Deux espèces de carabidés du genre Epomis ont mis au point un stratagème doublement efficace qui leur permet d'une part d'éviter leur prédateur mais en plus de se nourrir : il s'agit de parasiter voire dévorer ce prédateur, grâce à un leurre et des mouvements très rapides.

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    Une larve de carabidé attaque un amphibien, son habituel prédateur. ©  Gil Wizen/AFTAU

    Une larve de carabidé attaque un amphibien, son habituel prédateur. ©  Gil Wizen/AFTAU

    Parmi les meilleurs moyens d'échapper à un prédateur, on trouve notamment la fuite ou la dissimulation (par mimétisme, par exemple). Stratégies un peu lâches, mais qui ont fait leurs preuves dans de nombreux cas. Les carabidés eux, emploient une méthode bien plus courageuse : ils inversent les rôles. C'est ce que viennent de découvrir deux chercheurs de l'université de Tel-Aviv au cours d'une étude sur les amphibiens, les arroseurs arrosés de cette histoire.

    Les amphibiens se nourrissent abondamment de larves de carabidés. On sait aussi que beaucoup d'entre elles parasitent certains amphibiens. Ce qui est plus étonnant, c'est que les rôles peuvent être inversés : une proie qui devient prédateur de son prédateur. Dans une étude publiée sur le site Plos One, les chercheurs israéliens se sont intéressés à deux espèces de carabidés qui adoptent ce comportement : Epomis circumscriptus et Epomis dejeani.

    L'arroseur arrosé

    Ces deux espèces ont l'habitude de cohabiter avec des amphibiens, dans des habitats humides et les larves comme les adultes Eponis se nourrissent d'amphibiens, bien que les adultes soient des prédateurs plus généralistes et se nourrissent donc d'autres animaux.


    L'amphibien réussit à se saisir de la larve mais la régurgite et celle-ci s'accroche immédiatement à son cou. © Gil Wizen et Avital Gasith 2011, Plos One - Université de Tel-Aviv

    Comment cette confrontation tourne-t-elle à l'avantage du coléoptèrecoléoptère ? Grâce à un leurre. Afin de se montrer et d'attirer l'amphibien particulièrement sensible aux mouvementsmouvements dans son environnement, les larves Epomis bougent leurs antennes ou leurs mandibulesmandibules. Apercevant ces mouvements, l'amphibien approche et alors qu'il arme sa langue pour capturer sa proie, celle-ci lui saute à la gorge et le parasite (voir la vidéo ci-dessus). C'est ce qui est arrivé dans 70 % des cas des expériences réalisées par les chercheurs et mettant un amphibien en présence d'une larve.

    La larve gagnante à tous les coups

    Dans les autres cas, quand la larve et l'amphibien entrent en contact accidentellement, elle n'a pas recours au leurre, mais l'issue est identique. Enfin, rarement, la larve se fait capturer mais est rapidement régurgitée et s'accroche immédiatement à l'amphibien (voir vidéo ci dessous). Quoi qu'il en soit, la situation n'a jamais tourné à l'avantage de la grenouille.


    L'amphibien, attiré par le leurre, s'approche de sa proie qui l'attaque en s'accrochant à sa peau. © Gil Wizen et Avital Gasith 2011, Plos One - Université de Tel-Aviv

    Si, quand la larve est jeune, elle se contente de parasiter son hôte et de le libérer en lui laissant une grosse cicatricecicatrice, celles qui sont plus âgées mêlent ectoparasitisme et prédation, si bien qu'elles finissent par dévorer entièrement l'amphibien.

    Ce schéma d'inversion des rôles est assez rare d'autant que dans ce cas, il semble bien s'agir d'une situation normale et non d'une exception. Il est encore moins fréquent qu'une espèce s'attaque à une proie plus grosse qu'elle. Enfin, d'un point de vue évolutif, il est intéressant de constater que ces deux espèces sont les seules du genre Eponis à adopter ce type de comportement.