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    5°) Que faire ?

    Nous vivons un réchauffement planétaire en grande partie causé par les activités anthropiques et tous les modèles prévoient une augmentation importante des températures, avec les conséquences dont nous avons discuté plus haut. L'activité anthropique prédominante ciblée est la combustion des hydrocarbures et des charbonscharbons qui contribuent à augmenter de façon importante les teneurs atmosphériques en CO2CO2, un gaz à effet de serregaz à effet de serre. Nier cette évidence relève de l'ignorance ... ou de l'intérêt à le faire.

    La question fondamentale qui se pose, c'est d'abord: devons-nous agir ou non? Les réponses ne font pas l'unanimité.

    Scénario 1 : n'agissons pas!

    * « Il est temps de mettre fin aux idées préconçues et aux exagérations qui polluent le discours des écologistes.»
    * « On connaît le refrain. Ça ne l'empêche pas d'être faux ou, du moins, grandement exagéré. »
    * « Je ne peux pas concevoir que nous allons continuer à utiliser des quantités massives d'énergie fossileénergie fossile et que nous allons rejeter jusqu'à quatre fois plus de CO2 dans l'air en faisant référence aux 40 scénarios du GIECGIEC; en fait le GIEC prévoit 3,4 fois plus et non 4 fois plus de CO2 selon le pire des scénarios quand on sait que le prix de l'énergie renouvelableénergie renouvelable a chuté de 50% tous les 10 ans au cours des trois dernières décennies et devrait continuer à baisser »
    * « Le réchauffement de la planète est un problème important, mais pas le plus important. Et le protocole de Kyotoprotocole de Kyoto ne fera que le retarder de six ans! Autrement dit, on atteindra en 2100 la température qu'on aurait sinon atteinte en 2094. On ne sauve pas les habitants du Bangladesh, on ne fait que leur donner six ans de plus pour fuir la montée des eaux. (...) Le protocole de Kyoto va coûter annuellement de 150 à 350 milliards de dollars américains. Or, selon l'Unicef, pour 70 à 80 milliards par an, on pourrait résoudre le plus grave problème auquel l'humanité est en butte: donner à chaque habitant de la planète accès à de l'eau potable et à des installations sanitaires. Ça sauverait deux millions de vies chaque année et éviterait à un demi-milliard de personnes de tomber gravement malades. Ça aiderait dès maintenant des gens dépouvus de tout et le tiers-monde serait en bien meilleure posture pour s'adapter au réchauffement futur. »
    Ces citations sont extraites d'un interview de Bjorn Lomborg, professeur de statistique au département de Sciences politiques de l'Université d'Aarhus, au Danemark, et auteur de « The Skeptical Environmentalist » (Cambridge University Press), par Jean-François Bégin, publié dans l'Actualité (octobre, 2001).

    Il y a là de quoi hérisser le poil de l'individu soucieux de son environnement et celui de la Planète, n'est-ce pas? Elles ont cependant le mérite, ces citations, de mettre sur la table les véritables enjeux, la question fondamentale : pouvons-nous vivre avec un réchauffement de la Planète et ses conséquences. Le géologuegéologue historienhistorien de la Terre (que je suis) constatera qu'on ne connaît aucun exemple dans l'histoire géologique d'un réchauffement climatiqueréchauffement climatique planétaire qui aurait été préjudiciable à la Vie, mais que certains refroidissements par contre l'ont été (par exemple la grande extinction de la fin de l'OrdovicienOrdovicien). Mais, il y a une nouveauté ici: le rythme accéléré avec lequel nous réchauffons la planète n'a peut-être jamais été expérimenté dans le passé géologique; ce rythme risque peut-être de faire franchir un seuil qui amènera des perturbations imprévisibles, inconnues et irréversibles. Malgré tout, se pourrait-il que nous nous soyons lancés avec tellement d'enthousiasme et de conviction dans le « sauvetage » de la Planète que nous avons oublié de nous poser la question de base, soit le pourquoi de notre action?

    Par contre, ces citations ont le démérite de conforter dans ses opinions la droite peu encline à s'occuper à se préoccuper de l'environnement, qui voit l'IPCC (GIEC) comme une sorte d'épouvantail et qui trouvera là un support à l'inaction et à la poursuite des émissions de gaz à effet de serre. Le rejet de Georges W. Bush du protocole de Kyoto et sa nouvelle politique énergétique centrée sur l'utilisation des combustiblescombustibles fossiles en est un bon exemple. On pourrait aussi se demander si les milliards de dollars économisés seraient réellement utilisés pour régler les problèmes d'alimentation et de bien-être de l'humanité ou si ces argentsargents ne retourneraient pas plutôt dans les goussets de ceux qui vont considérer avoir le plus contribué à réduire les émissions, soit les grands consommateurs d'énergie (industrie lourde, habitants des pays industrialisés).

    Mais, si nous décidions de ne pas agir, il faudra bien nous assurer que nous, nos enfants et nos petits enfants pourrons vivre les conséquences d'un réchauffement planétaire. Pouvons-nous prendre ce risque?

    Scénario 2 : agissons!

    Plusieurs sont convaincus qu'il faut agir. La convention de Rio, le protocole de Montréalprotocole de Montréal et ses accords subséquents, ainsi que le protocole de Kyoto sont de bons exemples d'actions entreprises par la communauté internationale. Après les émissions de CFCCFC (protocole de Montréal), ce sont manifestement les réductions d'émissions de CO2 qui sont dans la mire des intervenants.

    Les défenseurs du protocole de Kyoto ont crié victoire après la conférence de Bonn en juillet dernier (2001). On s'est réjoui du « sauvetage » du protocole. Les écologistes ont jubilé. Selon l'un d'entre eux, « c'est un accord historique et une grande victoire pour l'environnement » (Le Devoir, 24 juillet 2001). Le Canada serait sorti grand gagnant de l'opération. Il pourra soustraire de ses émissions de CO2 ce qu'il aura englouti dans des puits de carbonepuits de carbone. La bonne affaire quoi! Planter un arbrearbre délivrera un permis de pouvoir utiliser son gros 4x44x4 climatisé pour aller acheter ses cigarettes au dépanneur du coin. Allez donc comprendre ces écologistes qui juste avant la « rencontre secrète » de Montréal (30 mars 2001) dénonçaient ce projet de puits de carbone, accusant le Canada de faire « la sale job à la place des Américains » (Le Devoir, 26 mars 2001). Pourtant, comme il est dit plus haut, le protocole de Kyoto n'est qu'une goutte d'eau dans la grande marre des réductions qu'il serait nécessaire de mettre en place pour freiner le réchauffement, et on a peine à y adhérer.

    Pour ma part, je doute qu'il y ait lieu de crier victoire. On aura sauvé une image, mais en pratique on s'est soumis aux impératifs des USA. George W. Bush, à qui on semble ne devoir rien refuser par les temps qui courent, se sentira plus à l'aise d'aller de l'avant avec sa politique énergétique fondée sur l'exploitation accélérée des combustibles fossiles: abandon des accords de Kyoto, augmentation de l'offre des hydrocarbures au détriment d'un contrôle de la demande, ouverture de l'exploration pétrolière et gazière et des forages dans un parc écologique de l'Alaska (Arctic National Wildlife Refuge), remise au goût du jour des centrales thermiques fonctionnant au charbon. On évalue que d'ici deux décennies la consommation de pétrolepétrole augmentera aux USA, de 45% et celle du gaz naturelgaz naturel de 50%. Georges W. trouvera bien une commission socio-economico-scientifique qui démontrera que les USA font plus que tout autre pays en enfouissant le CO2 dans des puits de carbone.

    Le signal du départ de la course aux puits de carbone est donné. Chaque organisme gouvernemental, chaque entreprise de recherche, chaque chercheur universitaire tentera de se tailler une part du gâteau des subventions. Qui côtoie les milieux scientifiques américains sait bien que déjà les fonds sont presqu'illimités pour qui propose de trouver des puits de carbone, ce qui risque d'entraîner parfois des propositions les plus farfelues et sans fondement scientifique.

    Note personnelle. La dernière que j'ai entendue à ce sujet proposait de contrôler tout le drainagedrainage d'une région vers une sorte de lac où les matièresmatières organiques se décomposeraient en méthane et que ce méthane « s'enfoncerait » (en anglais, sink) dans le sol et serait ainsi stocké pour des millénaires. Proposition faites par un chercheur d'une des plus grandes institutions océanographiques des USA! Comment croyez-vous qu'un politicien, dont la culture scientifique est en général mince, réagira face à une telle proposition?

    Le moyen le plus immédiat de capter le carbone à une grande échelle, c'est de le stocker dans la matière organique dont la fabrication est reliée au cycle photosynthèsephotosynthèse-respiration (cycle court). Donc de fabriquer de la matière organique. Simple! Plantons des arbres! Mais, en contrepartie, plus on produira de matière organique, plus celle-ci est susceptible d'être oxydée et de produire du CO2; le soi-disant puits de carbone risque de devenir un miroirmiroir aux alouettes. Car il s'agit là d'un puits à cycle très court. En effet, au delà de la démarche toute bucolique de planter un arbre, il faut savoir que les géochimistes ont démontré qu'une forêt à maturité consomme autant d'O2 qu'elle en produit et qu'en terme de puits de carbone, le bilan est nul, c'est-à-dire qu'il y a équilibre entre photosynthèse et respiration en terme d'échange de carbone. La grande forêt boréaleforêt boréale canadienne ou russe en est un exemple. Autre donnée importante à considérer est qu'une forêt ou une prairie en friche recèle dans son sol de 5 à 10 fois plus de carbone qu'un sol cultivé. C'est donc dire que la seule reforestation susceptible d'agir comme puits de carbone est celle qui remplacerait des sols cultivés. Est-on prêt à sacrifier des terres cultivées?
    Il y a, à mon avis, un énorme risque que cette course aux puits de carbone devienne un faux-fuyant qui permettra aux pays industrialisés, dont le Canada, de soustraire de ses émissions de CO2 un volumevolume jugé équivalent par des plantations de végétaux. Déjà, on faisait état, il y a quelques semaines, de la volonté de l'Ontario de développer des forêts dans ... les Caraïbes et de considérer ceci comme sa contribution à la réduction des émissions de CO2.

    Note personnelle Grand titre dans Le Devoir du 7 novembre 2001: La contraceptioncontraception pour freiner l'effet de serre. Selon l'Agence France-Presse, le dernier rapport du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) sur l'état de la population mondiale 2001 indique que chaque naissance évitée peut réduire le coût du changement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre. Et cela simplement en réduisant le nombre de pollueurs futurs. Fallait y penser. Mais le rapport prend bien soin de préciser que les évaluations des coûts de la procréation liés au climatclimat varient fortement selon les pays: une naissance en Afrique où les taux d'émissions de gaz à effet de serre sont faibles peut entraîner des coûts de l'ordre d'une centaine de dollars, alors qu'ils atteignent 4000 $ par naissance aux USA qui produisent un quart du volume mondial de ces émissions.
    Et pourquoi ne pas considérer comme puits de carbone la contraception et, tant qu'à faire, les enfants que l'Occident laisse mourir de faim dans les pays sous-développés ou tue avec des bombes, et soustraire cette contribution à ses émissions de gaz à effet de serre ?
    Vous jeunes femmes et jeunes hommes qui pratiquez la contraception, sachez que sans le savoir vous contribuez à réduire le réchauffement planétaire et à sauver ainsi l'avenir de vos enfants et petits enfants.

    Ne nous berçons pas d'illusions. À mon avis, il n'y a qu'une seule véritable solution pour réduire les émissions de CO2 et le réchauffement qu'elles entraînent: cesser de court-circuiter le cycle long du carbone en puisant dans les combustibles fossiles et en brûlant les calcairescalcaires (cimenteries), ce qui implique un changement drastique dans nos habitudes de vie. La recherche de divers puits de carbone appartenant au cycle court est certes louable en soi et ne doit pas être abandonnée, mais la somme de leur captage du CO2 demeurera bien en deça de la somme des émissions reliées à notre consommation des hydrocarbures et charbons qui eux appartiennent au cycle long. Il a fallu quelques 600 millions d'années pour constituer le stock de carbone des combustibles fossiles, nous prendrons quelques siècles pour les épuiser! ... Tout cela dit par un géologue dont la recherche fondamentale trouve ses applicationsapplications en exploration pétrolière!

    http://www.manicore.com/documentation/serre/modele.html
    http://www.manicore.com/documentation/serre/confiance.html
    Deux pages de l'excellent site de Jean-Marc Jancovici qui traitent beaucoup plus à fond le sujet des modèles climatiquesmodèles climatiques et de leur fiabilité.