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    Les régions traversées par Évariste Huc

    Les régions traversées par Évariste Huc

    Le départ vers le Tibet commence au début de l'année 1844 de la région des Gorges contiguës en pays tartare, près de l'actuelle ville de Heshui, dans le nord-est de la Chine. Cette région est peuplée par des tribus nomades pastorales. Les montagnes environnantes étaient par le passé recouvertes par les grandes forêts impériales.

    Évariste Huc prend la direction de l'ouest vers les steppessteppes de Mongolie, accompagné de Joseph Gabet et de Sambad Chiemba leur chamelier. La caravane est composée de trois chameaux de Bactriane, d'un cheval, d'un mulet et d'un chienchien.

    Steppes de Mongolie

    La caravane traverse les grandes steppes recouvertes de prairies, entrecoupées de lacs immenses, de fleuves majestueux et d'imposantes montagnes. Au milieu de ces grandes étendues se dressent les campements nomades.

    Plaine de Mongolie. © Rigot

    Plaine de Mongolie. © Rigot

    « On voit alors s'élever, de toute part, des tentes de diverses grosseurs, semblables à des ballons gonflés par le gaz, et déjà prêts à s'élancer dans les airs. Les enfants, le dosdos surmonté d'une hottehotte, courent çà et là dans les environs, à la recherche des argols (combustibles naturels d'origine animale) qu'ils vont amonceler tout à l'entour de la tente. »

    La rencontre avec les nomades est l'occasion d'une description complète de la vie, des coutumes et de l'habitation dans ces steppes arides.

    « L'intérieur de la tente est comme divisé en deux parties : le côté gauche, en entrant, est réservé aux hommes ; c'est là que doivent se rendre les étrangers. Un homme qui passerait par le côté droit commettrait plus qu'une grossière inconvenance. »

    Le fleuve Jaune (Huang He)

    Évariste Huc fait étape, après la traversée de la Mongolie, dans Ville-Bleue, actuellement Hohhot ; c'est une ville importante pour le commerce, notamment celui du chameau.

    Le fleuve Jaune en crue. © www.xinsheng.net

    Le fleuve Jaune en crue. © www.xinsheng.net

    « Pour juger de la force du chameau et du poids qu'il est capable de porter, on le charge par degrés ; tant qu'il peut se relever avec un fardeau quelconque, c'est une preuve qu'il pourra en supporter facilement le poids pendant la route. On use encore quelquefois de l'expérience suivante : pendant que le chameau est accroupi, un homme lui monte sur l'extrémité des talons, et se tient accroché de ses deux mains aux longs poils de la bosse postérieure ; si le chameau peut se relever, il est réputé de première force. »

    Au départ de Ville-Bleue, la traversée du fleuve Jaune est périlleuse. Le fleuve en crue recouvre entièrement la vallée.

    « Le fleuve Jaune était devenu comme une vaste mer, dont il était impossible d'apercevoir les limites. On voyait seulement, de loin en loin, des îlots de verdure, des maisons et quelques petits villages qui semblaient flotter sur les eaux. »

    Désert de l'Ordos

    La traversée du désertdésert de l'Ordos, situé actuellement dans la région du Ningxia, est également difficile ; le froid extrême succède à la chaleur torride du désert. Ils rencontrent plusieurs grands lacs salés.

    La région de l’Ordos, en Chine, au début du XX<sup>e</sup> siècle. L’échelle est de 100 miles pour un pouce. © Robert Sterling Clark, Arthur de C. Sowerby, DP

    La région de l’Ordos, en Chine, au début du XXe siècle. L’échelle est de 100 miles pour un pouce. © Robert Sterling Clark, Arthur de C. Sowerby, DP

    « Le Dabsoun-Noor, ou lac du sel, saline célèbre dans tout l'occident de la Mongolie, et qui fournit du sel non seulement aux Tartares voisins, mais encore à plusieurs provinces de l'Empire chinois. »

    S'aventurer dans ces zones est périlleux :

    « Les Tartares nous recommandèrent de suivre avec beaucoup de prudence les sentiers tracés, et de nous éloigner des endroits où nous verrions l'eau sourdre et monter. Ils nous assurèrent qu'il existait des gouffresgouffres qu'on avait plusieurs fois sondés sans jamais en trouver le fond. Tout cela porterait à croire que le noor, ou lac, dont on parle dans le pays existe réellement, mais qu'il est souterrain. »

    La sortie du désert s'achève par la traversée d'une chaîne de montagnes (Zhuosi Shan), géologiquement intéressante :

    « Ces rochers sont presque partout incrustés de coquillages, et de débris de plantes semblables à des alguesalgues marines ; mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que ces massesmasses granitiques sont découpées, rongées et usées dans tous les sens. »

    Province du Ganzhou (Kan-sou)

    Après les difficultés rencontrées et les privations liées à la traversée du désert (eau, nourriture, confort), l'arrivée dans ces contrées verdoyantes, arrosées par le fleuve Jaune, est un apaisement pour ces voyageurs. La région est exploitée par de nombreux cultivateurs passés maîtres dans l'art de l'irrigationirrigation.

    « La partie du Kan-sou que nous traversions est surtout remarquable par des travaux grandioses et ingénieux pour faciliter l'irrigation des champs. Au moyen de saignéessaignées pratiquées sur les bords du fleuve Jaune, les eaux se répandent dans de grands canaux creusés de main d'homme... »

    Plateau tibétain

    Un paysage sur le plateau tibétain. © DR

    Un paysage sur le plateau tibétain. © DR

    Après quatre mois de pérégrinations à travers l'empire du Milieu, notre caravane arrive dans la région de Sining (l'actuelle Xining), à la porteporte du Tibet. Traverser le plateau tibétain, seul, en hiverhiver, sous la menace des brigands, est impossible. Ils demeurent durant près d'un an dans le monastère de Kumbum, le « monastère aux 10.000 images », et le monastère de Tchogortan.

    « Ce nom fait allusion à l'arbrearbre qui, suivant la légende, naquit de la chevelure de Tsong-Kaba, et qui porte un caractère tibétain sur chacune de ses feuilles... Nos regards se portèrent d'abord avec une avide curiosité sur les feuilles, et nous fûmes consternés d'étonnement, en voyant en effet, sur chacune d'elles, des caractères tibétains très bien formés. »

    Tsong-Kaba, figure emblématique du bouddhisme tibétain, est à l'origine de la formation des « bonnets jaunes ».

    Comment rejoindre Lhassa ?

    Le Potala à Lhassa. © Rigot

    Le Potala à Lhassa. © Rigot

    Le seul moyen d'atteindre Lhassa est de se joindre à l'ambassade tibétaine, qui revient de Pékin, après avoir payé l'impôt à l'empereur. Cette ambassade est une caravane de 3.000 hommes en armes, pour se protéger du harcèlement des brigands des régions de l'Amdo. La rencontre avec l'ambassade se réalise près de la « mer bleue », actuellement appelée lac Koukounor ou lac salé Qinghai. La traversée du plateau tibétain commence au mois d'octobre 1845. Ils traversent les monts Burhan Budaï, ou « la cuisine de Bouddha », en raison de nombreux geysersgeysers de vapeurs acidesacides. La caravane est décimée au fur et à mesure de leur avancée, la morsuremorsure du froid de l'hiver et probablement le MAM (mal aigu des montagnesmal aigu des montagnes), inconnu à l'époque, étant impitoyables. Joseph Gabet tombe gravement malade et parvient tant bien que mal à survivre. Après trois mois de traversée dans des conditions dantesques, ils arrivent finalement à Lhassa le 29 janvier 1846.

    Après avoir subi les affres de la nature, ils vont être confrontés aux nœudsnœuds inextricables du monde politique. Au bout d'un mois passé à Lhassa, ils sont finalement expulsés du Tibet sur décision du régent chinois, et ramenés en palanquin à Macao.