Certains calmars peuvent rapidement changer de couleur sous le contrôle du système nerveux. Le phénomène est connu et désormais visualisé par l'insolite expérience d'anciens étudiants américains lancés dans le projet Backyard Brains. Cette équipe a réussi à moduler la couleur de la peau d’un céphalopode... grâce à un baladeur diffusant un morceau de hip-hop.

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    Utilisées pour se camoufler ou communiquer, les couleurscouleurs jouent un rôle primordial dans le monde animal. Plusieurs espèces terrestres, mais aussi marines comme certains céphalopodes, possèdent une capacité souvent surprenante : ils peuvent changer leur patron de coloration en seulement quelques secondes.

    Cette propriété repose sur des chromatophoreschromatophores dynamiques présents dans la peau. Il s'agit de cellules pigmentairespigmentaires pouvant contenir soit divers pigments colorés, soit des nanostructures permettant de réfléchir avec des intensités variables certaines longueurs d'ondelongueurs d'onde de la lumièrelumière. Dans ce dernier cas, ils se nomment iridophores. Les mécanismes activant les contractions ou le relâchement des chromatophores, la cause du changement de couleur, restent actuellement méconnus même si l'intervention du système nerveux est fortement supposée. En effet, un dépôt d'acétylcholineacétylcholine, un neurotransmetteurneurotransmetteur, sur des tissus de calmar provoque des modifications de couleur à la surface des échantillons.


    Un lecteur musical a été connecté à un nerf parcourant la peau d'un calmar. Les chromatophores se sont alors contractés au rythme de la musique (Insane in the brain, du groupe Cypress Hill). Ils sont donc bien contrôlés par le système nerveux. © Backyard brains

    Trevor Warhill de la Wood Hole Oceanographic Institution (WHOI) aux États-Unis vient enfin de valider cette hypothèse grâce à la réalisation de dissections fines et à la stimulationstimulation de nerfsnerfs parcourant la peau d'un calmar. En effet, un simple courant lui a suffi pour provoquer des changements de couleur et de réflectance. Sa méthodologie, présentée dans la revue Proceedings of the Royal Society Ba inspiré les membres du projet Backyard Brains. Souhaitant sensibiliser le grand public et les collégiens aux neurosciences avec humour et pédagogie, ils sont parvenus à faire varier la couleur d'un calmar au rythme d'un morceau de hip-hop, Insane in the brain, du groupe Cypress Hill. Le tout a bien sûr été filmé...

    Un calmar connecté à un iPod Nano

    Les échantillons de peau ont été prélevés sur les nageoires d'un Doryteuthis pealeii, un calmar vivant dans les eaux américaines. La couche la plus interne de l'épidermeépiderme a ensuite été retirée méticuleusement afin de mettre au jour puis d'activer à souhait les axonesaxones innervant la couche de l'épiderme riche en chromatophores. Durant les expériences, un électrostimulateur a envoyé des séries d'impulsions de 5 V à une fréquence de 10 HzHz, le tout durant 15 s. L'activation du dispositif déclenchait également une caméra braquée sur l'échantillon et un spectrophotomètre mesurant l'intensité et les longueurs d'onde de la lumière réfléchie par les iridophores.

    Leur couleur a changé, passant du rouge au vert, à chaque cycle de stimulation tandis que leur réflectance augmentait de 245 % en moyenne (maximum de 359 %). Ces cellules sont donc bien sous le contrôle du système nerveux puisque activées par l'électricité. L'extraction des couches de peau situées sous ou sur la couche de chromatophores n'a rien changé aux résultats. L'acétylcholine est donc libérée par les influx nerveux à proximité des cellules ciblées qui sont donc innervées. Par ailleurs, l'intensité des variations de couleurs et leur taux de réflexion seraient liés à la quantité de neurotransmetteurs libérés par les cellules nerveuses. 

    Lors de la réalisation de la vidéo en musique, l'équipe de Backyard Brains a remplacé l'électrostimulateur par un baladeur iPod NanoiPod Nano. Les cordons des écouteurs, sectionnés, ont été directement connectés aux nerfs. Le courant généré par le lecteur musical permet en effet de déclencher la propagation d'un potentiel d'actionpotentiel d'action au sein des axones. Voilà une expérience de neuroscience assez démonstrative...