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    L'écosystèmeécosystème posidonie n'est pas isolé des autres écosystèmes : il exporte des masses considérables de matière organique vers d'autres écosystèmes, où elles jouent un rôle majeur. Inversement, il importe des sels nutritifs et de la matière organique depuis de vastes zones côtières et du large.

    Corbs près de l'île de Port-Cros. © Arnaud Abadien, Wikimedia, CC by-sa 3.0
    Corbs près de l'île de Port-Cros. © Arnaud Abadien, Wikimedia, CC by-sa 3.0

    Cette importation, véritable exploitation des autres écosystèmes, qui met en œuvre des processus extrêmement efficaces, permet d'expliquer l'extraordinaire richesse de l'écosystème (en plus de la double nature de la production primaire, déjà mentionnée). L'herbier de posidonie peut ainsi être comparé à une plateforme d'import-export, dans un port ou un aéroport.

    Figure 6.1. Un banc de corbs (<em>Sciaena umbra</em>) dans les eaux du Parc national de Port-Cros. C’est l’un des plus beaux poissons de Méditerranée, devenu rare là où il n’est pas protégé. L’herbier de posidonie serait sa principale nurserie ; par la suite, il émigre vers des habitats rocheux. © Sandrine Ruitton - Tous droits réservés - Reproduction interdite
    Figure 6.1. Un banc de corbs (Sciaena umbra) dans les eaux du Parc national de Port-Cros. C’est l’un des plus beaux poissons de Méditerranée, devenu rare là où il n’est pas protégé. L’herbier de posidonie serait sa principale nurserie ; par la suite, il émigre vers des habitats rocheux. © Sandrine Ruitton - Tous droits réservés - Reproduction interdite

    De la matière organique est exportée, passivement (feuilles mortes, Figure 5.1, boîte 24, ci-dessous ; Carbone organique dissous, boîtes 14 et 15) ou activement, hors de l'écosystème. L'exportation active est représentée par les adultes de poissonspoissons qui quittent leur habitat de juvéniles, ou qui regagnent leur refuge après des raids alimentaires (Figures 6.1 et 6.2 ; boîte 23) et par les poissons capturés par des oiseaux marins tels que le cormoran Phalacrocorax et, en Corse, l'aigle pêcheur Pandion (boîte 21).

    Figure 5.1. Modèle conceptuel du fonctionnement de l’écosystème posidonie. Chaque « boîte » (numérotée de 1 à 24) correspond à un compartiment fonctionnel. L’épaisseur des flèches correspond à l’importance du flux de carbone entre compartiments. Le rectangle rouge correspond à l’écosystème posidonie proprement dit ; ce qui lui est extérieur correspond à des compartiments d’autres écosystèmes, avec lesquels l’herbier de posidonie interagit (exportation ou importation). En vert, les compartiments producteurs primaires (grâce à la photosynthèse). En ocre : les détritus et les consommateurs de détritus. En jaune : les herbivores et les prédateurs. COD = Carbone Organique Dissous. MOP = Matière Organique Particulaire. MPOs = Organismes photosynthétiques pluricellulaires (en particulier « macroalgues »). BAFSH = Bactéries, Archées, Fungi et Straménopiles Hétérotrophes. © Charles-François Boudouresque, adapté de Boudouresque in Personnic et al. (2014). Tous droits réservés - Reproduction interdite
    Figure 5.1. Modèle conceptuel du fonctionnement de l’écosystème posidonie. Chaque « boîte » (numérotée de 1 à 24) correspond à un compartiment fonctionnel. L’épaisseur des flèches correspond à l’importance du flux de carbone entre compartiments. Le rectangle rouge correspond à l’écosystème posidonie proprement dit ; ce qui lui est extérieur correspond à des compartiments d’autres écosystèmes, avec lesquels l’herbier de posidonie interagit (exportation ou importation). En vert, les compartiments producteurs primaires (grâce à la photosynthèse). En ocre : les détritus et les consommateurs de détritus. En jaune : les herbivores et les prédateurs. COD = Carbone Organique Dissous. MOP = Matière Organique Particulaire. MPOs = Organismes photosynthétiques pluricellulaires (en particulier « macroalgues »). BAFSH = Bactéries, Archées, Fungi et Straménopiles Hétérotrophes. © Charles-François Boudouresque, adapté de Boudouresque in Personnic et al. (2014). Tous droits réservés - Reproduction interdite

    Enfin, les racines et les rhizomesrhizomes de la posidonie (boîte 1), après leur mort (voir à la page 4 la Figure 4.1), restent enfouis mais ne se décomposent pas, en raison de composés chimiques qui les rendent peu putrescibles ; la matte constitue ainsi un « puits » pour le carbone, c'est-à-dire un lieu où il peut être stocké pendant des millénaires ou des millions d'années (boîte 22).

    Figure 6.2. L’emblématique mérou (<em>Epinephelus marginatus</em>) ne vit pas dans l’herbier de posidonie. Mais il ne s’interdit pas d’y faire des incursions, comme ici dans le Parc national de Port-Cros. © Sandrine Ruitton - Tous droits réservés - Reproduction interdite
    Figure 6.2. L’emblématique mérou (Epinephelus marginatus) ne vit pas dans l’herbier de posidonie. Mais il ne s’interdit pas d’y faire des incursions, comme ici dans le Parc national de Port-Cros. © Sandrine Ruitton - Tous droits réservés - Reproduction interdite

    La vie dans les herbiers de posidonie

    Inversement, l'herbier de posidonie importe de la matière organique, à partir de la colonne d'eau sus-jacente. Le planctonplancton et la Matière organique morte (MOP ; Figure 5.1, boîte 5) de la colonne d'eau sont consommés par les poissons (téléostéens) planctivores (mangeurs de plancton) qui y vivent (boîte 20). Plancton et MOP dérivent avec la masse d'eau, au gré des courants ; quand ils passent au-dessus de l'herbier de posidonie, ils sont piégés et consommés par les filtreurs et suspensivores qui y vivent (boîtes 6 et 7).

    Il en résulte que l'écosystème posidonie exploite la production de vastes zones marines, très au-delà des côtes. Par ailleurs, les poissons planctivores de la colonne d'eau, tels les castagnoles, descendent dormir la nuit dans l'herbier (Figure 6.3) ; là, ils sont la proie des prédateurs nocturnesnocturnes, comme les rascasses et les congres (boîte 19).

    Cette capacité à exploiter, directement par filtrationfiltration, indirectement via les poissons planctivores, de vastes zones marines côtières, d'une surface plusieurs dizaines de fois supérieure à celle de l'herbier, constitue une des clés de l'incroyable productivité de l'herbier.

    Figure 6.3. Les castagnoles (<em>Chromis chromis</em>), qui ont exploité tout le jour le plancton de l’eau qui arrive avec le courant, se rapprochent du fond le soir, pour aller se cacher dans l’herbier et y dormir. Parc national de Port-Cros. © Sandrine Ruitton - Tous droits réservés - Reproduction interdite
    Figure 6.3. Les castagnoles (Chromis chromis), qui ont exploité tout le jour le plancton de l’eau qui arrive avec le courant, se rapprochent du fond le soir, pour aller se cacher dans l’herbier et y dormir. Parc national de Port-Cros. © Sandrine Ruitton - Tous droits réservés - Reproduction interdite

    L'herbier de posidonie, un écosystème miracle

    Tout ce qui précède décrit le fonctionnement d'un écosystème, l'écosystème posidonie. Mais, en fin de compte, pourquoi le qualifier d'écosystème miracle ? Pour cinq raisons :

    • la production de matière vivante par la photosynthèsephotosynthèse (production primaire) est remarquablement élevée ;
    • la juxtaposition de deux types de production primaire (à recyclagerecyclage long et à recyclage court) constitue une caractéristique rare et un facteur de succès : elle permet d'associer une ressource alimentaire durable, d'une saisonsaison à l'autre et d'une année à l'autre (la sécurité) et une abondance saisonnière (effet d'aubaine) ;
    • la gestion de l'azote permet de bâtir un écosystème très riche dans une mer très pauvre en sels nutritifs, la Méditerranée (on la qualifie d'oligotropheoligotrophe) ; le secret ? Un système unique de recyclage de l'azote (non décrit ici) ; comme dans les écosystèmes coralliens, mais par des voies très différentes, un atome d'azote piégé dans l'écosystème y restera très longtemps ;
    • l'exploitation de l'écosystème pélagiquepélagique (ce qui vit dans la colonne d'eau) et de sa production sur de vastes espaces marins, très largement supérieurs à l'extension des herbiers de posidonie, grâce aux courants marins ;
    • les services écosystémiques fournis à l'Homme par l'herbier de posidonie.