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    Le spécialiste doit se contenter de ce qui existe pour reconstruire toute l'histoire. La superposition des couches délivre une échelle relative du temps, l'échelle stratigraphiqueéchelle stratigraphique, et certains de ces dépôts servent de référence, à valeur régionale voire internationale.

    Stratotype du Barremien à Angles (Alpes-de-Haute-Provence). © Spiridon Ion Cepleanu, <em>Wikimedia commons</em>, 4.0
    Stratotype du Barremien à Angles (Alpes-de-Haute-Provence). © Spiridon Ion Cepleanu, Wikimedia commons, 4.0

    Des couches-étalons appelées stratotypes

    Alcide d'Orbigny (1802- 1857) introduisit l'idée de ces couches-étalons, appelées stratotypes, à partir des fossilesfossiles qu'elles renferment. Parfois le contenu fossilifère change d'une couche à l'autre, comme s'il s'était produit une catastrophe. Parfois, les animaux que l'on y décèle se retrouvent dans des stratesstrates, très éloignées sur le globe. De tels repères spatiaux nous autorisent à faire des corrélations temporelles sur l'ensemble de la planète. 

    Ces couches-étalons représentent des durées, des témoins de l'enregistrement du temps irremplaçables. Un stratotype ne peut être enfermé dans un pavillon de Breteuil, au même titre que d'autres étalons de mesure, il doit rester sur place, dans la nature. Aussi convient-il de le préserver et, par cette notion de temps, on accède tout naturellement à la notion de patrimoine géologique (fig. 8). Les stratotypes permettent de découper le temps, mais fournissent aussi une échelle discontinue par nature, puisqu'elle repose sur l'identification de ruptures biostratigraphiques majeures (ubiquistes et significatives d'un important changement).

    Figure 8 - Un stratotype préservé : le Stampien (91). © P. De Wever.
    Figure 8 - Un stratotype préservé : le Stampien (91). © P. De Wever.

    Un stratotype : un étalon de temps pour le géologue

    Comme il ne peut être enfermé dans le pavillon de Breteuil, où se trouve le mètre étalon, il reste dans la nature. Il convient donc de le préserver sur place, car il constitue un patrimoine géologique. Sur la quarantaine de stratotypes situés en France, seuls huit sont protégés (Aptien, Aquitanien, Barrémien, Burdigalien, Givetien, Hettangien, Stampien et  Toarcien).

    Les premiers stratigraphes européens s'attachent donc à décrire des histoires locales. Parmi eux, William Smith (1769-1839) est considéré comme le fondateur de la stratigraphie et même de la biostratigraphie ; il voit en effet dans la succession des dépôts sédimentaires une figuration de l’écoulement du temps ; il reconnaît leur continuité dans l'espace et a recours aux fossiles pour distinguer entre elles des couches lithologiquement semblables.

    Alcide d'Orbigny, suivant en cela Georges CuvierGeorges Cuvier, affirmait que chacun des étages qui se sont succédé dans les âges du monde renferme sa faune spéciale, bien tranchée, distincte des faunesfaunes inférieures et supérieures, et que ces faunes ne se sont pas succédé par passage de forme, ou par remplacement graduel, mais par un « anéantissement brusque » (1842, 1847). Alcide d'Orbigny va même plus loin que Cuvier sur cette voie : si ce dernier admettait peu de catastrophes (car il admettait des migrations), d'Orbigny admet seulement « la création successive des espècesespèces à chaque époque géologique ». Ce radicalisme a pu gêner, à la fois ceux de ses collègues athées qui voyaient dans ces créations une voie ouverte sur l'intervention divine dans l'élaboration du monde et ceux qui, dévots, pouvaient en déduire que Dieu avait dû s'y reprendre à plusieurs fois pour parachever sa Création.

    Cette brutalité de changements a été adoucie par la suite, surtout après les travaux de Gosselet (1832-1916) qui a révélé l'existence de faunes de transition, qui signifient que les changements sont beaucoup moins brutaux que ce qu'ils étaient supposés être jusque-là. Cette découverte mit un terme au catastrophisme de Cuvier et d'Orbigny.