danger

    L'écosystèmeécosystème malgache est en péril, car 250.000 hectares de forêt partent en fumée chaque année et quelque 10.000 plantes endémiquesendémiques risquent ainsi de disparaître. La raison est due à la culture traditionnelle sur brûlis, venue d'Indonésie, et la culture du riz pluvial qui appauvrit rapidement les sols. Le riz est la nourriture de base à Madagascar, avec 130 kgkg en moyenne par personne et par an. Mais pour deux années de récolte, 80 ans sont nécessaires pour reconstituer le couvert forestier et favoriser les échanges entre les espècesespèces. Face à la malnutrition due à la surpopulation, Olivier Behra sait qu'il faut proposer aux Malgaches de nouveaux moyens de subsistance. Son idée est de créer des revenus à partir des plantes afin de motiver les Malgaches pour leur préservation, comme il l'a mis en place avec les crocodiles.

    Il développe dans un premier temps l'étude des plantes médicinales et des huiles essentielles, qui apparaissent pouvoir être produites de façon favorable à l'environnement, dans le respect de la biodiversité.

    Cet homme « devenu scientifique par esprit d'aventure » crée en 1993 « L’Homme et l’Environnement », avec Ramandimbison et Voahirana Young, face au constat des potentialités que représente la valorisation des ressources naturelles pour la conservation et le développement des communautés de base à Madagascar, et à l'absence de considération de ces potentialités par la communauté de la conservation. Il veut impliquer les populations locales dans la protection et l'utilisation des ressources de la forêt. Son idée consiste à développer la fabrication d'huiles essentielles à partir de plantes médicinales en valorisant le savoir-faire malgache pour préserver l'écosystème. Ainsi Olivier Behra a-t-il transformé le niaouli, considéré à l'origine comme une mauvaise herbe, en une source de revenus pour les agriculteurs, qui en tirent 2.800 tonnes d'huile essentielle par an.

    Après une phase d'étude et de promotion des concepts, l'ONG a décidé en 2001 de mettre en place les réserves expérimentales de Vohimana et de Vohibola pour montrer la validité de ses principes dans des cadres pratiques de mise en œuvre sur le terrain. Les réserves ont été créées en 2002, sous la forme de contrats de gestion transmis des autorités nationales et régionales (manquants de moyens) à l'ONG pour que cette dernière assure la conservation du couvert forestier, tout en gérant les problématiques de développement des populations locales.

    Vue sur la forêt malgache. © ecololo, Flickr, CC by-sa 2.0
    Vue sur la forêt malgache. © ecololo, Flickr, CC by-sa 2.0

    Une pharmacie naturelle pour favoriser le développement durable

    L'association propose donc d'impliquer les habitants dans la préservation de leur biodiversité et l'exploitation durable de leurs ressources naturelles, afin de financer des structures sociales et sanitaires. Au fil des années, des microentreprises communautaires ont été créées par des locaux. Certaines fournissent maintenant de grandes marques de cosmétiques en huiles essentielles bio, d'autres sont dans l'écotourisme. Elles réinvestissent leurs bénéfices dans les écoles, les cantines scolaires, les maternités... rendant les populations locales de moins en moins dépendantes de l'aide internationale. En veillant sur cette pharmacie naturelle, des Hommes peuvent vivre dignement et durablement à partir de la forêt, autrement qu'en l'arrachant pour cultiver. L'île recèle aussi des plantes aux vertus médicinales. Olivier Behra a ainsi recensé quelque 130 plantes contenant des principes actifsprincipes actifs intéressant les laboratoires. Pour préserver le savoir traditionnel du biopiratagebiopiratage, il a convaincu des partenaires de compiler le savoir original des tradipraticiens et de l'éditer pour leur en donner la reconnaissance.

    Il fait aussi cultiver de multiples variétés de jeunes plants d'arbres, qui sont ensuite repiqués pour créer des corridorscorridors forestiers afin de panser la coupure de la forêt originelle en deux blocs nord et sud, et de favoriser l'échange génétiquegénétique et la biodynamique des espèces. Les anciens exploitants forestiers se mettent désormais au service de l'organisation pour devenir pépiniéristes et conseiller le reboisement.

    En mêlant développement d'activités génératrices de revenus et préservation de l'écosystème, l'ONG a compris qu'en surfant sur la vaguevague des produits bio, la population malgache peut lutter contre la pauvreté tout en respectant un environnement unique au monde. Aujourd'hui, l'expertise d'Olivier Behra est reconnue de par le monde pour la valorisation des ressources naturelles avec implication du secteur privé. 

    Son projet est exemplaire et nous intéresse tous. Ce travail local a une portée mondiale : penser à long terme et agir à court terme. Reconstruire la biodiversité malgache est une façon de nous montrer la voie de la sagesse écologique, à défaut de conscience.