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    Le marquis de Vauban est un homme multiple : ingénieur, architectearchitecte militaire, urbaniste, ingénieur hydraulicien et essayiste, il préfigure les philosophes du siècle des Lumières. Il donna au royaume « une ceinture de fer » et fut nommé maréchal de France par Louis XIV. Sa fin de vie fut assombrie par l'affaire de la dîme royale qui proposait un programme de réforme.

    Le château de Bazoches. © Wayne77, <em>Wikimedia, </em>CC by-sa 4.0

    Le château de Bazoches. © Wayne77, Wikimedia, CC by-sa 4.0
    Portrait de Vauban. © Domaine public

    Portrait de Vauban. © Domaine public

    Le pré carré de Vauban : la ceinture de citadelles

    Vauban voulut faire de la France « un pré carré », selon son expression, protégé par une ceinture de citadelles. Il dota donc la France de forts qui la rendit inviolée de Louis XIV à la fin du XVIIIe siècle. Homme lucide, franc et sans détours, il préférait le langage de la vérité : « [...] je préfère la vérité, quoique mal polie, à une lâche complaisance qui ne serait bonne qu'à vous tromper [...] je sais mon devoir, aux règles duquel je m'attache [...]. Trouvez donc bon, s'il vous plaît, qu'avec le respect que je vous dois, je vous dise librement mes sentiments [...]. » Lettre à Louvois, 1668. 

    Étoile de Vauban - Lille. © Bios, licence <em>Creative Commons</em> Paternité – Partage des conditions initiales à l’identique 3.0 <em>Unported</em>

    Étoile de Vauban - Lille. © Bios, licence Creative Commons Paternité – Partage des conditions initiales à l’identique 3.0 Unported

    Ses supérieurs l'encouragent : stratège, poliorcète (constructeur de places fortes), urbaniste, statisticien, économiste, agronome, penseur, fantassin, artilleur, maçon, ingénieur des poudres des mines et des ponts et chaussées, hydrographe, topographetopographe, cartographe, réformateur de l'armée, etc. Il fut précurseur des Encyclopédistes par sa façon d'aborder les problèmes concrets, par son intérêt pour l'agronomie et l'économie, son adhésion aux valeurs défendues au XVIIIe siècle, précurseur de MontesquieuMontesquieu par sa conception d'un État chargé d'assumer la protection de tous. Il apparaît comme un réformateur hardi et Louis XIV lui rendait cette franchise en lui faisant confiance en matière de défense du royaume : « Je m'en remets à vous, de placer les troupes où vous le jugerez à propos, soit pour empêcher la descente, soit que les ennemis fassent le siège de la place. L'emploi que je vous donne est un des plus considérables par rapport au bien de mon service et de mon royaume, c'est pourquoi je ne doute point que vous ne voyiez avec plaisir que je vous y destine et ne m'y donniez des marques de votre zèle et de votre capacité comme vous m'en faites en toutes rencontres ». Pour ses contemporains, il est un ingénieur des armées, un homme d'action et l'homme du roi qui le couvrit d'honneurs.

    Carte de France des constructions de Vauban. © Guillaume Lecuiller

    Carte de France des constructions de Vauban. © Guillaume Lecuiller

    Les missions de Vauban

    Vauban apporte trois innovations majeures aux techniques d'attaque des places fortes. Il codifie la technique d'approche en faisant creuser trois tranchées parallèles fortifiées reliées par des tranchées en ligne brisée pour éviter les tirs défensifs en enfilade. La première tranchée, creusée hors de portée de canon et très fortifiée, sert de place d'arme et prévient une attaque à revers ; la deuxième, à portée de tir permet d'aligner l'artillerie ; la troisième, à proximité des fortifications permet l'assaut si l'artillerie a permis d'ouvrir une brèche dans la muraille. Le retranchement doit être suffisant pour interdire une sortie des défenseurs. L'éperon des forteresses crée une zone où l'artillerie de l'assiégé ne peut tirer à bout portant. Les « cavaliers de tranchées », permettent aux assaillants de dominer les positions de tir des assiégés. Sa philosophie est de limiter les pertes en protégeant ses approches par la constructionconstruction de tranchées. Il rédige en 1704 un traité d'attaque des places pour le compte de Louis XIV. Il révolutionne la défense des places fortes mais aussi leur capture. Il dote la France d'un glacisglacis de places fortes pouvant se soutenir entre elles, et va pousser le roi à révolutionner la doctrine défensive de la France sur les frontières du Royaume. Paris perd ses fortifications pour libérer des troupes qui sont transférées aux frontières. Vauban a donné son nom à un type d'architecture militaire repris hors de France, comme à Cadix.

    Vauban a également construit des monuments civils comme l'aqueduc de Maintenon. Il a aussi pris des positions politiques fortes contre la révocationrévocation de l'Édit de Nantes en 1685 : travaillant sur le canal du Midi en 1685-1686, il a vu les effets des dragonnades sur la population. Il estime les protestants sortis du royaume à « 80.000 ou 100.000 personnes de toutes conditions, occasionnant la ruine du commerce et des manufactures, et renforçant d'autant les puissances ennemies de la France ».

    Fontenelle écrit dans son Éloge de Monsieur le maréchal de Vauban : « Quoique son emploi ne l'engageât qu'à travailler à la sûreté des frontières, son amour pour le bien public lui faisait porter des vues sur les moyens d'augmenter le bonheur du dedans du royaume. Dans tous ses voyages, il avait une curiosité, dont ceux qui sont en place ne sont communément que trop exempts. Il s'informait avec soin de la valeur des terres, de ce qu'elles rapportaient, de leur nombre, de ce qui faisait leur nourriture ordinaire, de ce que leur pouvait valoir en un jour le travail de leurs mains, détails méprisables et abjects en apparence, et qui appartiennent cependant au grand Art de gouverner... » Vauban, à la fin de sa vie est déchiré entre sa fidélité au roi et son amour de la patrie : il écrit, en 1697, au marquis de Cavoye : « Je suis un peu têtu et opiniâtre quand je crois avoir raison. J'aime réellement et de fait la personne du roi, parce que le devoir m'y oblige, mais incomparablement plus parce que c'est mon bienfaiteur qui a toujours eu de la bonté pour moi, aussi en ai-je une reconnaissance parfaite à qui, ne plaise à Dieu, il ne manquera jamais rien. J'aime ma Patrie à la folie étant persuadé que tout citoyen doit l'aimer et faire tout pour elle, ces deux raisons qui reviennent à la même ». Dans ce contexte, la dîme royale, 1707, qui dissocie le roi et l'État, peut être lue comme le résultat de la tension entre l'amour du roi et l'amour de la patrie.

    Vauban homme de plume

    Pendant les années 1680-1690, l'homme de guerre se fait homme de plume et il écrit, à partir de la mort de Colbert (1683) vingt-neuf mémoires sur ses observations, ses réflexions, ses projets de réformes. C'est Fontenelle qui a révélé, dans son éloge de Vauban, l'existence de ce recueil : Les Oisivetés.

    En octobre 1706, Vauban se trouve à Dunkerque, une ville forte qu'il considérait comme sa plus belle réussite, parce que le roi lui a confié le commandement de la frontière des Flandres sérieusement menacée. Mais les fonds n'arrivent pas et il demande à être relevé de son commandement. Il avait 73 ans.

    Puis il rentre à Paris dans son hôtel de la rue Saint-Vincent et décide d'imprimer son livre, La dîme royale (1707) malgré l'interdiction. Il y met en garde contre de forts impôts et propose un impôt unique sans exemption pour les privilégiés (roi inclus) : le projet n'est pas révolutionnaire et ne fut pas ignoré. Une expérimentation a été tentée en Normandie. Mais Vauban avait rendu public les mystères de l'État.

    L'impression achevée, comment le faire entrer à Paris ? Une feinte bien menée permit de les brocher en ville et il en distribua à ses amis. Les volumes passèrent... aucun exemplaire n'a été vendu ! Et Saint-Simon écrit : « Le livre de Vauban fit grand bruit, goûté, loué, admiré du public, blâmé et détesté des financiers, abhorré des ministres dont il alluma la colère ».

    Le Conseil condamne l'ouvrage et le roi ordonne de mettre les exemplaires au pilon mais Vauban prépare une seconde édition ! Dès sa mort, les exemplaires sont retirés et c'est Saint-Simon de nouveau, qui fait naître l'idée que Vauban serait mort de chagrin : « Vauban, réduit au tombeautombeau par l'amertume ». Mais il est bien mort d'une embolie pulmonaireembolie pulmonaire, conséquence de ce rhume dont il se plaint depuis des années. Louis XIV a reconnu en Vauban un « bon Français ». Et à sa mort, il parla de lui avec beaucoup d'estime et d'amitié : « je perds un homme fort affectionné à ma personne et à l'État ».

    Vauban et la Franche-Comté

    Louis XIV et Vauban ont ravi aux Francs-Comtois leur liberté. 1674 : la France vit sous Louis XIV.

    À l'est, la Franche-Comté résiste encore. Possession du roi d'Espagne, elle jouit d'une liberté qu'elle entend préserver. Pas question de passer sous le joug français. Ils gardent en mémoire Louis XI, puis Henri IVHenri IV puis l'effroyable guerre de Dix Ans durant laquelle les Français ont ravagé le pays sur ordre de Louis XIII. Vingt ans après les troupes de Louis XIV se sont rendu maîtresses du pays.

    Mais Aix-la-Chapelle l'a restitué à l'Espagne. Pas de chance, le 12 octobre 1673, la guerre est déclarée entre la France et l'Espagne. Vauban prend les choses en main ! En 1674, l'armée du roi pénètre en Franche-Comté et Vauban est aux portesportes de Besançon qui refuse de capituler. Après la conquête de 1668, le roi lui a donné la mission d'ériger une citadelle à Besançon mais il doit quitter la région rendue à l'Espagne et, en 1674 un mois sera nécessaire pour que Vauban obtienne la reddition de la ville et de sa Citadelle édifiée par les Espagnols. Il a ensuite doté la région d'un patrimoine militaire impressionnant.

    Les sites inscrits à l’Unesco

    • La citadelle d'Arras (Pas-de-Calais) ; 
    • La citadelle, l'enceinte urbaine et le fort Griffon de Besançon (Doubs) ;
    • L'enceinte urbaine et les forts Paté et Médoc à (Gironde) ; 
    • L'enceinte urbaine, les forts des Salettes, des Trois Têtes et du Randouillet, ainsi que la communication Y et le pont d'Asfeld à Briançon (Hautes-Alpes) ; 
    • La Tour dorée à Camaret-sur-Mer (Finistère) ; 
    • La place forte de Mont-Dauphin (Hautes-Alpes) ; 
    • L'enceinte urbaine de Neuf-Brisach (Haut-Rhin) ; 
    • L'enceinte et la citadelle de Saint-Martin-de-Ré (Charente-Maritime) ;
    • L'enceinte, le fort Libéria et la Cova Bastera à Villefranche-de-Conflent (Pyrénées Orientales) ; 
    • La citadelle et l'enceinte neuves de Mont-Louis (Pyrénées orientales), sous réserve de l'accord du ministère de la Défense ; 
    • La ville neuve de Longwy (Meurthe-et-Moselle) ; 
    • Le fort transformé en citadelle du Palais à Belle-île-en-Mer (Morbihan) ;
    • Les tours observatoires de Tatihou et de Saint-Vaast-la-Hougue (Manche) ; 
    • Le château de Bazoches (Nièvre)

    Pour aller plus loin

    • Bernard Pujo, Vauban, Albin Michel, 1991 
    • Joël Cornette, Le Roi de guerre. Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Payot, Paris, 1993 (Petite bibliothèque, Payot, 2000) ;
    • Arnaud d'Aunay, Vauban, génie maritime, Gallimard, 2007 ;
    • Franck Lechenet, Plein Ciel sur Vauban, Éditions Cadré Plein Ciel, 2007 photographiesphotographies sur une centaine de sites de Vauban en vue aérienne. Textes historiques ;
    • Et sur Wikipédia : portail de la France du Grand Siècle (1598-1715), Portail de l'histoire militaire.