La façon de s’alimenter des colibris telle qu’on l’imaginait depuis 180 ans a été revue et corrigée grâce à des images vidéo exceptionnelles. Au lieu de récupérer le nectar des fleurs par capillarité, les oiseaux-mouches utilisent leur étonnante langue, capable de se transformer en piège, sans la moindre dépense énergétique !

au sommaire


    Les technologies récentes permettent de résoudre certains mystères de la biologie, mais aussi, parfois, de rétablir la vérité sur des croyances centenaires. Le cas s'est produit tout récemment grâce à la réalisation de vidéos à très haute vitessevitesse et à haute définition, qui ont permis de visualiser au ralenti et pour la première fois la façon de s'alimenter des colibris... et par la même occasion de prouver que les biologistes avaient tort depuis plus de 180 ans !

    Oiseaux colorés de petite taille (certains ne mesurent pas plus de 2 centimètres), les colibris battent très vite des ailes et sont capables de voler vers l'arrière et de faire du sur-place. Ces performances étonnantes leur valent leur surnom d'oiseaux-mouches. Ils sont ainsi visiblement très bien adaptés au butinage du nectar des fleurs, leur principal repas, ce qu'ils font en plein vol en insérant leur long bec dans la corolle formée par les pétales des fleurs.

    Une hypothèse jamais vérifiée

    Ce qui est en revanche moins évident à observer, c'est la façon dont les colibris remontent ce fameux nectar jusqu'à leur gorge. Les hypothèses émises depuis les années 1830, et qui étaient considérées jusqu'alors comme un fait établi, suggéraient que ces petits oiseaux récupéraient le succulent nectar de façon passive. Le phénomène physiquephysique impliqué était supposé être la capillaritécapillarité, capable d'aspirer un liquideliquide dans un tube très fin grâce aux forces de cohésion des moléculesmolécules qui entraînent une attraction du liquide sur les parois.


    La langue du colibri prend une structure différente dès qu'elle entre en contact avec le nectar. © Pnas

    La complexité des conditions (oiseaux trop petits, trop rapides et fleurs opaques) et le manque de moyens rendaient difficile une étude plus approfondie de ces oiseaux, empêchant la confirmation de l'hypothèse. Toutefois, des doutes commençaient à naître dans les cerveaux des scientifiques. En effet, les modèles informatiques réalisés dans les années 1980 estimaient que s'ils utilisaient la capillarité, les colibris devaient alors nécessairement préférer les nectars les plus fluides. Or les biologistes s'accordent à dire que ces oiseaux préfèrent pour la plupart d'entre eux les nectars les plus épais... 

    Une langue fourchue et poilue

    Les nouveaux résultats obtenus par des scientifiques de l'Université du Connecticut et publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences ont permis de comprendre ce paradoxe. Les travaux ont consisté en l'observation et l'enregistrement sur vidéo d'une trentaine de colibris (principalement originaires des Andes) occupés à se nourrir d'un nectar placé artificiellement dans un tube en plastiqueplastique à l'apparence de fleur, mais doté d'un conduit transparenttransparent offrant ainsi aux observateurs une vue inégalée sur la langue de ces oiseaux-mouches.

    Celle-ci est bien différente de celle des mammifères. Elle est longue et extensible, et composée de deux longs tubes collés l'un à l'autre. Les biologistes ont observé que dès que la langue se trouve en contact du nectar, les deux tubes se séparent et s'élargissent pour prendre l'apparence de deux plumes. En fait, chaque tube déplie une frange de longs poils qui capturent le nectar et se rétractent dès qu'ils quittent le milieu liquide, et ce jusqu'au retour de la langue dans le bec de l'oiseauoiseau. Les quelques microlitres de nectar piégés pourront alors être avalés.

    Que l'oiseau soit en vie ou non, la langue réagit de la même façon, indiquant que le mécanisme de changement structural est automatique et n'impose guère de dépense énergétique pour l'animal. Cette découverte remet en question le mécanisme d'alimentation d'autres oiseaux nectarivores et permet également, selon les auteurs, d'imaginer des applicationsapplications pratiques de ce mode particulier de capture de fluide.