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    Diversité des éponges carnivores

    Diversité des éponges carnivores

    Beaucoup des 90 espècesespèces de Cladorhizidae décrites n'étaient connues que par quelques individus, voire un seul, récoltés au hasard de chalutages profonds. L'avènement des moyens d'observation et de récoltes directes, par sous-marinssous-marins habités ou téléguidés (Rov) a amené des progrès. Partons à la découverte de la diversité des éponges carnivorescarnivores.

    Une nouvelle espèce d’<em>Asbestopluma </em>du Pacifique, en forme de gorgone. Ses rameaux portent de longs et fins filaments, cassés durant la récolte, sur lesquels les proies sont piégées. © Modifié de Vacelet 2006

    Une nouvelle espèce d’Asbestopluma du Pacifique, en forme de gorgone. Ses rameaux portent de longs et fins filaments, cassés durant la récolte, sur lesquels les proies sont piégées. © Modifié de Vacelet 2006

    Les études de l'Ifremer

    Durant les années 1990 en particulier, des campagnes de l'Ifremer sur des sites hydrothermaux du Pacifique ont fourni quelques spécimens, que Jean VaceletJean Vacelet a essayé d'identifier. Il y avait 9 espèces, mais toutes étaient nouvelles ! De plus, plusieurs appartenaient au genre Abyssocladia, décrit par Lévi dans les collections de la Galathée en 1964. Ce genre, connu par une seule espèce (et un seul minuscule individu), était considéré comme non valide. Il est en réalité bien caractérisé par ses spicules préhenseurs et présente souvent une forme en disque porté par un pédoncule. Le Pacifique profond est immense et mal connu, mais il est quand même étonnant de trouver une telle proportion d'espèces nouvelles après le passage d'expéditions comme celles du ChallengerChallenger au XIXe siècle et plus récemment celles du Vitiaz ou de la Galathea.

    Est-ce que cette diversité est due aux moyens de récolte et aux écosystèmesécosystèmes profonds étudiés durant les campagnes de l'Ifremer ? Les engins d'exploration directe permettent de récolter sélectivement, et surtout d'explorer les rares fonds rocheux, auxquels les expéditions récentes se sont beaucoup intéressées car ils sont le plus souvent liés à des activités hydrothermales, passionnantes pour les biologistes et les géologuesgéologues. Les éponges carnivores récoltées au cours de ces explorations n'étaient pas vraiment dans les « oasis » de vie exubérantes proches des sources, mais se trouvaient à quelques dizaines ou centaines de mètres alentour, où elles pouvaient quand même bénéficier d'un enrichissement local. La grande quantité de formes nouvelles peut effectivement être liée à la présence de roches et à cet enrichissement. Toutefois, il semble bien que la diversité des éponges carnivores soit en général bien plus grande que ce que l'on croyait. Des collections venant de chalutages près de la Nouvelle Zélande, que Vacelet étudie avec Michelle Kelly, du Niwa à Auckland, montrent aussi une grande proportion d'espèces non décrites dans la fosse des Kermadec qui avait été bien explorée par le navire danois Galathea. Bien que l'Atlantique soit un peu mieux inventorié, des collections en cours d'étude confirment que beaucoup d'éponges carnivores profondes restent à découvrir.

    D'autres éponges prédatrices ?

    Encore une surprise révélée par ces récents travaux : les Cladorhizidae, telles qu'elles sont définies dans nos classifications, ne sont pas les seules éponges prédatrices ! Il existe plusieurs éponges profondes appartenant au même ordre Poecilosclerida, qui ont une morphologiemorphologie similaire et pas de système aquifèreaquifère, mais qui étaient jusqu'à présent classées dans d'autres familles en raison de leurs spicules. C'est le cas de plusieurs Esperiopsis spp. et Euchelipluma spp., où le régime alimentaire carnivore suggéré par la morphologie a été confirmé par la présence de proies. Euchelipluma est particulièrement problématique. Les trois espèces connues ont une morphologie semblable à celle de plusieurs Cladorhizidae, en forme de plume, sans canaux ni ouvertures. Mais elles possèdent un type de spicule, le placochèle, trouvé seulement dans des éponges littorales avec système aquifère normal, les Guitarridae. Chez les Guitarridae, les placochèles sont dispersés sans ordre et n'ont pas de fonction connue.

    Un spicule placochèle, tapissant les filaments pêcheurs des <em>Euchelipluma</em> et très efficaces dans la capture des proies. Ces spicules ne sont connus que dans une famille littorale non carnivore (<em>Guitarridae</em>), chez laquelle ils n’ont pas de fonction évidente. © Jean Vacelet - Tous droits réservés

    Un spicule placochèle, tapissant les filaments pêcheurs des Euchelipluma et très efficaces dans la capture des proies. Ces spicules ne sont connus que dans une famille littorale non carnivore (Guitarridae), chez laquelle ils n’ont pas de fonction évidente. © Jean Vacelet - Tous droits réservés

    Or ces placochèles, qui avec leurs lames finement dentelées opposées semblent « faites exprès » pour capturer les appendices des crustacéscrustacés, tapissent les filaments des Euchelipluma avec les dents dirigées vers l'extérieur, et jouent le principal rôle dans la capture des proies. Doit-on classer Euchelipluma dans les Guitarridae, ou dans une famille Cladorhizidae élargie à toutes les éponges carnivores ?