au sommaire


    Les paramètres mesurés depuis l'espace

    Les paramètres mesurés depuis l'espace

    La Terre, chacun le sait, est une planète, parmi d'autres, qui gravite autour du Soleil. Pourtant elle ne devient, en tant que telle, objet de science qu'en 1957/1958 avec l' « Année Géophysique Internationale » première étude globale de la planète ou au moins de ses couches superficielles dans toutes leurs composantes géophysiques : terre solide, atmosphèreatmosphère, océan, cryosphèrecryosphère(glaces). Soixante dix pays y participèrent. Ce fut la première fois qu'une coopération internationale s'organisa pour l'étude des océans qui étaient jusque là restés chasse gardée des nationalismes. Coïncidence symbolique c'est en octobre 1957 que fut lancé le premier satellite artificiel : « SpoutnikSpoutnik » qui fut bienvenu bien qu'il s'inscrivît dans une tout autre compétition qui n'avait rien de scientifique. L'ère spatiale de l'observation de la planète « Terre » va pouvoir commencer et l'océanographie en profiter. Encore faut-il mesurer les bons paramètres.

    On peut résumer ainsi l'ambition de l'océanographe : connaître les courants océaniques, quantifier les forces qui les meuvent pour les modéliser en vue d'applications à diverses échelles de temps et d'espace : évolution des nappes d'hydrocarbures comme ce fut le cas lors du naufrage du Prestige, conditions de propagation acoustique à destination des Forces Navales, courses au large, stratégies de pêchepêche, évolution et variations des écosystèmesécosystèmes marins, prévisions météorologiquesprévisions météorologiques et climatiques etc... A l'origine des mouvements de l'atmosphère et de l'océan il y une seule source d'énergieénergie : celle reçue du soleil. L'océan est mis principalement en mouvement par le ventvent. le Gulf StreamGulf Stream par exemple est le résultat direct de l'anticycloneanticyclone des Açores autour duquel les vents tournant dans le sens des aiguilles d'une montre entraînent une noria océanique tournant dans le même sens et dont le Gulf Stream constitue la partie ouest et le Courant des Canaries la partie est. Deuxième cause des mouvements océaniques : les échanges d'énergie thermiqueénergie thermique avec l'atmosphère à la surface des océans qui vont faire que les eaux de surface vont être plus ou moins chaudes et plus ou moins salées donc plus ou moins denses.

    <br />Fig. : 6 - « Le tapis roulant » initié par la plongée dans l'Atlantique d'eaux rendues très denses par le refroidissement. En bleu, la circulation profonde. En rose et mauve le retour en surface

    Fig. : 6 - « Le tapis roulant » initié par la plongée dans l'Atlantique d'eaux rendues très denses par le refroidissement. En bleu, la circulation profonde. En rose et mauve le retour en surface

    Ainsi en mer du Groenland les eaux de surface devenues très denses parce qu'ayant gardé une salure élevée et refroidies intensément plongent-elles jusqu'à 3500 mètres de profondeur donnant le départ d'une circulation profonde : le fameux « tapis roulanttapis roulant » (voir Fig. 6) dont on craint que, changement climatiquechangement climatique aidant, il ne s'interrompe amenant à terme sur l'Europe un refroidissement plutôt qu'un réchauffement.

    Les outils dont on dispose sont de deux types. Les premiers, dits passifs, mesurent simplement le rayonnement émis par la surface de l'océan ils se contentent d'enregistrer ce qu'ils « voient » aux longueurs d'ondelongueurs d'onde sur lesquelles ils sont réglés. Les seconds sont des radars qui rendent compte après réflexion de l'état de la surface de la mer : de son agitation et de ses variations de niveau. Les uns et le autres permettent d'accéder aux courants, aux forces qui les génèrent et à la fertilité des régions océaniques.

    1 - La mesure du vent par diffusiométrie radar.

    <br />Fig. : 7 - Le vent de surface(vitesse et direction) mesuré par le satellite Quickscat le 1er  août 1999

    Fig. : 7 - Le vent de surface(vitesse et direction) mesuré par le satellite Quickscat le 1er août 1999

    Le vent donne des rides à la mer : il suffit de voir par temps calme les risées se propager à sa surface. Ce sont ces rides qui vont rediffuser vers le radar embarqué sur satellite l'onde qu'il a émise et dont l'intensité dépend des rides et donc du vent. On obtient ainsi des champs de vent moteur primaire des courants océaniques. La première expérience eut lieu à bord du satellite américain Seasat, premier satellite dédié l'étude de la mer lancé en 1978 qui malheureusement ne vécut que quelques mois. (Voir Fig. 7)

    2 - Les échanges thermiques avec l'atmosphère : les satellites météorologiques

    La situation est ici plus complexe d'abord parce qu'elle se joue à deux : l'atmosphère et l'océan et qu'ensuite les processus d'échange sont nombreux et complexes : échanges par rayonnement, simple conduction, évaporation, précipitation. On est là au cœur du fonctionnement de la machine climatique. Côté océan le paramètre primordial qui contrôle l'intensité de ces échanges est sa température de surface que l'on mesure depuis l'espace à partir de son rayonnement dans l'infra rouge. Les champs de température mettent aussi en évidence la complexité des circulations océaniques et permettent souvent de caractériser les courants et leurs tourbillonstourbillons ( Voir : Fig. 2) et aussi les zones de remontée d'eaux froides riches en nutrimentsnutriments(|83c7b567916d5f7b93c60920993033ad| sièges d'une production biologique intense.

    Ce fut la première mesure océanographique spatiale : sous produit des satellites météorologiquessatellites météorologiques qui travaillent de manière opérationnelle depuis la fin des années 60. Les conséquences de ces échanges sur la salinitésalinité de l'océan qui concoure à la valeur de sa densité et donc à la circulation océanique générale est importante. On sait qu'à certaines longueurs d'onde le rayonnement émis par la surface océanique varie légèrement avec la salinité ; on peut donc espérer mesurer la salinité depuis l'espace. Deux projets y sont consacré pour lancement d'ici 2010 : SMOS(Soil moisture and ocean salinity) et Aquarius.

    3 - Les courants marins : altimétie satellitaire

    <br />Fig. : 8  - Les tourbillons du Gulf Stream mesurés par altimétrie(Topex/Poseidon et ERS 1) en décembre 1999. Les différences de hauteur sont exprimées en cm.

    Fig. : 8 - Les tourbillons du Gulf Stream mesurés par altimétrie(Topex/Poseidon et ERS 1) en décembre 1999. Les différences de hauteur sont exprimées en cm.

    Tout mouvement de la mer module sa surface ; c'est vrai des vaguesvagues dont on peut mesurer la hauteur par satellite, c'est vrai des maréesmarées. C'est vrai aussi des courants : tout courant marin induit une pente de la mer d'autant plus forte que le courant est intense. Dans le Gulf Stream on observe des variations de niveau de 1 mètre en 100km (Voir Fig. 8). Que l'on mesure ces différences de niveau et l'on en déduit l'intensité des courants correspondants. C'est ce que l'on fait avec les radars altimétriques dans tout l'océan. La mesure repose sur les différences de temps que met l'onde émise depuis le satellite pour parcourir la distance qui le sépare de la surface de la mer. Performance incroyable : alors que la précision altimétrique était de 10 cm avec le satellite Seasat en 1978 on l'évalue maintenant à mieux que 1cm avec les satellites franco/US TOPEX/PoseidonTOPEX/Poseidon lancé en 1992 et Jason 1Jason 1 qui a pris le relais en 2001 alors qu'ils évoluent à 1300Km d'altitude ! Des mesures spatiales, celle du niveau de la mer est la seule qui donne une information sur les couches profondes de l'océan puisqu'elle intègre toute la toute la colonne d'eau . Combinée aux mesures in situ des flotteurs du programme ARGO on a une évaluation non seulement des courants de surface mais aussi de ceux des couches sous-jacentes. Pour la première fois on a pu ainsi suivre le déroulement du phénomène El NiñoEl Niño 1997/1998 par la mesure depuis l'espace des variations du niveau de la mer tout le long du Pacifique équatorial ( Voir Fig. 9)

    <br />Fig. : 9 - El Niño :  En novembre 1997, au cœur d'El Niño, le déplacement des masses d'eau chaude vers l'est se traduit par une anomalie du niveau de la mer de + 20 cm(en rouge) et de -20 cm dans l'ouest (violet). En novembre 1998 la situation était inversée.

    Fig. : 9 - El Niño : En novembre 1997, au cœur d'El Niño, le déplacement des masses d'eau chaude vers l'est se traduit par une anomalie du niveau de la mer de + 20 cm(en rouge) et de -20 cm dans l'ouest (violet). En novembre 1998 la situation était inversée.

    Enfin ça n'est pas le moindre des succès de l'altimétriealtimétrie satellitaire : elle a permis de mesurer l'élévation du niveau moyen de la mer proche de 3mm/an depuis 1992.

    4 - La couleur de l'océan et les prairies marines

    On parle ici de « couleurcouleur » de l'océan parce que l'on utilise des radiomètresradiomètres travaillant dans le spectrespectre qui nous est familier : le visible. La couleur la vraie, débarrassée de l'artefact de la réflexion et des reflets des nuagesnuages est celle que perçoit le nageur qui, la tête dans l'eau, depuis la surface regarde vers le bas. Elle est modulée par les particules que contient l'océan et notamment le phytoplanctonphytoplancton agent de la production primaire grâce à la chlorophyllechlorophylle qu'il contient à l'instar de l'herbe des prairies. Le phytoplancton constitue les « prairies marines » que vient brouter le zooplanctonzooplancton point de départpoint de départ du réseau alimentaire qui conduit jusqu'au poissonpoisson que l'on trouve dans nos assiettes.

    <br />Fig. : 10 - Les teneurs en Chlorophylle dans l' « upwelling »(remontées d'eaux profondes riches en nutriments) du courant de Benguela déduites des mesures du satellite Seawifs le 21 février 2000. Il y a une différence d'un facteur 100 entre les eaux pauvres(en bleu) du large et celles riches(rouge) à la côte.

    Fig. : 10 - Les teneurs en Chlorophylle dans l' « upwelling »(remontées d'eaux profondes riches en nutriments) du courant de Benguela déduites des mesures du satellite Seawifs le 21 février 2000. Il y a une différence d'un facteur 100 entre les eaux pauvres(en bleu) du large et celles riches(rouge) à la côte.

    En choisissant judicieusement les longueurs d'onde caractéristiques de la chlorophylle on peut, depuis l'espace, déduire les teneurs en chlorophylle de la surface de l'océan et donc la « fertilité » des prairies marines qui varie d'un facteur 100 entre les régions les plus pauvres au cœur des régions tropicales et les plus riches comme les upwellings côtiers. (Voir Fig. 10 ).

    <br />Fig. : 11 - Les teneurs en chlorophylle dans l'océan antarctique mesurées depuis l'espace. Les teneurs les plus élevées sont en vert.

    Fig. : 11 - Les teneurs en chlorophylle dans l'océan antarctique mesurées depuis l'espace. Les teneurs les plus élevées sont en vert.

    Les régions aussi peu hospitalières que l'AntarctiqueAntarctique n'échappent au regard des satellites. (Voir Fig. 11)

    La fertilité dépend des mouvements de l'océan : une région est d'autant plus fertile que les mouvements verticaux au sein de l'océan amènent des couches profondes vers la surface des eaux riches en nutriments indispensables et réciproquement. La couleur de l'eau est donc aussi une signature de la dynamique des océans. Le premier radiomètre « couleur de l'eau » a été embarqué sur satellite en 1978(CZCS de la NASANASA). Il a fonctionné jusqu'en 1986. Il a fallu attendre 11 ans pour qu'il ait un successeur : SeaWifs lancé en 1997.